Ce n’est pas compliqué : une note pour aider à comprendre la Syrie

À l’ère des réseaux sociaux et de l’information pour tous et par tous, il est plus que jamais nécessaire de se constituer une liste de ressources fiables sur les sujets que l’on souhaite analyser et comprendre. En particulier lorsqu’il s’agit de géopolitique internationale.

Cette note a été préparée par « Interstices-Fajawat« . En tant qu’initiative liée à la société syrienne, nous avons élaboré cette note pour partager nos sources d’information sur la Syrie. Nous ne prétendons pas que ces sources sont toutes impartiales ou neutres, car nous pensons que la neutralité est souvent synonyme d’aveuglement ou de complicité. Nous avons nous-mêmes nos propres biais révolutionnaires et en faveur d’un internationalisme par le bas.

Dans la mesure du possible, nous avons indiqué les biais et les partialités que nous avons identifiés. Nous avons choisi de conserver dans la liste des ressources dont nous ne partageons pas l’analyse, car elles sont néanmoins bien informées et transmettent des informations de première main, qu’il convient simplement de prendre avec beaucoup de précautions.

 

POUR NOUS LIRE ET NOUS SUIVRE SUR LES RESEAUX SOCIAUX :

📌 Site internet – https://interstices-fajawat.org
📌 𝕏 (ex-Twitter) – https://x.com/IntersticesFaj

SITES INTERNET

En tête de liste, les deux premières catégories contiennent la plupart des sources dont nous partageons les opinions et que nous recommandons.

Sites web d’actualités et d’analyses :

 

Blogs personnels (opinions et recherches universitaires) :

 

Sites web des ONG de défense des droits et des médias dirigées par des Syriens :

 

Sites d’information locaux ou spécialisés :

 

Sites d’information générale :

 

SITES ESSENTIELS DE FACT CHECKING

Verify Syria (AR & EN) – basé en Turquie, dirigé par des Syriens NGO 

https://verify-sy.com/

COMPTES DE RESEAUX SOCIAUX (ex-Twitter/X & Instagram)

⚠️ Certains de ces comptes peuvent partager parfois des contenus BIAISES ou ACRITIQUES (sectaires, pro-Sharaa/HTS, pro-SDF/PYD, occidentaux…) ⚠️

JOURNALISTES  / ANALYSTES / ACTIVISTES Locaux :

Matar Ismaeel – @RevoreporterSy
Joseph Daher – @JosephDaher19
Robin Yassin-Kassab – @qunfuz2
Hassan Ridha – @sayed_ridha
Leila Al-Shami – @LeilaShami
Rim Turkmani – @Rim_Turkmani
Mohammad Hassan – @mohammed_nomad
Firas Kontar – @fkontar78
Rami Jarrah – @RamiJarrah
Mazen Hassoun – @HassounMazen
Nedal Al-Amari – @nedalalamari
Ibrahim al-Assil – @IbrahimAlAssil
Qalaat Al Mudiq – @QalaatAlMudiq
Aymenn J Al-Tamimi – @ajaltamimi
Hassan I. Hassan – @hxhassan
Jenan Moussa – @jenanmoussa
Hussam Hammoud – @HussamHamoud
Abd alhade alani – @abdalhadealani
Rami Safadi – @RamiSafadi93
Vlogging Syria – @timtams83
Suhaib Zaino – @suhaib_zaino
Qusay Noor – @QUSAY_NOOR_
« Osama » – @OsamaSHL
« Karim » – @Idlibie
Tawfiq Ghailani – @SyriaNewsMan
Ivan Hassib – @Ivan_Hassib
Karim Franceschi – @karimfranceschi
Evin Cudi – @FreedomKurds
ScharoMaroof – @ScharoMaroof

JOURNALISTES/ANALYSTES ETRANGERS :

Cédric Labrousse – @CdricLabrousse
Thomas Van Linge – @ThomasVLinge
Charles Lister – @Charles_Lister
Wladimir van Wilgenburg – @vvanwilgenburg
CJ Werleman – @cjwerleman
C4H10FO2P – @markito0171

ONGs DE MEDIA & SYRIENS :

ACT for the Disappeared – @actforthedisappearedlb
Action For Sama – @actionforsama
Al Swaida Al Thawra – @alswaidaalthawrah
Aljumhuriya – @aljumhuriya_net
Association Of Detainees & The Missing in Sednaya Prison – @sednayamissing
Based Syria – @based_syria
Caesar Families Association – @caesarfamilies
Daraj Media English – @darajmediaenglish
Dawlaty – @dawlatysy
Don’t Suffocate the Truth – @donotsuffocatetruth
Eye On Syria – @eyeonsyriaeng
Families For Freedom – @families4freedomsyria
Free Syria’s Disapeared – @freesyriasdisappeared
From the Periphery Media – @fromtheperipherymedia
Half of Syria – @halfofsyria
Horan Free League – @horanfreemedia1
Jadaliya – @jadaliyya
Jusoor for Studies – @jusooren
La Cantine Syrienne de Montreuil – @lacantinesyriennedemontreuil
Live Updates Syria – @liveupdatesfromsyria
Madaniya Network – @madaniyanetwork
Megaphone News – @megaphonenews
Middle East Eye – @middleeasteye
Middle East Institute – @middleeastinst
Middle East Matters – @middleeastmatters
Raseef 22 – @raseef22en
Release Me – @release_me0
Revoleft Syria – @revoleftsyria
Rojava Information Center – @rojavaic
Scholars for Syria – @scholars4syria
SOAS Syria Society – @soassyriasoc
Street Archives Syria – @streetarchivessyria

Syria Civil Defense – @syriacivildefence
Syria Mobilization Hub – @thesyriahub
Syria Pixel – @syria_pixel
Syria TV – @syr_television
Syrian Center for Media and Freedom of Expression – @scmsyriancenter
Syrian Emergency Task Force – @syrianetf / @ualr_setf
Syrian Eyes – @syrianeyesteam
Syrian Feminist Lobby – @syrianfeministlobby
Syrian Hub Official – @syrianhubofficial
Syrian Network for Human Rights – @snhr
Syrian Print Archive – @syrianprintarchive_
Syrian Revolution Archive – @syrian_revolution_archive
Syrian Revolution Story – @syrian.revolution.story
Syrian Road to Justice – @road2justicesy
Syrian Solidarity Campaign – @syria_solidarity_campaign
Syrian Spot – @syrianspot
Syrian Women For Democracy – @cswdsyr
Syrians for Palestine – @syrians4palestine
Syrians For Truth & Justice – @syrians_for_truth_and_justice
Ta’afi Syria – @taafi.syria
Tastakel Organization – @tastakel
The Fire These Times – @firethesetimes
The New Arab – @thenewarab
The Syria Campaign – @thesyriacampaign
The White Helmets – @the_whitehelmets
Verify Syria – @verify.sy
Vive Levantine – @vivelevantine
Wanabqa – @wanabqa
Yarmouk Camp – @yarmouk.camp

