L’histoire du camp de Yarmouk est un condensé de l’histoire de la région depuis le début de la dictature du clan Assad, qu’on peut qualifier de nationale-socialiste. On y retrouve un échantillon des rapports de domination et des loyautés politiques qui ont conduit à la fracturation violente les sociétés Syrienne et Palestinienne depuis le milieu des années 1950. Yarmouk a aussi été un modèle réduit du soulèvement et de la guerre civile qui ont ravagé la Syrie depuis 2011. On vous propose un retour exhaustif sur la chronologie de ces quatorze dernières années…

Présentation non-exhaustive du camp

Le camp de réfugiés de Yarmouk s’est établi en 1957 en périphérie de Damas, sur un territoire de 2,11 kilomètres carrés bordés au Nord par le district Al-Midan (quartiers Al-Qa’a et Al-Zahera), à l’Ouest par le district Al-Qadam (quartiers de Qadam Sharki et Jouret Shreibati), à l’Est par Tadamon et au Sud par Yalda, Taqaddom et Al-Hajar al-Aswad. Ses résidents ont fui la Palestine en 1948 et une partie d’entre eux est passée d’abord par le Liban ou la Jordanie avant de rejoindre la Syrie. Le camp s’est agrandi progressivement vers l’Est en accueillant après 1967 des réfugiés du Golan (incluant des Druzes – 25%, des Turkmènes et des Alaouites – 3%), qui se sont installés pour la plupart dans le district voisin de Tadamon. Au sens strict, le camp de Yarmouk désignait d’abord le périmètre délimité par la 30ème rue à l’Ouest et la rue de Yarmouk à l’Est, puis l’ensemble du périmètre s’étendant jusqu’à la rue de Palestine (voir carte). Dans certains articles et rapports, le camp est improprement divisé en deux camps distincts, « Yarmouk camp » et « Palestine camp », mais cette division ne correspond à aucune réalité administrative. De la même façon il arrive que les districts de Al-Hajar al-Aswad et Taqaddom soient inclus dans la dénomination « camp de Yarmouk », du fait qu’une partie de ses résidents étaient aussi réfugiés de Palestine.

Yarmouk était en 2011 le plus grand camp de réfugiés Palestiniens parmi les 12 camps que comptait la Syrie. Au début du soulèvement Yarmouk comptait en effet 351 500 résidents Syriens et 171 880 réfugiés Palestiniens (44 279 familles). L’UNRWA y administrait 23 installations, dont 16 écoles, 3 centres de santé, une Centre Culturel pour les Jeunes, un Centre de Développement Educatif et deux Centres Communautaires[1]. Aux écoles gérées par l’UNRWA s’ajoutaient 7 écoles publiques. On trouvait également à Yarmouk 11 mosquées, la population y étant quasi exclusivement de confession musulmane sunnite.

La gestion administrative du camp était confiée à une municipalité affiliée au parti Ba’ath et aux factions Palestiniennes lui ayant prêté allégeance, en tête desquelles le Front Populaire de Libération de la Palestine – Commandement Général (PFLP-CG). Les principales factions Palestiniennes présentes et actives à Yarmouk au début du soulèvement étaient alors loyales envers le régime de Bachar al-Assad :

  • Front Populaire de Libération de la Palestine – Commandement Général (FPLP-CG), scission du FPLP fondée en 1968 et sortie de l’OLP en 1974. Dirigée par Ahmad Jibril, Talal Naji et Anwar Raja ;
  • Armée de Libération de la Palestine (PLA – Jaysh al-Tahrir al-Falastini), fondée par l’OLP en 1964, puis inféodée au parti Ba’ath Syrien et exclue de l’OLP en 1973. Dirigée par Akram Muhammad al-Salti ;
  • Fatah al-Intifada (trad. « Le soulèvement du Fatah »), scission du Fatah fondée en 1983 et exclue de l’OLP la même année. Dirigée par Saïd al-Mouragha « Abu Mussa » jusqu’en 2013, puis Ziad al-Saghir « Abu Hazim » ;
  • As-Sa’iqa (trad. « coup de foudre »), branche Palestinienne du parti Ba’ath Syrien fondée en 1966. Dirigée par Mohammed Qeis.
  • Harakat Falasteen Hurra (trad. “Mouvement Palestine Libre”), fondé en 2003 et dirigé par Yasser Qashlak et Saed Abd Al-Aal.

Elles ne représentaient cependant pas la majorité des Palestiniens de Yarmouk et ne devaient leur existence qu’à leur loyauté envers le régime, les autres mouvements Palestiniens étant bannis. Le Hamas quant à lui bénéficiait depuis 1999 d’une présence en Syrie à la fois essentiellement symbolique du fait de son appartenance à « L’Axe de Résistance » et étroitement contrôlée du fait de son affiliation historique aux Frères Musulmans, violemment persécutés par le régime depuis les années 1980.

Carte 1 : Localisation de Yarmouk par rapport à Damas (carré vert = Carte 2)

Carte 2 : Quartiers et districts situés autour de Yarmouk.

Carte 3 : Infrastructures du camp de Yarmouk.

Avant 2011 : Les Prémisses.

La présence Palestinienne en Syrie est antérieure à la dictature des Assad. L’afflux des réfugiés de 1948 s’est produit sous la présidence de Shukri Al-Quwatli, alors que la Syrie venait d’obtenir son indépendance deux ans plus tôt. On comptait alors 85 000 réfugiés Palestiniens sur le territoire Syrien, mais plusieurs vagues successives allaient se produire en 1967 depuis le Golan suite à la « Guerre des six jours », en 1970 depuis la Jordanie suite aux événements de « Septembre Noir » et en 1982 depuis le Liban en raison de la guerre civile libanaise. En 2011, on comptait 585 610 réfugiés Palestiniens en Syrie.

Initialement impliquée auprès des Palestiniens dans la guerre des six jours et au début de la crise de 1970 (Septembre Noir), la Syrie allait très rapidement trahir leur cause sous Hafez al-Assad. Sa participation dans l’offensive du Yom Kippour en 1973 avait davantage pour objectif la récupération du Golan perdu en 1967 que la défense de la cause Palestinienne. Et comme en 1967 et en 1970, les forces armées Syriennes allaient être défaites, faisant périr au passage des centaines de combattants Palestiniens de l’Armée de Libération de la Palestine, instrumentalisés pour servir les intérêts de la dictature. Le Golan a été laissé à Israël dans le cadre des accords de désengagement signés entre les deux pays en 1974.

Le 20 janvier 1976 les proxy Palestiniens de la Syrie, l’Armée de Libération de la Palestine et As-Sa’iqa, massacraient plus de 500 civils Chrétiens à Damour, jetant à la fois l’opprobre sur la résistance Palestinienne incarnée alors par l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et poussant les milices chrétiennes à appeler à l’aide la Syrie. Un peu plus de quatre mois plus tard, Assad envoyait son armée au Liban dans une incompréhensible stratégie visant à soutenir les phalanges chrétiennes face aux « Palestino-progressistes » de l’OLP menée par Yasser Arafat et du Mouvement National Libanais mené par le leader Druze Kamal Jumblatt, prétendant ainsi empêcher l’intervention israélienne au Liban. Immédiatement après son entrée sur le territoire libanais, et après avoir été stoppée par le PLO dans le Chouf, l’armée syrienne assiégeait le camp Palestinien de Tel al-Zaatar avec l’aide de 3 000 phalangistes Chrétiens. A l’issue d’un siège de deux mois, la résistance Palestinienne offrait sa reddition et Assad laissait les milices chrétiennes (fascistes) pénétrer dans le camp le 12 août 1976. Celles-ci allaient procéder au pillage et à l’incendie des habitations, ainsi qu’au viol et au massacre systématique des civils Palestiniens, exécutant plus de 1 500 résidents du camp dans l’un des plus gros massacres de Palestiniens depuis la Nakba.

