Si vous pensez que les rebelles syriens ne sont qu’un outil d’Israël et des États-Unis,

Si vous pensez que la Russie et Israël sont des ennemis,

Si vous pensez qu’Assad et l’Iran étaient le courageux « axe de la résistance à Israël » et que vous ne pouvez pas soutenir le peuple palestinien ET le peuple syrien,

Si vous pensez que c’est une question de noir et blanc et de bloc contre bloc,

Si vous pensez que les Syriens ne s’unissaient pas tous ensemble pour renverser l’un des régimes les plus horribles et les plus génocidaires du monde,

LISEZ NOTRE ANALYSE SUIVANTE :

  1. TURQUIE

Erdogan voulait occuper et expulser les Kurdes de tout le territoire syrien au-dessus de la route M4, et continuer à fournir à Israël 30% de son pétrole via l’oléoduc BTC.

Nous pensons que la Turquie avait besoin d’une force armée, l’Armée nationale syrienne (ANS) composée d’islamistes dociles et de mercenaires étrangers pour mener à bien ses plans de colonisation et de nettoyage ethnique au nord de la route M4, tandis qu’une autre force armée composée de rebelles syriens motivés par la libération de leur pays, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), faisait diversion au sud.

Nous pensons également que la Turquie n’était pas particulièrement intéressée par ce que les rebelles syriens allaient faire au sud d’Alep, et qu’elle a été potentiellement surprise par la faiblesse et la déroute de l’armée syrienne, la rapidité avec laquelle les rebelles ont reconquis l’ouest et le sud de la Syrie, mais aussi le soutien massif à l’offensive de la part des rebelles de Suwayda et de Deraa.

Après le troisième jour de l’offensive, Erdogan a appelé Assad et les rebelles à trouver un accord.

  1. ISRAËL

Netanyahou avait besoin que la Turquie continue à lui fournir 30% de son pétrole pour poursuivre le génocide des Palestiniens.

Israël voulait également chasser le Hezbollah et les milices pro-iraniennes de toute la Syrie et protéger ses frontières nord, c’est-à-dire les terres volées du Golan syrien, en établissant une zone tampon sur le sol syrien.

Nous pensons qu’Israël n’a aucun intérêt à mener une guerre en Syrie et qu’il n’obtiendra aucun soutien pour cela. En outre, Israël est confronté à une énorme crise économique, sociale et politique qui ne serait pas facilitée par l’ouverture d’un nouveau front de guerre.

Le fait qu’Israël ait ciblé toutes les zones militaires syriennes et les dépôts d’armes immédiatement après la chute d’Assad démontre qu’Israël ne se sentait pas menacé par le régime d’Assad : Israël n’avait jamais bombardé l’armée syrienne auparavant, mais seulement les responsables du Hezbollah en Syrie.

Les officiers de renseignement israéliens ont déclaré la semaine dernière qu’ils avaient besoin d’Assad pour maintenir le statu quo garantissant la sécurité d’Israël.

  1. RUSSIE

En 2016, Poutine et Assad ont conclu des accords avec Israël pour garantir la sécurité de la frontière nord d’Israël et en éloigner le Hezbollah. En 2018, les Russes ont pris le contrôle de la région de Deraa en intégrant d’anciens rebelles dans leur 5e « corps d’armée » (8e bataillon Awda).

La Russie et les États-Unis avaient conclu des accords en 2015 dans le cadre de la « ligne de déconfliction » leur permettant à tous deux d’utiliser le ciel syrien pour mener leurs attaques contre ISIS sans que leurs avions n’entrent en collision.

La Russie a été considérablement affaiblie par la guerre en Ukraine depuis 2022 et avait considérablement réduit sa présence en Syrie. Le bombardement incessant de la zone rebelle d’Idleb et les énergies déployées pour maintenir en place le régime incapable d’Assad depuis 2015 n’en valaient plus la peine.