LIVRES

  • AL-HAJ SALEH Yassin, « La Question Syrienne », Sindbad/ACTES SUD, 2016
  • AL-HAJ SALEH Yassin, « Lettres à Samira », Les Lisières, 2021
  • AL-HAJ SALEH Yassin, « Sur la Liberté : la maison, la prison, l’exil…et le monde, L’Arachnéen, 2025
  • DAHER Joseph, « Syrie, le Martyre d’une Révolution », Syllepse, 2022
  • DALLE Ignace & GLASMAN Wladimir, « Le cauchemar Syrien », Fayard, 2016
  • KHALIL Samira, « Journal d’une assiégée », IXE Editions, 2022
  • KONTAR Firas, « Syrie, la Révolution impossible », Editions Aldeia, 2023
  • MAJED Ziad, « Syrie, la Révolution orpheline », Sindbad/ACTES SUD, 2014
  • SEURAT Michel, « L’Etat de Barbarie », Le Seuil, 1989

👷🏽‍♀️🔧 🚧 Liste en cours de réalisation, merci de nous aider en nous partageant des titres d’ouvrages écrits par des auteurs Syriens, directement concernés et progressistes – 

DOCUMENTAIRES (avec notre note ⭐️⭐️⭐️)

Nous trouvons regrettables que la plupart de ces témoignages soient inaccessibles au grand public et réservés à des festivals discrétionnaires où seuls les élites intellectuelles et personnes concernées peuvent les voir, pendant que les Humains dont il est question souffrent et meurent le plus souvent dans l’ombre. Nous respectons les droits d’auteurs, mais aimerions néanmoins acquérir tous ces films, donc si vous savez comment les télécharger ou les acheter, n’hésitez pas à nous contacter :

collective@interstices-fajawat.org

1974 – EVERYDAY LIFE IN A SYRIAN VILLAGE de Omar Amiralay ⭐️⭐️⭐️

Premier documentaire à présenter une critique sans complaisance de l’impact des réformes agricoles et foncières du gouvernement syrien, Everyday Life in a Syrian Village (La vie quotidienne dans un village syrien) porte un coup sévère à la prétention de l’État de redresser les inégalités sociales et économiques.

2003 – A FLOOD IN BAATH COUNTRY de Omar Amiralay ⭐️⭐️⭐️

Le film examine l’impact dévastateur de l’inondation sur un village syrien. Avec sa critique puissante et audacieuse du régime politique syrien et des politiques tribales qui le soutiennent, le film préfigure la vague de démocratie qui déferle actuellement sur le monde arabe, les citoyens se levant enfin pour exiger un changement fondamental dans la direction de leur pays.

2013 – RETURN TO HOMS de Talal Derki ⭐️⭐️⭐️

Un regard derrière les barricades de la ville assiégée de Homs, où pour Basset, 19 ans, et son groupe de camarades, l’espoir audacieux de la révolution s’effondre comme les bâtiments autour d’eux.

2014 – SYRIA : CHILDREN ON THE FRONTLINES de Marcel Mettelsiefen & Anthony Wonke ⭐️⭐️

L’histoire de cinq jeunes enfants dont la vie a été bouleversée à jamais par la guerre civile en Syrie.

2014 – THE LAST ASSIGNMENT de Rashed Radwan ⭐️⭐️⭐️⭐️

Le 20 novembre 2013, le caméraman indépendant irakien Yasser Faisal al-Jumaili a franchi la frontière turque pour entrer en Syrie avec son fixeur syrien de confiance, Jomah Alqasem. La guerre en Syrie fait rage depuis deux ans et demi et les différents groupes rebelles se séparent les uns des autres, principalement en raison de divergences idéologiques. La mission consistait à accéder à ces groupes et à dresser un portrait de ces hommes, loin de toute rhétorique, en service et hors service sur la ligne de front. Pendant 13 jours en Syrie, les deux reporters ont filmé les hommes derrière les lignes de front : des combattants de l’Armée syrienne libre, de la Brigade Al-Tawhid, du Front Al-Nusra, d’Ahrar Al-Sham et même de DAESH.

2014 – HAUNTED de Liwaa Yazji 

Lorsque la bombe arrive, la première chose que nous faisons est de fuir, mais plus tard, nous nous souvenons et pensons à tout ce que nous avons laissé derrière nous. Nous n’avons pas dit adieu à nos maisons, à nos souvenirs, à nos photos, à nos identités et à notre vie passée. Il s’agit de la façon dont les maisons hantent la vie des âmes qui y vivaient, autant qu’elles hantent elles-mêmes les maisons.

2014 – OUR TERRIBLE COUNTRY de Mohammad Ali Atassi & Ziad Homsi ⭐️⭐️⭐️⭐️

Comment faire un film sur la violence sans la montrer ou la reproduire directement ? Le film Notre terrible pays tente de répondre à cette approche en nous entraînant dans le périlleux voyage de Yassin Haj Saleh, un intellectuel et dissident syrien bien connu, et du jeune photographe Ziad Homsi, qui parcourent ensemble un itinéraire ardu et dangereux de la zone libérée de Douma, à Damas, jusqu’à Raqqa, dans le nord de la Syrie, pour se retrouver finalement contraints de quitter leur pays d’origine pour un exil temporaire.

2014 – SILVERED WATER, SYRIA SELF PORTRAIT de Wiam Bedirxan & Ossama Mohammed ⭐️⭐️⭐️⭐️

Un regard sur les témoignages vidéo de première main de la violence dans la Syrie d’aujourd’hui, filmés par des activistes dans la ville assiégée de Homs.

2014 – THE CAVE de Feras Fayyad

Dans les profondeurs de la province syrienne de Ghouta, un groupe de femmes médecins a créé un hôpital de campagne souterrain. Sous la supervision du Dr Amani, pédiatre, et de son équipe de médecins et d’infirmières, l’espoir renaît pour certains des milliers d’enfants et de victimes civiles de l’impitoyable guerre civile syrienne.