A partir de là et jusqu’à son retrait du Liban en avril 2005, l’armée syrienne et le régime d’Assad allaient déterminer le destin du Liban, mais également des Palestiniens du Liban et de Syrie. A la suite de l’intervention israélienne au Liban en 1982, le régime Syrien allait d’abord permettre à l’Iran de créer, d’entraîner et d’armer le Hezbollah et le Jihad Islamique, d’utiliser son territoire comme passerelle entre l’Iraq et le Liban, avant de se servir des milices iraniennes comme proxy dans sa guerre sanguinaire menée contre tous les Syriens à partir de 2011, qu’ils soient par ailleurs progressistes ou islamistes. En parallèle, l’OLP était expulsée hors du Liban, marquant la fin de la liberté politique des Palestiniens du Liban, leur situation allant s’aligner avec celles des Palestiniens de Syrie. Traités en éternels étrangers et privés de leurs droits civiques, ceux-ci étaient condamnés à la neutralité et à la dépendance économique, tout en étant dépossédés de leur combat pour la libération de la Palestine, accaparé par l’Etat Syrien, l’Etat Iranien et leurs proxys, la Syrie devenant elle-même bientôt le proxy de l’Iran, après avoir été celui de la Russie soviétique.

Maintenant qu’on a posé le contexte, intéressons-nous à l’histoire récente de Yarmouk.

2011  – 2012 : L’Ébullition. Milices pro-Assad et premières bombes du régime.

Lors de l’éruption de la révolte en mars 2011, les résidents de Yarmouk et ses factions politiques conservèrent dans un premier temps la position de neutralité qui leur était imposée depuis près de 30 ans. Après une première grève – réprimée par la force – pour protester contre le bombardement du camp de réfugiés Palestiniens de Dera’a en avril, les tensions augmentèrent progressivement entre juin 2011 et juillet 2012.

A l’occasion de la commémoration de la Nakba et de la Naksa le régime organisa par le biais du FPLP-CG deux manifestations sur la frontière du Golan les 15 mai et 5 juin 2011, lors desquelles 26 jeunes Palestiniens de Yarmouk furent tués par l’armée israélienne alors qu’ils essayaient de franchir les barrières de sécurité. Lors des funérailles organisées à Yarmouk le 6 juin, Assad fut accusé par les résidents de Yarmouk d’avoir voulu détourner l’attention de ses crimes contre les Syriens, ainsi que des déclarations controversées de son cousin et homme d’affaire clé du régime Rami Makhlouf, qui venait d’affirmer un peu plus tôt que « la sécurité du régime syrien ne faisait qu’une avec celle d’Israël ». Le FPLP-CG pour sa part fut rendu responsable des événements tragiques survenus sur la frontière du Golan, et notamment d’avoir envoyé les manifestants dans un piège après les avoir galvanisé et instrumentalisé pour servir la propagande faussement pro-Palestinienne du régime. Celle-ci affirmait alors qu’attaquer le régime, c’était attaquer « l’Axe de Résistance » et servir les intérêts de l’impérialisme américain et du sionisme. Par conséquent, la rébellion syrienne était assimilée à un complot sioniste et les manifestants et rebelles Syriens à des agents de l’impérialisme occidental. Hélas, une grande partie des mouvements de solidarité avec la Palestine et de la Gauche occidentale se sont fait piéger par cette argumentaire spécieux et continuent jusqu’à ce jour à soutenir le régime d’Assad et ses alliés[1]. Quoi qu’il en soit les Palestiniens de Yarmouk n’étaient pas dupes et les funérailles, qui réunirent 30 000 personnes, allaient se transformer en manifestation et encercler le siège du FPLP-CG « Al-Khalsa » situé à la limite Sud de Yarmouk. Les gardiens des lieux ouvrirent alors le feu, tuant 2 personnes parmi les manifestants : Rami Siyam (14 ans) et Jamal Ghutan. Des centaines de manifestants prirent ensuite d’assaut le bâtiment avant de l’incendier, tuant deux membres du PFLP-CG avant d’être repoussés par les forces du régime et des renforts du PFLP-CG.

En août 2011, le régime procéda au bombardement du camp de réfugiés Palestiniens de Al-Ramel dans la périphérie de Latakia, accusant ses résidents de soutenir le « terrorisme » du fait de la forte activité anti-Assad dans le camp. Plus de la moitié de ses 10 000 résidents furent contraints à fuir le camp par les forces du régime et ses chabiha, qui procédèrent au pillage de leurs logements. Dans la foulée, Yarmouk organisa sa première manifestation en solidarité avec Al-Ramel le 17 août 2011, réunissant environ 300 personnes. Durant l’été, près de 70 000 déplacés de différentes villes prises pour cible par le régime furent massivement accueillis dans les mosquées, les écoles et les espaces publics de Yarmouk.

Au cours de l’année 2012, les manifestations et grèves allaient se multiplier, reprenant les principaux slogans de la révolution Syrienne, tandis que l’armée ouvrait le feu sur la foule et fracturait les verrous des commerces en grève pour forcer leur reprise d’activité. Les services de sécurité du régime commençaient en effet à manifester leur inquiétude face à ces mouvements de contestation, enjoignant aux responsables communautaires de les réduire au silence.

Notons qu’avant l’été 2012 le millionnaire Palestinien loyal au régime Yasser Qashlak, fondateur et leader du Mouvement Palestine Libre, constitua les « Forces du Bouclier d’Al-Aqsa » (Quwaat Der’a Al-Aqsa), un groupe de mercenaires chargé de dissuader l’opposition de se rassembler, notamment en se réunissant à la sortie des mosquées et en mettant en scène des manifestations favorables au régime. A la fin de l’été, Qashlak finança également l’armement de 1100 membres du bras armé du FPLP-CG, les Brigades Jihad Jibril (Kataeb Jihad Jibril), dont 500 allaient constituer les Comités Populaires (Al-Lijan al-Sha’biyah), milices mises sur pieds à Yarmouk comme dans différents districts de la région de Damas pour prévenir l’infiltration de groupes rebelles sunnites et faire face ainsi à l’offensive prévisible de l’Armée Syrienne Libre[2].

Le 13 juillet 2012, Yarmouk fut le point de départ d’une manifestation de plusieurs milliers de personnes en direction du quartier voisin de Tadamon pour protester contre son bombardement, mais aussi contre le massacre de plus de 150 civils à Tremseh (Hama) par les chabiha d’Assad et la mort de recrues Palestiniennes dans la guerre menée par le régime contre son peuple. Une nouvelle fois, l’armée ouvrit le feu sur la manifestation et tua 10 manifestants.

Le lendemain, les funérailles réunissant 50 000 personnes entrainèrent l’encerclement de Yarmouk par des blindés et le ministre des affaires étrangères menaça les réfugiés Palestiniens, déclarant qu’en tant qu’invités ceux-ci étaient soumis à un devoir de neutralité. Cette volonté de neutralité était alors largement partagée par les résidents et l’ensemble des factions Palestiniennes, qui savaient quelles conséquences dramatiques pourrait entraîner l’ouverture d’un nouveau front avec le régime à Yarmouk.

[1] Lire notre publication « Camarades gauchistes occidentaux, vous avez perdu vos camarades du Levant », accessible à https://interstices-fajawat.org/fr/camarades-gauchistes-occidentaux-vous-avez-perdu-vos-camarades-arabes/

[2] Tom Rollins, Palestinian-Syrian Militarization in Yarmouk, Atlantic Council, 19 juillet 2017, accessible à https://www.atlanticcouncil.org/blogs/syriasource/palestinian-syrian-militarization-in-yarmouk/

2012  – 2013 : L’Éclatement. La rébellion armée s’empare de Yarmouk.