2014 – LETTERS FROM YARMOUK de Rashid Masharawi ⭐️⭐️⭐️

Des messages saisis dans le camp de réfugiés de Yarmouk dans des moments d’une extrême complexité ; des messages qui traitent de la vie face à la mort ; des moments d’amour en temps de guerre et des questions de patrie et d’exil.

2015 – SALAM NEIGHBOUR de Zach Ingrasci & Chris Temple

Deux cinéastes s’immergent dans un camp de réfugiés syriens et jettent un regard intime sur la crise humanitaire la plus grave au monde.

2015 – 7 DAYS IN SYRIA de Janine Di Giovanni & Robert Rippberger ⭐️⭐️⭐️

Dans le pays le plus dangereux au monde pour les journalistes, Janine di Giovanni, rédactrice en chef de Newsweek Middle East, risque tout pour témoigner et faire en sorte que le monde connaisse les souffrances du peuple syrien.

2015 – A SYRIAN LOVE STORY de Sean McAllister ⭐️⭐️

Filmé sur cinq ans, A Syrian Love Story retrace une incroyable odyssée vers la liberté politique. Pour Raghda et Amer, c’est un voyage d’espoir, de rêves et de désespoir : pour la révolution, pour leur patrie et l’un pour l’autre.

2016 – THE WAR SHOW de Andreas Dalsgaard & Obaidah Zytoon ⭐️⭐️⭐️⭐️

Une DJ de radio syrienne partage son expérience au lendemain du Printemps arabe de 2011.

2016 – HOUSES WITHOUT DOORS de Avo Kaprealian

Le cinéaste Avo Kaprealian, originaire d’Alep et arménien, montre la vie d’une famille arménienne qui a fui à Beyrouth pendant les affrontements dans le quartier du Nouveau Village à Alep, en Syrie, en 2015. Kaprealian a documenté les destructions dans le quartier et les civils qui ont dû faire face à des difficultés. Il a réussi à tourner des images depuis le balcon de sa maison […]

2016 – BORN IN SYRIA de Hernán Zin

Depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011, on estime que 9 millions de Syriens ont fui leur foyer, dont la moitié sont des enfants. Ces enfants ont fui une horreur inimaginable : les bombardements aveugles du gouvernement de Bachar Al Assad et les viols et décapitations d’ISIS, pour se retrouver piégés dans des camps de fortune ou des frontières fermées. Nous assistons au périple de ces réfugiés vers la terre promise qu’est l’Europe.

2016 – THE WHITE HELMETS de Orlando von Einsiedel ⭐️⭐️

Alors que des frappes aériennes quotidiennes pilonnent des cibles civiles en Syrie, un groupe de secouristes indomptables risque sa vie pour sauver les victimes des décombres.

2016 – TADMOR / PALMYRA de Monika Borgmann & Lokman Slim ⭐️⭐️

Au milieu du soulèvement populaire en Syrie qui a commencé en 2011, un groupe d’anciens détenus libanais du régime Assad décide de rompre le silence qu’ils ont longtemps gardé sur les années horribles qu’ils ont passées à Tadmor, Palmyre, l’une des prisons les plus redoutées du gouvernement syrien.

2017 – LAST MEN IN ALEPPO de Feras Fayyad ⭐️⭐️⭐️

Les volontaires Khaled, Mahmoud et Subhi se précipitent vers les sites des bombardements tandis que d’autres s’enfuient. Ils fouillent les bâtiments effondrés à la recherche de vivants et de morts. Luttant contre la fatigue, la diminution des effectifs et les inquiétudes pour la sécurité de leurs familles, ils doivent décider de rester ou de fuir une ville en ruines.

2017 – CRIES FROM SYRIA de Evgeny Afineevsky ⭐️⭐️⭐️

Une tentative de recontextualiser la crise des migrants européens et les hostilités en cours en Syrie, à travers des témoignages de témoins oculaires et de participants. Des enfants et des parents racontent la révolution, la guerre civile, les frappes aériennes, les atrocités et les crises humanitaires en cours, dans un portrait de l’histoire récente et des conséquences de la violence.

2017 – CITY OF GHOSTS de Matthew Heineman ⭐️⭐️⭐️

Les militants anonymes qui ont révélé les atrocités commises par DAESH à Raqqa. Il suit leurs opérations d’infiltration, leur exil et les risques qu’ils ont pris pour révéler les réalités impitoyables sous le règne de DAESH. L’histoire de « Raqqa is Being Slaughtered Silently » (Raqqa est massacrée en silence) :

https://www.raqqa-sl.com/en/

2017 – OF FATHERS AND SONS de Talal Derki ⭐️⭐️⭐️

Talal Derki retourne dans son pays natal où il gagne la confiance d’une famille d’islamistes radicaux dont il partage le quotidien pendant plus de deux ans. Sa caméra se concentre sur Osama et son jeune frère Ayman, offrant un aperçu extrêmement rare de ce que signifie grandir dans un califat islamique.

2017 – HELL ON EARTH: THE FALL OF SYRIA AND THE RISE OF ISIS de Sebastian Junger & Nick Quested

Un regard sur l’état actuel de la Syrie au milieu de la guerre et du chaos en 2017, avec des histoires de survie et des observations d’experts politiques du monde entier.

2018 – THIS IS HOME de Alexandra Shiva

La vie de quatre familles syriennes, réinstallées à Baltimore et tenues de devenir autonomes en huit mois.

2019 – FOR SAMA de Waad al-Kateab & Edward Watts ⭐️⭐️⭐️⭐️

En pleine période de conflit et d’obscurité dans sa ville d’Alep, en Syrie, une jeune femme a continué à faire tourner sa caméra, tout en tombant amoureuse, en se mariant, en mettant au monde un enfant et en faisant ses adieux alors que sa ville s’effondrait. L’histoire avant « Action For Sama » :

https://www.actionforsama.com/

2020 – AYOUNI de Yasmin Fedda

Noura et Machi cherchent des réponses sur leurs proches, Bassel Safadi et Paolo Dall’Oglio, qui font partie des plus de 100 000 personnes disparues de force en Syrie.

2021 – OUR MEMORY BELONGS TO US de Rami Farah ⭐️⭐️

Trois activistes syriens sont réunis sur une scène de théâtre à Paris. 10 ans après la révolution, ils reviennent sur les traumatismes et les souvenirs d’une guerre féroce.

2021 – LITTLE PALESTINE: MEMORY OF A SIEGE de Abdallah Al-Khatib ⭐️⭐️⭐️⭐️

Après la révolution syrienne, le régime d’Al-Assad assiège le quartier de Yarmouk, le plus grand camp de réfugiés palestiniens au monde. Yarmouk est coupé du monde. Le réalisateur enregistre les privations quotidiennes tout en célébrant le courage de la population.

2022 – THE LOST SOULS OF SYRIA de Garance Le Caisne & Stéphane Malterre ⭐️⭐️

En 2013, un fonctionnaire syrien s’enfuit avec 27 000 photos de cadavres torturés à mort dans les prisons du pays depuis 2011. Un an plus tard, les photos du rapport César révèlent au monde l’horreur des crimes du régime de Bachar Al-Assad.

2023 – UNDER THE SKY OF DAMASCUS de Talal Derki

À Damas, un collectif de jeunes comédiennes se réunit pour faire des recherches sur le sujet. Elles envisagent d’utiliser les émouvantes déclarations anonymes d’innombrables femmes pour créer une pièce de théâtre qui brisera les tabous.

2024 – MY MEMORY IS FULL OF GHOSTS de Anas Zawahri

Telle une élégie visuelle, My Memory Is Full of Ghosts explore une réalité prise entre le passé, le présent et l’avenir à Homs, en Syrie. Derrière l’autoportrait d’une population exsangue en quête de normalité, émergent les souvenirs d’une ville hantée par la destruction, la défiguration et la perte. Un film bouleversant, un écho douloureux de l’absurdité de la guerre et de la force de l’être humain.

La chronique Syrienne d’Interstices-Fajawat, 10 janvier 2025

Pour le premier jour de l’année 2025, le gouvernement de transition Syrien a effectué sa première sortie diplomatique à l’étranger pour rendre visite au gouvernement Saoudien, puis à ses voisins Qataris et Emiratis. HTS a ainsi envoyé un message clair et fort au monde entier, faisant de l’Arabie Saoudite et du Qatar, en plus de la Turquie, ses partenaires prioritaires dans la reconstruction du pays. Les moyens nécessaires au relèvement de la Syrie sont en effet estimés à près de 400 milliards de dollars. Dès les jours suivants, l’Arabie Saoudite a envoyé plusieurs cargaisons d’aide humanitaire par avion à Damas, puis un convoi de 60 camions d’aide est entré par la frontière Jordanienne le 5 janvier, tandis que le Qatar et la Turquie ont envoyé deux « powerships » vers la côte Syrienne (centrales électriques flottantes) pour fournir 800 MW d’électricité à la Syrie (+50%). La Jordanie se dite prête à fournir elle-aussi de l’énergie à son voisin. Le manque d’électricité et son rationnement par le régime d’Assad était en effet l’un des problèmes majeurs de la société Syrienne.

Après avoir annoncé la reconnexion de la Syrie à l’économie de marché, il faut s’attendre à ce que le gouvernement de transition applique des mesures ultra-libérales visant à réduire au maximum les dépenses du nouvel Etat et favoriser l’investissement privé. C’est ce qui explique peut-être le licenciement sans préavis de centaines d’employés du secteur public hospitalier à Tartous et Alep, ainsi que d’une fabrique nationalisée de chaussures à Suwayda ces derniers jours, entraînant des manifestations de colère spontanées dans les trois provinces.

Autant dire que la période qui s’ouvre s’annonce tendue, surtout que les opérations de sécurisation lancées à Tartous, Homs et à Damas au cours de la semaine passée n’ont pas été aussi consensuelles et tranquilles qu’on a pu le penser. L’observatoire Syrien des Droits Humains (SOHR) a recueilli les nombreuses preuves et témoignages de violences commises par les forces de HTS lors de leurs opérations coups de filet pour arrêter les officiers et agents du régime déchu : perquisitions agressives, brimades et violences physiques à l’encontre de centaines de résidents, ainsi que des personnes arrêtées. Pour l’opération à Homs qui a duré cinq jours, HTS a arrêté 1450 personnes, sans qu’on connaisse la réalité des charges portées contre elles. Surtout, ces opérations ont donné carte blanche à des groupes autoproclamés rebelles ou affiliés à HTS, pour persécuter et assassiner des civils. SOHR comptabilise ainsi 214 meurtres depuis le 8 décembre, comme celui de trois paysans à Jableh (Latakia) qui a entraîné une manifestation de plusieurs milliers de personnes demandant l’expulsion des combattants étrangers (ici des Tchétchènes et Pakistanais).

La société Syrienne a cruellement besoin de la mise en œuvre d’une justice transitionnelle, accompagnée de solides processus de réconciliation. Alors que quatorze fosses communes ont été découvertes, comptabilisant à ce jour 1582 corps identifiés, des mesures ont enfin été prises pour gardienner les prisons d’Assad et préserver leurs archives, suite à la demande insistante des familles de disparus. Mais désormais à ces familles s’ajoutent également des centaines d’autres, qui ont manifesté en nombre à Damas le 6 janvier pour exiger de connaître le sort de près de 9000 soldats de l’anciens régime arrêtés depuis sa chute, dont 2000 renvoyés en Syrie par les autorités iraqiennes après leur fuite. Si en effet plusieurs milliers de soldats d’Assad sont passés au cours des trois dernières semaines par les « Centres de réconciliation » pour rendre leurs armes, être répertoriés dans le cadre d’éventuelles poursuites judiciaires, avant d’être réincorporés dans la société civile (sous Assad, les soldats se voyaient confisquer leur carte d’identité civile, remplacée par une carte d’identité militaire), nombreux sont ceux qui restent détenus sans que le gouvernement de transition ne veuille donner leurs noms et lieux de détention. Enfin, et c’est sans doute la plus grande ironie de l’histoire, des familles de la région d’Idleb manifestent elles aussi pour demander la libération de leurs proches, emprisonnés par HTS avant la chute du régime pour leur appartenance à Hizb ut-Tahrir, un groupe salafiste reprochant à Joulani d’abandonner le projet de califat islamique (sic).