En juillet 2012, l’Armée Syrienne Libre lança son offensive « Volcan de Damas » pour la libération de la capitale. Le 15 juillet, le poste de police à l’entrée de Yarmouk fut attaqué et incendié, provoquant la riposte aérienne du régime et les premières frappes sur le camp le 17 juillet, tuant 9 personnes. Trois jours plus tard, l’ASL se retira et l’armée du régime reprit contrôle de toutes les zones limitrophes du camp (Al-Hajar al-Aswad, Tadamon, Qadam), contraignant nombre de ses habitants à se réfugier à Yarmouk en surplus des milliers de déplacés déjà présents.

Durant l’été, le camp de Yarmouk allait ainsi accueillir des milliers de déplacés supplémentaires, alors que le régime poursuivait son bombardement massif des villes syriennes pour riposter face à la rébellion de l’Armée Syrienne Libre. En conséquence de cet afflux massif de déplacés, la population allait atteindre près de 900 000 personnes, soit trois fois plus qu’avant le soulèvement. Le 2 août 2012, une frappe du régime tua 21 personnes dans ce qui fut appelé le « massacre de la rue Ja’ouneh ». Yarmouk entra alors pour la première fois dans la guerre civile, voyant au cours de l’automne la diffusion d’un « appel à protéger les camps Palestiniens » suivi de la mise sur pieds de factions armées Palestiniennes opposées au régime : Aknaf Beit al-Maqdis (affilié au Hamas et dirigé par Abu Ahmed Mushir), Liwa al-Asifa, Ababil Falastin, Liwa Al-‘Ahda Al-‘Umariya…

Carte n°3 : Yarmouk – Situation après l’offensive de l’ASL, fin 2012.

Le Hamas, qui avait soutenu les manifestations contre le régime, offrait désormais son expertise aux rebelles de l’Armée Syrienne Libre et de Aknaf Beit al-Maqdis sans l’admettre publiquement. Ce choix dangereux était alors motivé par l’arrivée au pouvoir de Mohamed Morsi et des Frères Musulmans – leurs parrains et sponsors – en Egypte, mais allait entraîner très vite la riposte du régime Syrien avec l’arrestation et la torture de Mamoun al-Jaloudi, commandant en chef et garde du corps du Chef du Bureau Politique du Hamas Khaled Meshaal, puis l’expulsion de ce dernier et des autres dirigeants du Hamas de Damas vers le Qatar, le Caire et Gaza.[1] [2] C’est aussi dans cette période que Jabhat al-Nusra commença à opérer dans le district aux côtés de l’ASL.

Alors que le régime poursuivait ses bombardements quotidien depuis l’été, l’escalade fut portée à son point de rupture au mois de décembre quand les milices Palestiniennes loyales au régime commencèrent à établir des checkpoints autour de Yarmouk et à confronter militairement l’Armée Syrienne Libre à al-Hajar al-Aswad et Yalda, où cette dernière s’était désormais établie. Notons que le FPLP-CG n’avait utilisé ses armes jusqu’à présent que pour intimider et persécuter les résidents du camp, sans jamais affronter l’opposition armée.

A partir du 12 décembre 2012, le régime interdit dans un premier temps l’entrée de camions transportant des matériaux. Le lendemain, une frappe visa l’hôpital Al-Bassel puis, le 16 décembre 2012, une nouvelle frappe aérienne cibla la mosquée Abd Al-Qader Al-Hussaini et l’école attenante, qui abritaient plusieurs centaines de réfugiés des quartiers avoisinants, tuant 200 personnes dans ce qui fut appelé le « massacre du MiG » ou « massacre Abdul Qader Al-Hussaini ». [3]

Dès le lendemain, des centaines de combattants de l’Armée Syrienne Libre et de Jabhat al-Nusra prirent possession de Yarmouk, repoussant le FPLP-CG et ses alliés vers l’extrémité Nord du camp, déclarant celui-ci « zone libérée ». Le régime bombarda alors massivement le camp, poussant 80% de ses résidents, Palestiniens comme déplacés internes, à fuir Yarmouk vers Qudseya et Sehnaya. [4] Les factions affiliées à l’ALS étaient alors Suqur Al-Joulan, Ababil Hawran, Jund Allah, Saraya al-Beyt, Ahfad Aisha, Abu Al-Harith Joulani, Imam Thahabi, Shuhada Al-Nour…

Les factions Suqur al-Joulan et Ababil Hauran entreprirent le pillage des maisons des résidents refusant de quitter Yarmouk tout en squattant avec leurs familles les logements vides, créant des tensions entre les résidents et les factions présentes, tandis que Jabhat al-Nusra allaient instaurer progressivement la loi islamique et persécuter les activistes Palestiniens.

[1] Mohanad Hage Ali, Kill List, Carnegie Middle East Center, 14 mai 2018, accessible à https://carnegieendowment.org/middle-east/diwan/2018/05/kill-list?lang=en

[2] Mamoon Alabbasi, How did Hamas’s military expertise end up with Syria’s rebels?, Middle East Eye, 23 mai 2015, accessible à https://www.middleeasteye.net/news/how-did-hamass-military-expertise-end-syrias-rebels

[3] Action Group For Palestinians in Syria, 9 Years On, Palestinians of Syria Remember Tragic ‘Mig Massacre’ in Yarmouk Camp, 16 décembre 2022, accessible à https://www.actionpal.org.uk/en/post/13709/articles/9-years-on-palestinians-of-syria-remember-tragic-mig-massacre-in-yarmouk-camp

[4] Al-Arabiya, (ARABE) The Military Council of the Free Army storms the Yarmouk camp, 17 Décembre 2012, accessible àhttps://www.alarabiya.net/articles/2012/12/17/255640

Carte n°5 : Yarmouk – Zones d’influences au milieu de l’année 2013

Année 1 du siège

Carte n°6 : Yarmouk – Zones d’influences au milieu de l’année 2014

Année 2 du siège

2015 – 2016 : La Submersion. Les takfiris s’engouffrent dans Yarmouk

Le 15 janvier 2015 des activistes lancèrent l’appel à l’aide « Sauvez les Palestiniens de Syrie », exigeant de l’OLP, de l’ONU et du Croissant Rouge qu’ils assument leurs responsabilités et interviennent pour mettre fin au siège imposé depuis 546 jours aux résidents de Yarmouk ou qu’ils obtiennent à minima l’ouverture d’un corridor humanitaire permettant aux civils qui le souhaitent de quitter les différents camps assiégés par le régime. [1] [2] Dans le même temps de nouvelles escarmouches entre le PFLP-CG et Aknaf Beit al-Maqdis entre la rue de Palestine et la place Al-Rijeh entrainèrent une nouvelle fois la suspension de l’aide humanitaire, des civils étant régulièrement pris pour cibles par des snipers. [3] [4]

Le 19 janvier sept brigades affiliées à l’ASL (Jaysh al-Islam, Ajnad al-Sham, Ahrar al-Sham, Aknaf Beit al-Maqdis, Quwaat al-Islah, Al-Hahy’a Al-Shara’iya Fiy Janub Dimashq, Muqatilu Al-Hajar Al-Aswad…) diffusèrent un communiqué menaçant le régime d’une réponse militaire d’ampleur si celui-ci envahissait le camp de Yarmouk, comme le laissaient suggérer des déclaration dans la presse libanaise évoquant la mise sur pieds d’une brigade prévue à cet effet, « Al-Yarmouk Brigade ». [5]

Le 26 Janvier Jabhat Al-Nusra exécuta un troisième résident du camp accusé de « blasphème ». [6]