D’autres événements agitent la nouvelle vie politique Syrienne, notamment dans les deux régions du Sud de la Syrie. A Deraa le leader de la 8eme Brigade, créée par la Russie à partir des groupes rebelles de la région dans le cadre d’accords de reddition signés en 2018, refuse de désarmer ses hommes et d’intégrer la nouvelle armée syrienne. A Suwayda deux des principales factions locales se sont alliées et ont également refusé, par la voie du sheikh spirituel de la province, de céder leurs armes et de rejoindre la nouvelle armée syrienne sans garanties d’une transition démocratique et laïque réelle à la fin de la période de transition. Si cette décision semble surprenante concernant les factions de Deraa, qui sont issues de la majorité sunnite, elle l’est beaucoup moins de la part de la minorité Druze de Suwayda, dont la survie a toujours dépendu de ses moyens d’autodéfense et de ses liens de solidarité avec les Druzes du Mont Hermon (occupé par Israel depuis le 8 décembre) et du Mont Liban (les libanais sont interdits d’entrée en Syrie depuis le 3 janvier). Les Druzes ne peuvent pas mettre en péril leur sécurité face à un appareil militaire entièrement entre les mains d’anciens (pas si anciens) jihadistes[1]. Leur défiance est donc totalement légitime.

Toujours dans le Sud du pays, Israel a saisi de nouveaux villages, ainsi que l’important barrage de Mantara dans la province de Quneitra, n’hésitant pas à détruire des maisons et infrastructures, tout en exerçant des violences contre les résidents. Un journaliste français, Sylvain Mercadier, et son fixeur Syrien ont été arrêtés le 8 janvier et violentés lors de leur détention, avant d’être libérés. Israel affirme vouloir se maintenir jusqu’à la fin de l’année 2025, mais tout indique que son intention est d’occuper durablement le territoire et de mener également une « guerre de l’eau » contre les Syriens. A l’heure où on rédige cette chronique, on apprend également la détention de cinq réfugiés Palestiniens par la branche syrienne du Fatah à Damas alors qu’ils prenaient part à une manifestation devant l’ambassade de Palestine pour protester contre le siège en cours à Jenine. Non contentes d’avoir collaboré avec le régime d’Assad, les factions politiques Palestiniennes semblent jouir d’une impunité favorisée par les silences de HTS concernant Israel.

Un autre obstacle à la volonté hégémonique de HTS est incarné par les Forces Démocratiques Syriennes et leurs alliées Kurdes autonomistes du Rojava. Depuis fin décembre, la ligne de front entre elles et les mercenaires jihadistes pro-Turquie de la SNA appuyés par l’aviation, l’artillerie et les drones Turcs, s’est cristallisée autour du barrage de Tishrin sur l’Euphrate et les combats ont causé la mort de 56 combattants des SDF et 199 de la SNA. Sans compter les nombreuses victimes civiles, dans les zones contrôlées par les jihadistes où les persécutions et exécutions arbitraires sont monnaie courante, mais aussi de l’autre côté de l’Euphrate du fait des bombardements quotidiens. Au-delà de la résistance acharnée des SDF, le facteur véritablement déterminant est et restera la position des Etats-Unis dans le conflit. Le 3 janvier, l’armée étasunienne a renforcé son contingent à Kobane et il est question d’une démilitarisation de la zone dans le cadre d’accords avec la France, impliquant la sécurisation de la frontière Turque par une force franco-américaine. Mais il est évident que cela ne suffira pas à mettre un terme au conflit tant que les régions au Nord d’Alep restent sous la coupe des fanatiques de la SNA. Du côté de HTS, les négociations sont toujours en cours pour une éventuelle conciliation, l’administration autonome du Nord-Est Syrien ayant réaffirmé sa volonté d’intégration au sein d’un Etat national unifié.

Au regard de ces rapports de forces, mais aussi de la diversité et des spécificités régionales qui caractérisent la société syrienne, seul un modèle de gouvernance décentralisée permettant une plus grande participation locale dans la prise de décision peut garantir la paix sociale. Faudrait-il encore que les sponsors étrangers de HTS l’acceptent…

[1] Rappelons que les jihadistes d’Al-Nosra avaient combattu le bataillon druse de l’armée syrienne libre en 2014, tandis que ceux de DAESH avaient massacré 258 résidents de Suwayda en 2018.

La chronique Syrienne hebdomadaire de Interstices-Fajawat, 2 janvier 2025

CHRONIQUE REDIGEE EN COLLABORATION AVEC LE COLLECTIF/MEDIA « CONTRE ATTAQUE« 

Notre chronique précédente était publiée alors même qu’une opération militaire d’envergure était lancée par HTS dans les régions de Homs et Tartus pour arrêter un certain nombre d’anciens officiers et hommes de main loyaux envers le régime déchu d’Assad. Ces miliciens réfugiés dans les régions côtières à majorité Alaouites (la minorité religieuse dont est issue le clan Assad) avaient en effet commencé à propager des menaces et à agiter la population sur fond de fake news, accusant HTS d’avoir délibérément incendié un lieu sacré pour les Alaouites à Alep. Si le lieu saint a en effet été attaqué le 5 décembre lors de l’offensive contre le régime, HTS avait immédiatement condamné l’action et promis de punir les responsables, ce qui est sensiblement différent de ce qu’affirment les nostalgiques d’Assad prétendant que HTS organisait l’épuration ethnique des Alaouites. Dans les faits, les images de violences qui ont circulé montraient des miliciens du régime déchu se faire maltraiter lors de leur arrestation, tandis que des responsables religieux et civils Alaouites ont rencontré les responsables de HTS et publié des communiqués pour invalider les rumeurs de persécutions.

Ces tensions sur fond de sectarisme nous font oublier que la majorité de la population Alaouite de Syrie souffrait elle aussi de la dictature d’Assad et qu’une tentative d’insurrection était même partie de la communauté Alaouite en août 2023 (Mouvement du 10 août*), aussitôt réprimée par le régime, avant de trouver un écho dans la région de Suwayda. Depuis deux semaines, des comptes occidentaux et/ou pro-Assad propagent également de la désinformation et des rumeurs concernant la persécution et le massacre des Chrétiens de Syrie, ce qui est tout simplement faux. Il semble qu’une partie du monde ne veut pas laisser les Syriens en paix et trouve un intérêt ou du plaisir à faire circuler des images d’atrocités, qui nient notre besoin de guérir de décennies de traumatismes. Nos cauchemars font leurs fantasmes. Cela ne nie pas le fait qu’il y ait des actes de vengeance et de violences isolés, ce qui n’est pas surprenant au sortir d’une dictature sanglante d’une demi-siècle. Pour démêler le vrai du faux et pour faire face aux rumeurs, nous invitons quiconque à suivre le compte @VeSyria / https://verify-sy.com/en

Sur le plan sécuritaire toujours, Al-Shara’a (aka Al-Joulani) a continué de récompenser ses lieutenants en leur confiant des responsabilités au sein du nouvel appareil militaire. Le Ministre de la Défense, ainsi que le Chef du renseignement ont été nommés, suivis d’une liste d’une cinquantaine de nominations au sein du nouveau Ministère de la Défense, tous d’anciens compagnons de route de HTS et d’Al-Qaeda avant lui, incluant au moins sept combattants étrangers, dont trois Ouïghours, un Turc, un Jordanien, un Egyptien et un Albanais.