Fin Janvier, les enfants de Yarmouk organisèrent une manifestation devant le Centre de Soutien à la Jeunesse sous le titre « Un Cri d’Enfant » pour appeler à la levée du siège, alors que le Fatah était décrié pour avoir organisé l’anniversaire de son mouvement dans un restaurant à quelques kilomètres de Yarmouk et que plus d’une centaine de résidents du camp étaient touchés par une épidémie de jaunisse. [7]

Le 11 mars 2015, le régime permit à un convoi humanitaire mené par le responsable de l’UNRWA Pierre Krahenbuhl d’entrer dans le camp après plus de trois mois d’interruption. [8] [9]

Le 30 mars 2015, le leader du Hamas Yahya Hourani (Abu Suhaib) fut tué par un sniper, conduisant à l’arrestation de membres de l’EI par Aknaf Beit al-Maqdis. Cet événement allait être l’élément déclencheur justifiant l’attaque de l’EI contre Yarmouk le lendemain, offensive au cours de laquelle un millier de combattants de l’EI s’empara du camp depuis Al-Hajar al-Aswad avec l’aide de Jabhat al-Nosra, qui lui céda les secteurs sous son contrôle. Trois-cent combattants de Jabhat al-Nosra venaient en effet de rompre leur alliance avec Aknaf Beit al-Maqdis et de rejoindre l’EI. [10] [11]

Après un premier assaut manqué le 1er avril 2015, au cours duquel l’EI assiégea l’Office de la Diaspora (Maktab al-Shatat) tenu par Aknaf Beit al-Maqdis, la confrontation se porta durant deux jours le long des rues Nouh Ibrahim et ‘Atta az-Zeer où l’EI fit face à la fois à Aknaf Beit al-Maqdis et à Jaysh al-Islam. L’EI s’empara finalement de 90% du camp le 4 avril, entraînant l’utilisation par le régime de 13 barils d’explosifs en quelques jours, alors que seuls 2 barils avaient été utilisés jusque-là sur Yarmouk depuis le début des hostilités. Aknaf Beit al-Maqdis fut alors acculé sur une étroite bande au centre du camp, tandis que le FPLP-CG et Fatah al-Intifada en profitèrent pour s’emparer du périmètre situé entre le district de la Municipalité et la mosquée Rujula. [12] [13]

Le 6 avril 2015, Aknaf Beit al-Maqdis regroupa ses forces au Sud du camp et lança un assaut contre l’EI, reprenant temporairement la zone du Centre Culturel, la rue du Maroc, la rue Al-Ja’ouneh et le cimetière des martyrs, contrôlant momentanément 40% du camp. [14]

Le 7 avril 2015, un cessez-le-feu fut adopté, l’EI contrôlant finalement 95% du camp. Durant l’assaut, 5 civils avaient été tués dans les affrontements, 3 avaient été tué par les bombardements, tandis que 2 avaient été décapités par l’EI et un onzième tué par un tir de sniper de l’EI. De son côté, l’EI avait perdu 40 de ses combattants.

Le 8 avril 2015, 14 factions Palestiniennes se réunirent pour tenter une alliance avec les forces du régime contre l’EI, mais seules les factions pro-Assad acceptèrent alors de s’associer au régime.

Le 12 avril 2015, l’Armée Syrienne Libre et Jaysh al-Islam lancèrent une offensive contre l’EI est récupérèrent la rue Al-Zeen située entre Yalda et Al-Hajar al-Aswad, mais ne s’aventurèrent pas dans Yarmouk, tandis que Ahrar al-Sham resta entièrement neutre vis-à-vis de l’EI.

Le 19 avril 2015, la plupart des combattants de Jabhat al-Nosra avaient rejoint l’EI et Aknaf Beit al-Maqdis annonça sa dissolution, ses combattants rejoignant les rangs du régime pour les uns, Jabhat al-Nosra pour les autres, tandis qu’une minorité se réfugia dans la zone de Yalda contrôlée par l’Armée Syrienne Libre. En dix jours d’affrontements, le régime avait lâché une trentaine de barils d’explosifs sur Yarmouk, entraînant des dommages sans précédent pour le camp et forçant 4000 de ses résidents à fuir vers les zones sous contrôle de l’ASL à Yalda (2500), Babbila (1000) et Beit Sahem (500). A l’issue des combats, l’EI contrôlait 80% du camp et on comptabilisait 23 réfugiés Palestiniens tués depuis le début du mois. [15] [16] [17]

Le 22 avril 2015, l’EI se replia sur son bastion de Al-Hajar al-Aswad et laissa la gestion du camp à Jabhat al-Nusra et à Ahrar al-Sham. [18] En réalité, la frontière entre l’EI et Jabhat al-Nusra était extrêmement poreuse et rien ne permettait alors de distinguer clairement les militants de l’un et de l’autre groupe. En juin 2015, environ 75 enfants de 7 à 13 ans furent recrutés par Jabhat al-Nusra et entraînés au combat par l’EI à Al-Hajar al-Aswad avant d’être utilisés comme petites mains pour diverses tâches militaires incluant l’observation des mouvements ennemis depuis les checkpoints et des opérations-suicide. [19]

Le 25 décembre 2015, un premier accord fut signé entre le régime et l’EI prévoyant l’évacuation de ses combattants blessés depuis le district voisin de Al-Qadam vers d’autres régions de Syrie. [20]

Fin 2015, il ne restait que 14 000 résidants à Yarmouk, tandis qu’une épidémie de typhus se répandait dans la camp.

[1] Action Group for Palestinians in Syria, Palestinian Activists Launch a Campaign Titled #Save_Palestinians_of_Syria, 15 Janvier 2015, accessible à http://actionpal.org.uk/en/post/254/action-group-for-palestinians-of-syria/palestinian-activists-launch-a-campaign-titled-save-palestinians-of-syria

[2] Action Group for Palestinians in Syria, Civil Committees at the Yarmouk Camp Launch a Distress Call, After the Siege Victims Number Raised to (160), 15 Janvier 2015, accessible à http://actionpal.org.uk/en/post/257/action-group-for-palestinians-of-syria/civil-committees-at-the-yarmouk-camp-launch-a-distress-call-after-the-siege-victims-number-raised-to-160

[3] Action Group for Palestinians in Syria, Shooting and Recriminations Causing Aids Suspension at the Besieged Yarmouk, 11 Janvier 2015, accessible à http://actionpal.org.uk/en/post/226/action-group-for-palestinians-of-syria/shooting-and-recriminations-causing-aids-suspension-at-the-besieged-yarmouk

[4] Action Group for Palestinians in Syria, Violent Clashes Suspend Aids Distribution at the Yarmouk Camp, 18 Janvier 2015, accessible à http://actionpal.org.uk/en/post/278/action-group-for-palestinians-of-syria/violent-clashes-suspend-aids-distribution-at-the-yarmouk-camp

[5] Action Group for Palestinians in Syria, Armed Brigades Threaten to Ignite the Southern Region in Case of Breaking Into the Yarmouk Camp, 19 Janvier 2015, accessible à http://actionpal.org.uk/en/post/285/action-group-for-palestinians-of-syria/armed-brigades-threaten-to-ignite-the-southern-region-in-case-of-breaking-into-the-yarmouk-camp

[6] Action Group for Palestinians in Syria, Al Nusra Front Executes a Young Man in the Yarmouk Camp in Charges of Cursing the Name of God, 26 Janvier 2015, accessible à http://actionpal.org.uk/en/post/340/action-group-for-palestinians-of-syria/al-nusra-front-executes-a-young-man-in-the-yarmouk-camp-in-charges-of-cursing-the-name-of-god

[7] Action Group for Palestinians in Syria, “A Child’s Scream » a Protest for the Yarmouk Children to take the Siege Away, 30 Janvier 2015, accessible à http://actionpal.org.uk/en/post/371/action-group-for-palestinians-of-syria/a-child-s-scream-a-protest-for-the-yarmouk-children-to-take-the-siege-away