Sur le plan politique, l’autorité de transition a nommé une première femme au gouvernement, Aisha Aldebs, en tant que chargée de la condition des Femmes. Ce qui apparaissait comme un signe encourageant a immédiatement été terni par ses premières déclarations, extrêmement conservatrices, qui suscitent depuis une semaine de fortes polémiques dans la société Syrienne, ainsi que des réactions virulentes dans les médias. Dans la foulée, Al-Shara’a semble avoir voulu ajuster le tir en nommant d’autres Femmes à des postes de responsabilité : Maysaa Sabrine, comme gouverneure de la Banque Centrale Syrienne, Diana Elias Al-Asmar (Chrétienne) comme Directrice de l’Hôpital Universitaire pour Enfants de Damas, et enfin Mohsena Al-Maithawi (Druze), comme gouverneure de la région de Suwayda, ce qui était une demande de la communauté Druze. En parallèle, le journaliste et compagnon de route de HTS Mohammed Al-Faisal a été nommé porte-parole du gouvernement de transition.

Al-Shara’a a également annoncé des délais pour la rédaction d’une nouvelle constitution et la tenue d’élections, déclarant qu’il faudrait entre 3 et 4 ans pour garantir l’application de la résolution 2254 de l’ONU pour une transition démocratique en Syrie. Au regard de l’état catastrophique de la société et des institutions syriennes, ces délais semblent réalistes, bien que l’inquiétude reste grande par rapport à la gestion des affaires publiques par le gouvernement transitoire sur cette longue période. Si d’un côté Shara’a a rejeté l’option fédéraliste et justifié son choix de ne nommer que des responsables proches de HTS, il rassure néanmoins ses interlocuteurs et détracteurs en promettant la dissolution à venir de HTS dans le cadre de la Conférence Nationale pour le Dialogue qui débutera le 5 janvier prochain. Une réunion préliminaire de la conférence s’est tenue le 28 décembre, mais elle a été vertement critiquée pour le faible nombre de Femmes (3 sur plus de 100 personnes) et de Jeunes parmi les participants, mais aussi pour la superficialité des échanges qui y ont eu lieu. La manière dont les participants sont choisis et invités reste vague. Le réseau Madaniyya, constitué de plus de 150 organisations de la société civile Syrienne attachées aux principes de la révolution de 2011 et qui a rencontré déjà nombre de délégations étrangères, attend par exemple d’être prise en considération par le gouvernement transitoire et la conférence nationale pour le dialogue.

Parmi les angles morts de cette transition se trouve donc toujours la condition des Femmes, ainsi que celle des milliers de disparus et de leur proches dans l’attente, qui ne se sont vus proposer aucun soutien concret ni aucune perspective de justice ou de réparation. Nombre d’associations et de groupes de défense des droits humains ont commencé à dénoncer le fait que les prisons et leurs archives n’ont pas été mises sous protection au cours des deux semaines passées, faisant l’objet de destructions et de vols. Cette négligence évidente interroge sur la réelle volonté du nouveau pouvoir de creuser en profondeur dans les secrets du régime déchu. Silence aussi sur le sort des communes Syriennes occupées par Israël et la Turquie, ainsi que sur celui de la communauté Druze de Suwayda qui bénéficie d’une autonomie de fait depuis quelques années. Silence encore sur les bases militaires russes, dont le retrait total n’est pas évoqué, alors que la Russie a passé les dix dernières années à participer au massacre des communautés Syriennes. Al-Shara’a a au contraire déclaré vouloir respecter les intérêts stratégiques russes dans la région, a priori au même titre que ceux de la Turquie, d’Israël et des Etats-Unis.

Pour conclure, l’un des principaux « nœuds Gordiens » de la Syrie post-Assad reste lié au sort des populations Kurdes, et plus particulièrement celui du projet autonomiste du Rojava. Les Forces Démocratiques Syriennes réussissent péniblement à contenir les assauts des milices pro-Turques sur les rives de l’Euphrate et les ont fait reculer vers la périphérie de Manbij, tandis que l’administration autonome du Nord-Est Syrien a entamé des négociations avec HTS, le président turc Erdogan permettant même à une délégation du parti turc pro-Kurde, le DEM, de rencontrer le leader kurde du PKK Adbullah Öcalan dans la prison d’Imrali où il est à l’isolement depuis 1999. Au cœur de la négociation se trouve l’éventuelle démilitarisation des forces kurdes, voire leur fusion avec la nouvelle armée nationale syrienne. Non pas sans garanties sérieuses de la part du nouveau pouvoir à Damas…

 

* https://en.majalla.com/node/297431/politics/alawite-protest-movement-emerging-syrias-coastal-areas ; https://syriadirect.org/where-does-latakia-stand-on-suwaydas-movement/

La chronique Syrienne hebdomadaire de Interstices-Fajawat, 26 décembre 2024

CHRONIQUE REDIGEE EN COLLABORATION AVEC LE COLLECTIF/MEDIA « CONTRE ATTAQUE« 

Depuis que le régime d’Assad est tombé, tout va très vite.

Ahmed al-Shara’a (aka Al-Julani), le leader des rebelles de Hay’at Tahrir al-Shams (HTS) a nommé immédiatement un gouvernement transitoire formé à partir du Gouvernement de Salut Syrien qui préexistait à Idleb depuis 2017. Les ministres ne sont pas des militaires, mais des professionnels dans le domaine qui leur a été confié. Il ne s’agit clairement pas de progressistes, mais plutôt d’islamistes conservateurs. Pour autant, aucun changement constitutionnel ni aucune décision impliquant de grands changements de société sans la consultation et l’accord des Syriens n’a été prise à l’heure actuelle. A la fin de son mandat transitoire, le gouvernement intérimaire est en effet censé laisser la place à une conférence nationale représentative de toutes les factions et minorités Syriennes, pour la formation du futur nouvel Etat Syrien.