[8] Action Group for Palestinians in Syria, The Civil Council in the Yarmouk Camp Demands the PLO to assume its responsibilities towards the camp, 3 Janvier 2015, accessible à http://actionpal.org.uk/en/post/161/action-group-for-palestinians-of-syria/the-civil-council-in-the-yarmouk-camp-demands-the-plo-to-assume-its-responsibilities-towards-the-camp

[9] Middle East Eye, Aid convoy enters Damascus camp for first time in months, 11 Mars 2015, accessible à https://www.middleeasteye.net/news/aid-convoy-enters-damascus-camp-first-time-months

[10] Valentina Napolitano, Yarmouk: a War of All Against All, Noria Research, 28 Mai 2015, accessible à https://noria-research.com/yarmouk-a-war-of-all-against-all/

[11] The Syrian Observer, Aknaf Commander: Nusra Front, Regime Complicit in ISIS Capture of Yarmouk, Zaman al-Wasl, 8 Avril 2015, accessible à https://syrianobserver.com/syrian-actors/aknaf_commander_nusra_front_regime_complicit_isis_capture_yarmouk.html

[12] Middle East Eye, IS takes control of 90 percent of Yarmouk, called ‘hell hole’ by UN official, 4 Avril 2015, accessible à https://www.middleeasteye.net/news/takes-control-90-percent-yarmouk-called-hell-hole-un-official

[13] Hanadi Al-Khatib, (ARABE) ISIS releases video on Yarmouk camp, the endless victim, Al-Arabiya, 28 Avril 2015, accessible à https://shorturl.at/BUSy8

[14] Tariq Hammoud, Situation Assessment: Yarmouk Refugee Camp: What Happens Next?, Al-Zaytuna Centre for Studies & Consultations, 25 Mai 2015, accessible à https://eng.alzaytouna.net/2015/05/25/situation-assessment-yarmouk-refugee-camp-what-happens-next/

[15] Ramzy Baroud, My missing family in Syria: Naming and shaming in Yarmouk, Middle East Eye, 13 Avril 2015, accessible à https://www.middleeasteye.net/opinion/my-missing-family-syria-naming-and-shaming-yarmouk

[16] Linah Alsaafin, Unravelling the media spin on Yarmouk, Middle East Eye, 17 Avril 2015, accessible à https://www.middleeasteye.net/news/unravelling-media-spin-yarmouk

[17] Abdulrahman al-Masri, ‘ISIS and Nusra are one’ in Yarmouk Camp, Middle East Monitor, 19 Avril 2015, accessible à https://www.middleeastmonitor.com/20150419-isis-and-nusra-are-one-in-yarmouk-camp/

[18] Hamza Al-Mustafa, Yarmouk: the victim of IS-Nusra power struggles, The New Arab, 22 Avril 2015, accessible à https://www.newarab.com/opinion/yarmouk-victim-nusra-power-struggles

[19] Palestine Square, Lost Childhood: Palestinian Child Soldiers in Yarmouk, Institute for Palestine Studies, 21 Septembre 2015, accessible à https://www.palestine-studies.org/en/node/232371

[20] Kate Ng, Syria and Isis reach deal to end Yarmouk camp siege, as wounded militants begin safe passage back to strongholds, The Independent, 25 Décembre 2015, accessible à https://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/syria-and-isis-reach-deal-to-end-yarmouk-camp-siege-as-wounded-militants-begin-safe-passage-back-to-strongholds-a6786031.html

Carte n°7 : Yarmouk – Zones d’influences au début de l’année 2015

Carte n°8 : Yarmouk – Offensive de l’Etat Islamique et de Jabhat al-Nusra, Avril 2015

2016 – 2018 : Le Délitement. Les rapaces se disputent la carcasse.

Dès janvier 2016, les relations entre l’EI et Jabhat al-Nosra commencèrent à se détériorer. Ce dernier était alors cantonné à l’Ouest du camp, entre la 30ème rue et la rue Saffouriyeh.

Courant 2016, le millionnaire Qashlak signa un accord avec Fatah al-Intifada pour que le « Mouvement Palestine Libre » obtienne le contrôle d’un segment de la ligne de front géré par celui-ci, en échange d’une substantielle somme d’argent. Il espérait ainsi augmenter le pouvoir symbolique de ses mercenaires, désormais en première ligne dans la lutte contre l’EI.

Le 8 juillet 2016, le régime débuta des négociations avec Jabhat al-Nusra en vue de son évacuation de Yarmouk vers Idleb. A la fin du mois, Jabhat al-Nusra changeait de nom et devenait Fatah al-Sham.

Dès les mois suivant, l’EI assiégea Fatah al-Sham et lança un ultimatum aux résidents de la zone sous son contrôle les enjoignant de quitter les lieux avant sa fermeture complète. Dans le même temps, l’EI fit évacuer la zone située autour de la rue Al-‘Urubeh situé entre Yalda et al-Hajar al-Aswad dans le cadre d’affrontements avec l’ASL et Jaysh al-Islam. [1]

L’EI transforma ainsi Yarmouk en camp retranché, tandis que la paranoïa augmentait de part et d’autre. Le 4 décembre 2016, Fatah al-Sham exécuta Mohamed Aboud dit « Abu Ali Khamseen », accusé de collaborer avec l’EI.

A la fin 2016, 6250 résidents supplémentaires avaient fui Yarmouk.

En janvier 2017, Fatah al-Sham devint Hayat Tahrir al-Sham (HTS).

Le 8 mai 2017 une cinquantaine de membres de HTS, dont 19 blessés, furent évacués en ambulances et en bus vers Idleb dans le cadre de « l’Accords des Quatre villes » initié l’année précédente entre le groupe et le régime. Trois mois plus tard, ce dernier établit une « nouvelle zone militaire » le long de son front avec HTS, entraînant l’évacuation de plusieurs familles et la reconversion de leurs logements en positions militaires, tandis qu’une mission du Croissant Rouge Syrien escortée par le PFLP-CG fut autorisée à entrer dans le secteur tenu par HTS le 7 septembre. Par ailleurs, une trêve était alors en vigueur entre le régime et l’EI. [2] [3]

Le 14 septembre 2017, l’EI imposa un nouveau siège aux résidents vivant dans le secteur contrôlé par HTS, qui comptait alors environs 200 combattants, avant de lancer un assaut contre Jaysh al-Islam et les factions de l’ASL (Liwa Sham al-Rasul, Jaysh al-Ababil, Kataeb al-Shuhada al-Islam, L’Union Islamique Ajnad al-Sham) au Sud de Yarmouk, capturant le secteur de l’hôpital en construction. Au même moment, Jaysh al-Islam et l’ASL signèrent une trêve avec le régime dans le cadre des accords de « dé-escalade » adoptés au Caire sous l’égide de l’Egypte et de la Russie, et qui rentra en vigueur le 12 octobre. Le lendemain le régime relança une série de frappes aériennes contre les positions de l’EI à Al-Hajar al-Aswad, suivies d’escarmouches entre Jaysh al-Islam et l’EI au niveau du checkpoint de ‘Urubeh-Beirut entre Yalda et Yarmouk. [4] [5]

Le 11 novembre 2017, le régime menaça l’ASL de fermer le checkpoint de Babbila-Sidi Miqdad, seule liaison entre les zones sous contrôle du régime et la zone sous contrôle de l’ASL si celle-ci ne fermait pas le checkpoint ‘Urubeh-Beirut constituant le seul accès vers le camp de Yarmouk, que les rebelles avaient rouvert depuis le 4 novembre mais qui ne pouvait être utilisé que par 10 à 15% de la population de Yarmouk, alors estimée à moins de 8000 personnes. L’ASL ferma donc momentanément l’accès vers la zone contrôlée par l’EI, mais le rouvrit dans les heures suivantes sous la pression des résidents de Yarmouk réfugiés à Yalda. En réaction, le régime mit à exécution ses menaces et ferma le checkpoint de Babbila-Sidi Miqdad le 12 novembre, faisant grimper de 20% les prix dans l’enclave. Celui-ci ne devait être rouvert que deux mois plus tard. [6] [7]

Le 8 décembre 2017, les milices pro-régime lançèrent une attaque pour récupérer le district Al-Rijeh sous contrôle de HTS, en vain. Le même mois, l’EI obtint la signature d’un premier accord pour l’évacuation de 19 de ses combattants blessés vers le désert et vers la Turquie, en échange de l’assouplissement du siège imposé au district sous le contrôle d’HTS pour permettre l’entrée de nourriture. [8] [9]

Le 13 décembre, l’EI lança une attaque à Tadamon et s’empara pour la première fois depuis 2015 d’un bloc d’immeubles sous contrôle de la milice pro-régime Difa’a al-Watani, avant que celle-ci ne la récupère et ne bombarde Yarmouk pendant plusieurs semaines en représailles. [10]

A la fin 2017, il ne restait plus que 6000 résidents à Yarmouk.