Shara’a a également nommé plusieurs chefs de guerre comme gouverneurs de province, ce qui n’est pas pour rassurer tout le monde, mais toutes les nominations ne sont pas faites et des réajustements sont en cours. A Suwayda, province du Sud habitée à plus de 90% par les Druzes, une minorité qu’on ne peut soupçonner de sympathies islamistes, un conseil régional représentant l’ensemble des factions locales a proposé l’investiture d’une femme au poste de gouverneur, ce qui est une première dans l’histoire du pays. Par ailleurs, une grande réunion des chefs de différentes factions armée s’est tenue à Damas en vue de s’accorder sur le désarmement de tous les groupes armés et l’intégration de leurs effectifs dans la future armée nationale, sur la base du volontariat. Shara’a a en effet annoncé la fin de la conscription obligatoire.

Au cours des deux dernières semaines, les réseaux sociaux ont déversé des informations contradictoires évoquant des actes de violence à l’encontre des minorités et des exécutions sommaires sur la côte à majorité Alaouite, mais rien de tout ça n’a eu lieu dans les zones libérées de l’ancien régime par les rebelles de HTS. A Tartus et Latakia, les Alaouites ont au contraire accueilli la chute du régime avec le même enthousiasme que partout ailleurs. Néanmoins, de nombreux comptes se présentant comme bien informés véhiculent quotidiennement de fausses informations et des images non datées et non sourcées pour légitimer et inciter des tensions inter-communautaires, alors que les autorités transitoires ont tout mis en œuvre pour qu’il n’y ait ni représailles ni actes de violence dirigées contre les minorités.

Des incidents ont eu lieu, et notamment l’incendie d’un sapin de Noël à Suqaylabiyah, dans la périphérie de Hama, acte dont les auteurs ont été arrêtés par HTS, qui s’est engagé à réparer les dégâts et a déclaré Noël fête officielle en Syrie. Les combattants étrangers, et notamment Ouïghurs, Tchétchènes et Kazakhs sont pointés du doigt et des manifestations se sont déroulées (sans incidents) pour demander leur désarmement et leur expulsion du pays. Ces manifestations interviennent une semaine après une manifestation au cœur de Damas en faveur de la laïcité, qui a rencontré une vague de critiques du fait que ses principaux organisateurs étaient des défenseurs du régime Assad avant sa chute, mais aussi du fait de l’absence criante de drapeaux de la révolution syrienne. La lutte nécessaire pour un nouveau régime qui garantisse la laïcité et la protection des minorités, y compris les athéistes, a été ainsi discréditée par cette récupération lamentable par des personnalités cherchant à se racheter auprès des Syriens. D’ailleurs, les polémiques autour de cette manifestation ont occulté une autre manifestation appelée à Homs par des groupes de femmes en faveur de la laïcité et de la protection des libertés.

Sur le plan de la politique internationale, la chorégraphie des délégations étrangères qui viennent chaque jour s’entretenir avec le nouvel homme fort de Syrie donne le tournis. Chacun semble vouloir poser ses conditions, demander son dû ou obtenir des garanties, tandis que la Turquie apparaît comme la grande gagnante de ce changement de régime. Elle s’est d’ailleurs empressée d’investir dans l’économie Syrienne, annonçant la réouverture prochaine de la ligne aérienne entre les deux pays ou encore le rétablissement du chemin de fer abandonné depuis 2012. On ne doute pas que ce regain d’intérêt pour la Syrie des Etats étrangers est motivée par l’appât du gain, dans la mesure ou Shara’a a annoncé la reconnexion du pays avec l’économie de marché. L’Allemagne, en plus d’être clairement favorable au génocide des Palestiniens, a été parmi les premiers Etats à suspendre les demandes d’asile des Syriens et à accourir auprès d’Erdogan pour le congratuler et nous rappeler combien il a été un partenaire de premier plan en termes de gestion migratoire… Rapaces.

De son côté, Israël continue d’occuper militairement des villages dans les provinces de Dera’a, Quneitra et du Damas rural : actuellement, près d’une trentaine de localités ont été annexées, impactant près de 50 000 résidents Syriens. Les responsables Israéliens se réjouissent ainsi d’avoir pris possession du Mont Hermon, qui représente 30% des ressources en eau de la Syrie et 40% de celles de la Jordanie. Alors que Shara’a évite prudemment de critiquer Israel, la population n’a pas attendu pour manifester son hostilité envers l’armée Israélienne, qui a ouvert le feu et blessé plusieurs personnes avant de se retirer de la localité de Al-Suwaisa (Quneitra). Les résidents du village Druze de Hader ont également déclaré publiquement leur refus d’être annexé par Israel, répondant par-là aux rumeurs et fake news propagées de concert par des sionistes et des islamistes accusant à tort les Druzes d’être pro-Israel.

Enfin, la question Kurde sera également déterminante, dépendant des décisions américaines et de l’issue des négociations en cours entre Shara’a, les Forces Démocratiques Syriennes (FDS), soutenues par les Etats-Unis, et l’administration autonome du Rojava. Le 14 décembre, la trêve dans les régions de Kobane et Manbij décidée deux jours plus tôt a été immédiatement violée par la Turquie, engendrant la riposte des FDS contre les milices pro-Turques de l’Armée Nationale Syrienne (ANS). Rappelons que si la guerre n’est pas terminée, la faute en incombe largement aux aspirations coloniales et impérialistes de Erdogan, qui n’est ni le libérateur, ni l’ami des Syriens. Les FDS quant à elles, sont constituées à plus de 60% d’Arabes Syriens, ce qui n’en fait pas une force Kurde comme certains le prétendent. La simplification des rapports de pouvoir et des caractéristiques ethnoculturelles des régions situées à l’Est de l’Euphrate sont en partie responsables de l’indifférence de nombreux Syriens à l’égard de ce qui s’y déroule actuellement, et donc d’une forme de déni vis-à-vis des crimes commis par les forces pro-Turques.

La situation reste donc extrêmement incertaine, même si nous sommes globalement confiants sur les évolutions à venir, car nombre d’initiatives populaires progressistes, démocratiques et laïques ont déjà été lancées et démontrent que la société Syrienne ne se laissera pas imposer une nouvelle dictature militaire, ni religieuse. Quoi qu’il puisse arriver dans les prochaines semaines, ce qui se passe depuis deux semaines en Syrie constitue une démonstration de résilience collective sans précédent.

Appel à toutes les forces progressives Syriennes !

En dehors des complices du régime de Assad et des populations civiles toujours prises pour cible dans le Nord et à l’Est de la Syrie, l’unanimité des Syriens sont heureux de la libération de la Syrie grâce à l’offensive des rebelles Syriens et du soutien de nombreuses communautés Syriennes qui n’attendaient qu’un signal pour participer à la libération.