[1] Action Group for Palestinians in Syria, ISIS evacuates one of Yarmouk Streets from its Residents and starts Violent Clashes with the Opposition, 16 Août 2016, accessible à https://www.actionpal.org.uk/en/post/3762/news-and-reports/isis-evacuates-one-of-yarmouk-streets-from-its-residents-and-starts-violent-clashes-with-the-opposition

[2] Al-Jazeera, Deal sees Nusra fighters evacuate from Syria’s Yarmouk, 7 Mai 2017, accessible à https://www.aljazeera.com/news/2017/5/7/deal-sees-nusra-fighters-evacuate-from-syrias-yarmouk

[3] Zaman Al-Wasl, Wounded Nusra fighters evacuated from Yarmouk camp, 8 Mai 2017, accessible à https://en.zamanalwsl.net/news/article/25955

[4] The New Arab, Syrian rebel groups ‘agree to Damascus truce’ in Cairo, 12 Octobre 2017, accessible à https://www.newarab.com/news/syrian-rebel-groups-agree-southern-damascus-truce

[5] Tom Rollins, Escalation Threatens South Damascus “De-Escalation” Deal, Atlantic Council,  27 Octobre 2017, accessible à https://www.atlanticcouncil.org/blogs/syriasource/escalation-threatens-south-damascus-de-escalation-deal/

[6] Ammar Hamou & Madeline Edwards, A ‘war of crossings’ in south Damascus as checkpoint closure cuts off encircled districts, Syria Direct, 13 Novembre 2017, accessible à https://syriadirect.org/a-war-of-crossings-in-south-damascus-as-checkpoint-closure-cuts-off-encircled-districts/

[7] Siege Watch, Ninth Quarterly Report on Besieged Areas in Syria, Janvier 2018, accessible à https://siegewatch.org/wp-content/uploads/2015/10/pax-tsi-siegewatch-9.pdf

[8] Zaman Al-Wasl, 19 ISIS fighters evacuated by regime from southern Damascus, some reached Turkey, 14 Décembre 2017, accessible à https://en.zamanalwsl.net/news/article/31704

[9] Action Group for Palestinians in Syria, ISIS allows the besieged residents of west Yarmouk camp to enter food, 29 Décembre 2017, accessible à https://www.actionpal.org.uk/en/post/6375/articles/isis-allows-the-besieged-residents-of-west-yarmouk-camp-to-enter-food

[10] Siege Watch, Ninth Quarterly Report on Besieged Areas in Syria, Janvier 2018, accessible à https://siegewatch.org/wp-content/uploads/2015/10/pax-tsi-siegewatch-9.pdf

Carte n°9 : Yarmouk – Zones d’influences entre 2015 et 2016

Carte n°10 : Yarmouk – Zones d’influences entre 2016 et 2017

2018 : La Liquidation. Les islamistes partent faire un tour en bus.

Le 5 janvier 2018, Jaysh al-Islam tenta une dernière offensive contre l’EI depuis Yalda, sans succès.

Entre 2016 et 2018, l’EI avait progressivement imposé son totalitarisme et sa violence aux résidents du camp, interdisant la consommation ou la vente de cigarettes, l’allaitement au sein, les applaudissements pendant les mariages, les jeux de ballons, la prise de photographies ou la vente de bois pour le chauffage, tout en imposant des codes vestimentaires stricts, pour les femmes comme pour les hommes (longueur du pantalon). L’EI fit également fermer toutes les écoles à l’intérieur du camp (3 août 2016) et empêcha toute activité scolaire échappant à son contrôle, tandis qu’un couvre-feu était imposé durant les heures de prières, pour lesquelles la présence à la mosquée était obligatoire. Après avoir constaté que les résidents avaient contourné la fermeture des écoles du camp, l’EI interdit à tous les étudiants de fréquenter les écoles alternatives des villes adjacentes (6 mars 2018), puis obligea tous les résidents à assister à des cours d’apprentissage de la Sharia (16 avril 2018). Les personnes enfreignant ces règles étaient flagellées, mutilées, voire exécutées : Musa al-Badawi, accusé d’être un espion au service de HTS (27 février 2018), un homme non identifié accusé d’avoir insulté Allah (13 avril 2018), Khaled Adnan Ahmed, accusé d’avoir combattu auprès du régime (23 avril 2018).

En avril, sentant la pression de la part du régime augmenter, l’EI évacua le quartier du cimetière des martyrs suite à des affrontements avec le « Mouvement Palestine Libre » pour le transformer en zone de défense militaire. [1] [2]

Le 19 avril 2018, le régime Syrien et ses alliés (PFLP-CG, Fatah al-Intifada, Liwa al-Quds, Difa’a Al-Watani, Jaysh At-Tahrir Al-Falasteen, Quwaat Der’a Al-Qalamun…) lançèrent une vaste offensive pour récupérer la périphérie de Damas. Celle-ci fut accompagnée d’un bombardement intensif et frénétique des secteurs de Yarmouk, Tadamon, Hajar al-Aswad et Yalda de la part de l’aviation russe (400 frappes aériennes et l’utilisation massive de barils explosifs, d’obus de mortiers et missiles sol-sol, incluant les destructeurs UR-77 ‘Serpents Gorynysh’  russes). 5000 résidents de Yarmouk fuirent vers la zone de Yalda-Babbila, laissant moins de 1200 personnes sur place. [3]

Le lendemain, l’aviation frappa violemment les positions de Jaysh al-Islam situées entre Yalda et Hajar al-Aswad, forçant celle-ci à se retirer de sa ligne de front avec l’EI et à laisser les forces du régime s’introduire dans la faille. Simultanément, les forces du régime prirent en étau le camp et tentèrent à plusieurs reprises de s’emparer du secteur tenu par HTS avec le renfort d’armes lourdes et de blindés, mais furent tenus en échec. L’EI pour sa part combattit avec acharnement sur tous les fronts, à la fois contre HTS et contre les forces du régime et ses alliés. [4]

Le 27 avril, un premier groupe de 15 combattants blessés de Jaysh al-Islam obtint son évacuation vers le Nord de la Syrie dans le cadre d’un accord transitoire avec le régime, alors que les négociations se poursuivaient pour l’évacuation complète de la zone. En parallèle, les forces alliées du régime effectuèrent 165 frappes aériennes le même jour sur la zone, incendiant une centaine d’habitations à Yarmouk et Tadamon.

Le 29 avril, un accord entre le régime et HTS d’une part, et avec l’ASL d’autre part prévit l’évacuation imminente de HTS, Jaysh al-Islam, Aknaf Beit al-Maqdis, Sham al-Rasul et Jaysh al-Ababil.  Le checkpoint de ‘Uruba-Beirut fut transféré aux forces russes, tandis que celui de Babbila-Sidi Miqdad fut partiellement rouvert pour le passage de civils.

Le 1er mai 2018, les 150 combattants de HTS et leurs familles (425 personnes) furent évacués de Yarmouk en premier depuis l’entrée Nord du camp, suivi du 3 au 7 mai des 1700 combattants des factions de l’ASL, de Jaysh al-Islam, et de Aknaf Beit al-Maqdis accompagnés de leurs familles (9250 personnes sur les 17 000 prévues), évacués depuis Yalda, Babbila et Beit Sahem vers Al-Bab (Idleb) en 7 convois de 61 bus au total. En parallèle de ces opérations d’évacuation, le régime poursuivit le bombardement intense des positions de l’EI. [5] [6] [7] [8] [9] [10]

Du 8 au 13 mai, une vingtaine de résidents de Yarmouk cherchant à fuir les bombardements furent retenus durant plusieurs jours par les forces gouvernementales au checkpoint ‘Uruba-Beirut, la plupart étant âgés de plus de 60 ans, avant que les milices en charge du checkpoint n’ouvrent le feu sur la foule, tuant 3 personnes.

Enfin un nouvel accord, secret celui-ci, entre l’EI et le régime planifia à son tour l’évacuation de ses 1200 combattants encore stationnés à Yarmouk, ainsi que leurs familles (600 personnes). L’évacuation fut finalement réalisée le 20 mai 2018 à l’aide d’une cinquantaine de bus transportant l’EI vers le désert à l’Est de Suwayda. Le régime reprenait ainsi le contrôle total sur le camp de Yarmouk et ses alentours après plus de 5 ans et 10 mois d’affrontements et de bombardements laissant 80% des immeubles et infrastructures du camp détruits. [11] [12]

Le 22 mai 2018, l’ONU indiqua qu’un accord auquel elle n’avait pas été associée avait conduit au déplacement de 400 réfugiés Palestiniens vers la province de Hama.

Aux mois de mai et juin, l’armée du régime organisa le pillage systématique des infrastructures et immeubles du camp sous la supervision de la tristement célèbre « Quatrième Division », procédant à l’arrestation et l’exécution sommaire de plusieurs résidents tentant de s’y opposer, incluant deux enfants : Rami Mohammed Salman (15 ans) au niveau du checkpoint « Tabah » et Mahmoud Bakr dans la rue Al-‘Urubeh[13]. Certains immeubles furent également incendiés après avoir été pillés, comme dans les rues Lubya, Safad et Al-Ja’ouneh[14] [15]. Par ailleurs, elle imposa le paiement de fortes sommes d’argent (50 à 150 dollars) pour le passage des checkpoints, des centaines de résidents étant ainsi empêchés d’accéder à leurs logements[16]. Dans le même temps, le régime interdit aux résidents de récupérer les corps d’au moins une trentaine de civils tués durant les bombardements et laissés dans les décombres[17]. Ce n’est qu’en 2019 que le régime allait autoriser les résidents à revenir à Yarmouk.

En juillet, le Groupe d’Action pour les Palestiniens de Syrie comptabilisait 1392 victimes parmi ses résidents Palestiniens au cours de la période 2011-2018, leur mort résultant à la fois des bombardements, du siège, des tirs de snipers ou de la torture dans les prisons du régime. [18]

C’est ainsi que Yarmouk fut « libéré » par le régime d’Assad, grand défenseur de la cause Palestinienne…

[1] Action Group for Palestinians in Syria, Fighting between ISIS and the Free Palestine Movement on the Martyrs’ sector axis in Yarmouk camp, 1 Mars 2018, accessible à https://www.actionpal.org.uk/en/post/6700/action-group-for-palestinians-of-syria/fighting-between-isis-and-the-free-palestine-movement-on-the-martyrs-sector-axis-in-yarmouk-camp

[2] Waleed Abu al-Khair, ISIS in Yarmouk prepares for Syrian regime onslaught, Diyaruna, 13 Avril 2018, accessible à https://diyaruna.com/en_GB/articles/cnmi_di/features/2018/04/13/feature-03

[3] Action Group for Palestinians in Syria, Victims and large-scale destruction after the hysterical bombardment of Yarmouk camp, 21 Avril 2018, accessible à https://www.actionpal.org.uk/en/post/6981/victims-and-large-scale-destruction-after-the-hysterical-bombardment-of-yarmouk-camp

[4] Siege Watch, Tenth Quarterly Report Part 2 – The Culmination of “Surrender or Die”, Mai 2018, accessible à https://siegewatch.org/wp-content/uploads/2015/10/PAX-report-Siege-Watch-10b.pdf

[5] Action Group for Palestinians in Syria, Explosive barrels and air raids on Yarmouk camp, and violent clashes on all its axes, 7 Mai 2018, accessible à https://www.actionpal.org.uk/en/post/7074/articles/explosive-barrels-and-air-raids-on-yarmouk-camp-and-violent-clashes-on-all-its-axes

[6] Maureen Clare Murphy, Armed insurgents evacuate Yarmouk, The Electronic Intifada, 1 Mai 2018, accessible à https://electronicintifada.net/blogs/maureen-clare-murphy/armed-insurgents-evacuate-yarmouk

[7] Ammar Hamou, Mohammed Al-Haj Ali & Tariq Adely, Parallel evacuations to begin in two besieged pockets as Syrian government moves to clear remaining rebels from capital, Syria Direct, 30 Avril 2018, accessible à https://syriadirect.org/parallel-evacuations-to-begin-in-two-besieged-pockets-as-syrian-government-moves-to-clear-remaining-rebels-from-capital/

[8] Ersin Celik, Evacuation convoy from Syria’s Yarmouk reaches Al-Bab, Yeni Safak, 4 Mai 2018, accessible à https://www.yenisafak.com/en/world/evacuation-convoy-from-syrias-yarmouk-reaches-al-bab-3360548

[9] Burak Karacaoglu, Esref Musa & Mahmoud Barakat, 4th convoy leaves Syria’s Yarmouk under evacuation deal, Anadolu Agency, 7 Mai 2018, accessible à https://www.aa.com.tr/en/middle-east/4th-convoy-leaves-syrias-yarmouk-under-evacuation-deal/1137840

[10] Ersin Celik, Evacuations remain underway from Syria’s Homs, Yarmouk, Yeni Safak, 9 Mai 2018, accessible à https://www.yenisafak.com/en/world/evacuations-remain-underway-from-syrias-homs-yarmouk-3380935

[11] Middle East Eye, Syrian army moves into Yarmouk after IS evacuation deal, 21 Mai 2018, accessible à https://www.middleeasteye.net/news/syrian-army-moves-yarmouk-after-evacuation-deal

[12] The Defense Post, Syrian army says Damascus ‘completely secure’ after taking Yarmouk camp from ISIS, 21 Mai 2018, accessible à https://thedefensepost.com/2018/05/21/syria-army-control-damascus-isis-ousted/

[13] Palestinian Refugees Portal, (ARABE) Camp de Yarmouk : Un deuxième enfant tué par les forces du régime après s’être opposé au « pillage », 26 Mai 2018, accessible à https://shorturl.at/eNev0

[14] Action Group for Palestinians in Syria, (ARABE) 70 % des bâtiments et des quartiers du camp de Yarmouk sont détruits ; les pilleurs volent les câbles électriques souterrains, 29 Mai 2018, accessible à http://www.actionpal.org.uk/ar/post/9879

[15] Palestinian Refugees Portal, (ARABE) Camp de Yarmouk : Incendie des maisons et pillage du sous-sol, 4 Juin 2018, accessible à https://shorturl.at/D6iWk

[16] Action Group for Palestinians in Syria, (ARABE) « Des sucreries pour la libération », un nouveau mode de chantage de l’armée du régime contre les résidents du camp de Yarmouk, 31 Mai 2018, accessible à http://www.actionpal.org.uk/ar/post/9899

[17] Palestinian Refugees Portal, (ARABE) Camp de Yarmouk : Des corps sous les décombres des installations de l’UNRWA… Pourquoi n’intervenez-vous pas pour les récupérer? , 30 Mai 2018, accessible à https://shorturl.at/f0KaG

[18]

Photos des différentes opérations d’évacuation de HTS, des factions associées à l’ASL et de l’Etat Islamique.