Après 58 années d’une des dictatures les plus féroces, et non 13 ou 24 années comme le suggèrent les médias occidentaux, les Syriens avaient besoin d’au moins 48 heures pour respirer et partager leur infini bonheur, leurs cris, leur joie, mais également leurs pleurs de soulagement et de peine trop longtemps contenus.

Beaucoup à l’étranger n’ont pas respecté ce besoin, continuant à infantiliser les Syriens et à mépriser leurs aspirations démocratiques et laïques, en ne cessant depuis le début de l’offensive des rebelles (que nous refusons de réduire à Hayat Tahrir al-Sham, parce que des centaines d’autres factions se sont jointes à l’opération) de brandir devant nos visages la menace islamiste.

Nous n’avions pas besoin qu’on nous le dise. Nous avons été parmi les premiers à subir cette menace, qui était présente en nous durant des années, mais nous savons aussi que les groupes criminels jihadistes ne sont pas nés tous seuls. Ils sont nés du chaos produit par des décennies de colonisation, d’invasions armées et de bombardements aveugles.

Après avoir fait la fête, les forces progressistes Syriennes doivent désormais agir vite et ne pas se détendre trop tôt. Les menaces d’un retour de bâton réactionnaire et fondamentaliste sont réelles.

C’est pourquoi nous voulons partager quelques revendications essentielles avec vous, à diffuser largement au sein de TOUTES les communautés syriennes et à transmettre à ceux qui vont assurer la transition politique en Syrie.

Nous devons:

ARRET DES VIOLENCES

  • Mettre fin immédiatement à toute intervention militaire dans les zones d’Idleb, Alep, Raqqa, Deir Ez-Zor et Hasakeh et mettre en place des accords de cessez-le-feu entre les forces rebelles et les forces armées des YPG/SDF ;
  • Condamner et mettre fin définitivement aux bombardements d’Etats étrangers sur le sol Syrien;
  • Exiger la libération des territoires et des communautés civiles Syriennes otages des Etats voisins et de groupes armés servant leurs intérêts, et notamment d’Israel et de la Turquie dans les régions du Golan, de Quneitra, de l’Ouest de Damas, d’Idleb, d’Alep, de Raqqa et d’Hasakeh ;
  • Désarmer les combattants armés non-Syriens et leur demander de quitter le pays, de rentrer chez eux ou de faire une demande d’asile en Syrie, qui sera étudiée au regard d’enquêtes sérieuses réalisées sur les crimes commis par les groupes armés auxquels ils ont appartenu ;
  • Garantir l’accès au territoire Syrien aux ONG humanitaires et aux journalistes;

PROCESSUS DE JUSTICE REPARATRICE :

  • Archiver (et numériser) et analyser les archives des services de sécurité du régime Assad, puis les rendre consultables par les personnes concernées, afin de permettre le deuil et la réparation des crimes, ainsi que les poursuites à l’égard des auteurs de ces crimes ;
  • Protéger et permettre un plein accès aux listes de détenus et victimes du régime Assad aux familles de victimes à la recherche de personnes disparues ;
  • Lister les personnes complices de dénonciations calomnieuses et protéger leur identité afin d’empêcher la vengeance personnelle et garantir la mise en place de procédures judiciaires équitables, qui peuvent impliquer des modes de justice transformatrice et réparatrice, plutôt que punitive ;
  • Procéder à l’arrestation et au placement en détention dans des conditions humanitaires de tous les personnels de l’armée, de services de sécurité ou de milices armées soupçonnés d’avoir été impliqués directement dans la commission de crimes à l’égard de civils et de crimes de guerre ;
  • Empêcher toute humiliation ou exécution publique et engager des processus de justice qui respectent les conventions internationales contre la peine de mort ;
  • Permettre l’établissement de systèmes de règlement des conflits et de justice alternatifs, laissant le choix aux personnes justiciables de choisir sous quel système de justice ils souhaitent être jugés, tout en interdisant le recours à des peines impliquant des sévices corporels ou la peine de mort ;
  • Souscrire aux traités et conventions permettant la collaboration avec la Cour Internationale de Justice et le respect de ses décisions ;

TRANSITION POLITIQUE :

  • Empêcher la mise en place d’un régime politique fondé sur les appartenances religieuses ou ethniques, pour empêcher une division sectaire de la Syrie ;
  • Empêcher l’utilisation des symboles de groupes armés, ainsi que les drapeaux associés à Al-Qaeda et à l’Etat Islamique, ainsi que des autres groupes islamistes, dans les institutions publiques du nouveau régime politique ;
  • Organiser une transition politique vers un régime fédéral permettant la représentation égalitaire et non ségrégative des différentes communautés ethno-religieuses de la société Syrienne qui représentent au moins 1% de la société Syrienne : Arabes Sunnites, Arabes Chiites, Arabes Chrétiens, Druzes, Alaouites, Kurdes et Assyriens. Les communautés ethniques représentant moins de 1% de la population Syrienne doivent quant à elles bénéficier d’une représentation proportionnelle afin de faire respecter leurs identités spécifiques et les droits qui s’y rapportent : Turkmènes, Tcherkesses, Bédouins, Arméniens, Juifs Mizrahim, Yézides, Palestiniens, Romani, Araméens/Syriaques ;
  • Geler toute coopération avec un Etat voisin qui ne garantit pas la liberté totale aux populations appartenant à au moins l’une des communautés Syriennes citées précédemment ;
  • Rétablir pleinement et sans restriction les libertés politiques et religieuses, ainsi que la liberté d’association, la liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté de la presse ;
  • Garantir la liberté et la protection des droits des femmes et des minorités sexuelles ;

Sans l’application de toutes ces revendications, l’auto-détermination des Syriens n’est pas garantie et la résurgence de pouvoirs autoritaires est à craindre. Nous devons massivement nous mobiliser pour empêcher l’histoire de se répéter et les ambitions autocratiques ou réactionnaires de compromettre la révolution démocratique et laïque syrienne.

Aussi, nous devons annoncer haut et fort notre solidarité avec les peuples Palestiniens, Libanais et Kurdes face à l’oppression et aux violences injustifiées qu’ils subissent. Il ne s’agit pas de soutenir les groupes armés qui portent leur parole, mais d’envoyer un message clairs à nos peuples frères et aux civils qui ne méritent pas de subir les répercussions des guerres coloniales.

Nous ne voulons que la paix et la démocratie en Syrie et dans toute la région qui l’entoure.

Initiative Interstices-Fajawat