Carte n°11 : Yarmouk – Zones d’influences entre 2017 et mai 2018

Carte n°12 : Yarmouk – Zones d’influences entre le 2 et le 7 mai 2018

Carte n°13 : Yarmouk – Zones d’influences entre le 10 et le 21 mai 2018

Carte n°14 : Yarmouk – Reprise totale de Yarmouk par le régime le 21 mai 2018

2024 : Le Redressement. Yarmouk ville fantôme.

Au cours des cinq années suivantes seuls 15 300 résidents, dont 80% étaient des réfugiés Palestiniens, purent rentrer chez eux (4500 familles) ou tout au moins dans les décombres de leurs anciennes habitations, après avoir sollicité une autorisation au retour. Cette autorisation était accordée avec parcimonie aux seules personnes dont l’habitation était jugée viable et qui pouvaient justifier d’un acte de propriété ou autre document justifiant de leur résidence antérieure. Etaient exclus de la procédure les personnes précédemment arrêtées, condamnées, appelées pour la conscription militaire ou ayant eu des liens avec les factions armées ayant contrôlé le territoire, ce dernier critère étant entièrement subjectif et laissé à l’appréciation des agents de la Quatrième Division.

Le Comité de Supervision des Réhabilitation estima que 40% des immeubles étaient en bon état, 40% nécessitaient des renforcements et réparations, tandis que 20% étaient complètement détruits et nécessitaient déblayage et reconstruction.

La gestion du camp fut confiée à « l’Autorité Générale pour les Réfugiés Palestiniens Arabes », un organe sous l’égide de la branche de Yarmouk du parti Ba’ath, dirigée par Ali Mustafa. Celle-ci fut régulièrement critiquée par les résidents pour son inaction et sa corruption, l’un des principaux problèmes étant lié aux prix prohibitifs de l’immobilier et à l’absence de réhabilitation des infrastructures vitales (eau, électricité, évacuation des eaux usées). Les 12 employés de la municipalité furent notamment accusés par les résidents de chantage et de corruption.

A la chute du régime en décembre 2024, on comptabilisait 736 Palestiniens de Yarmouk faits prisonniers et 1530 victimes tuées sur les 1600 Palestiniens de Syrie faits prisonniers et 3 685 tués depuis 2011. Parmi ceux-ci, 94 membres affiliés au Hamas avaient été exécutés, incluant Mamoun Al-Jaloudi. [1] [2]

* * *

Yarmouk est un symbole. Le régime d’Assad doit être tenu pour principal responsable de l’annihilation du plus important camps de réfugiés Palestiniens de Syrie, dont l’agression violente à partir du deuxième semestre de 2012 se plaça dans la continuité de celle des camps Palestiniens de Dera’a et Latakia quelques mois plus tôt. Contrairement à ce que la propagande du régime n’a cessé d’affirmer pour discréditer les mouvements populaires d’opposition et la rébellion armée, la propagation des groupes takfiri/jihadistes n’a pas été la cause et la justification de son déploiement de violence, mais sa conséquence : à Yarmouk, Jabhat al-Nusra – auquel il faut associer ses rejetons Fatah al-Sham et Hayat Tahrir al-Sham – et l’Etat Islamique ont profité du vide et du chaos laissé par les bombardements aveugles de la fin 2012, puis de l’épuisement des milices d’auto-défense Palestiniennes anti-Assad au cours des deux années de siège qui ont suivi, pour s’emparer d’un camp transformé en ville fantôme sans y rencontrer de résistance. Et lorsque leur tâche consistant à achever toute possibilité de résistance ultérieure était accomplie, le régime les a systématiquement déplacé ailleurs en bus afin qu’ils puissent s’en prendre à d’autres poches rebelles ou communautés irréductibles, comme ce fut le cas pour les Druzes de Suwayda en juillet 2018. Tout au long du processus d’anéantissement de Yarmouk, les milices Palestiniennes loyales envers Assad ont fait la démonstration quant à elles de leur profonde corruption et de leur complicité abjecte avec les crimes du régime. Ce positionnement contraire aux intérêt des civils Palestiniens ne s’explique que par la volonté de ces factions de préserver leur existence et leur influence politico-militaire : aucune d’elles ne voulait subir le sort du Fatah d’Arafat et de ses fedayins. Leur survie dépendait du régime autant que la survie du régime dépendait de l’Iran et de la Russie. En s’alliant à ces derniers pour écraser Yarmouk, elles se sont placées au même niveau que le Hezbollah et les chabiha de Bachar, servant les intérêts de leurs maîtres plutôt que ceux du peuple. Paradoxalement les vrais défenseurs du peuple Palestinien de Yarmouk, membres des Comités de Coordination et des micro factions qui n’ont cédé ni face au régime ni face aux islamistes et se sont battus auprès des civils depuis l’intérieur du camp, ont pratiquement sombré dans l’oubli. A nous de restaurer leur mémoire.

Les peuples Palestiniens, Syriens, Libanais et Jordaniens ne font qu’un et tout ce qui les divise n’est que le résultat du colonialisme occidental et de ses manœuvres pour empêcher les forces progressistes Arabes de l’emporter sur les forces conservatrices. Le point de jonction des quatre peuples se situe sur les versants du Golan et aucune libération de l’un de ceux-ci ne se fera sans la libération de tous. A chacun de comprendre le sens de cette conclusion, à l’heure où l’armée coloniale sioniste s’empare des vallées du Litani et du Ruqqad après avoir annexé militairement celles du Jourdain et de l’Arabah.

[1] The New Arab, Nearly 4,000 Palestinians ‘killed’ in Syria’s brutal war, 28 Mars 2018, accessible à https://www.newarab.com/news/nearly-4000-palestinians-killed-syrias-brutal-war

[2] The New Arab, Assad’s regime executed dozens of Hamas members without trial, intelligence documents reveal, 7 Janvier 2025, accessible à https://www.newarab.com/news/dozens-hamas-members-executed-assads-syria-prisons

RAPPORTS SUR YARMOUK :

  • Palestinians of Syria, Between Bitterness of Reality and the Hope of Return – Action Group for Palestinians in Syria, Juin 2014.
  • Palestinians of Syria, The Bleeding Wound – Action Group for Palestinians in Syria, Février 2015
  • Yarmouk Siege has not ended – Action Group for Palestinians in Syria, 23 Juin 2015
  • Palestinians of Syria, Bloody Diary and Unheard Screaming – Action Group for Palestinians in Syria & Palestinian Return Center, Septembre 2015
  • Yarmouk, the Full Truth – Action Group for Palestinians in Syria, Juillet 2015.
  • Palestinians of Syria and The Closed Doors – Action Group for Palestinians in Syria, 2017
  • Status Report on Yarmouk Camp – The Carter Center, 14 Novembre 2017.
  • Yarmouk, The Abandoned Pain – EuroMed Monitor, Juillet 2018.
  • Yarmouk Camp set on Fire – Action Group for Palestinians in Syria, Democratic Republic Studies Center, Syrian Center for Media and Freedom of Expression, 22 Avril 2018.
  • Status Report on the Conditions of Yarmouk Camp 2024 – Action Group for Palestinians in Syria, Décembre 2024.