La Russie s’est engagée activement avec la Turquie et l’ONU dans les accords d’Astana pour sortir de Syrie sans être humiliée.

  1. LES ÉTATS-UNIS

Après la révolution de 2011 et la prise de contrôle d’ISIS en 2013, les États-Unis voulaient prendre et conserver le contrôle des régions situées à l’est de l’Euphrate (Deir ez-Zor et Al-Hasakeh) où se trouvent 75% des réserves de pétrole de la Syrie, sans engager de troupes américaines sur le sol syrien et sans soutenir les socialistes kurdes YPG/PYD affiliés au PKK.

Ainsi, les États-Unis ont soutenu et entraîné les Forces démocratiques syriennes (FDS) pour repousser ISIS et maintenir l’est de la Syrie hors du contrôle d’Assad ou de l’Iran.

Les États-Unis ont également conservé une base militaire sur le sol syrien (al-Tanf) qui n’a jamais été menacée par Assad, et qui n’a jamais été une menace pour Assad. Les Américains n’ont JAMAIS attaqué l’armée syrienne.

La Russie et les États-Unis avaient conclu des accords dès 2015 dans le cadre de la « ligne de déconfliction » leur permettant à tous deux d’utiliser le ciel syrien pour mener leurs attaques contre l’État islamique sans que leurs avions n’entrent en collision. Le centre de commandement américain est situé à Al-Ubaid au Qatar.

Par ailleurs, après que les États-Unis ont donné carte blanche à la Turquie pour bombarder les Kurdes en 2019, les FDS ont commencé à se tourner vers la Russie…

  1. L’IRAN

L’Iran est l’allié de la Syrie depuis la guerre du Liban (1982) et avait besoin du territoire syrien pour approvisionner en armes et en argent sa milice du Hezbollah. L’Iran contrôlait l’ensemble du réseau routier reliant l’Irak au Liban, et en particulier les points de passage de Boukamal et d’Al-Qusair, ainsi que la zone clé de Palmyre et la rive droite de l’Euphrate.

En échange du soutien de l’Iran et de ses milices libanaises, irakiennes, pakistanaises et afghanes, Assad a permis à l’Iran de construire des liens commerciaux à l’intérieur de la Syrie, transformant celle-ci en une gigantesque usine de captagon et le régime syrien en un narco-État, dirigé par son frère Maher.

Après qu’Israël a détruit l’infrastructure du Hezbollah et épuisé ses forces en Syrie, l’Iran n’avait plus aucun intérêt à soutenir le régime d’Assad et à risquer la destruction de ses milices irakiennes dans une confrontation avec les rebelles syriens. Il a donc préféré se rabattre sur le contrôle de l’Irak. Par ailleurs, l’Iran est également impliqué dans le processus d’Astana avec la Turquie et la Russie.

  1. LES GROUPES ARMÉS D’OPPOSITION NON ÉTATIQUES SYRIENS

Les HTS ont clairement entamé des négociations avec les YPG/SDF à la périphérie d’Alep dès les premiers jours de l’offensive, et les quartiers de Sheikh Maqsood et d’Ashrafiye sont toujours sous le contrôle des YPG/SDF. De plus, leur volonté de protéger les minorités religieuses n’est pas une simple déclaration : aucun rapport ne fait état de persécutions de civils par les HTS depuis le 27 novembre, et les communautés syriennes accueillent favorablement l’offensive, même si de nombreuses personnes s’inquiètent également des semaines à venir. HTS a immédiatement ouvert les prisons et rétabli les services d’eau et d’électricité qui avaient été coupés et rationnés pendant des années par le régime, permettant aux journalistes étrangers d’entrer dans le pays pour la première fois depuis des décennies. En outre, le chef du HTS, Al Joulani, qui a rompu ses liens avec Al-Qaïda et qui est en conflit avec le SNA depuis plusieurs années, a déclaré avant la fin de l’offensive qu’il prévoyait de dissoudre le HTS et de laisser la gouvernance de la Syrie à une autorité de transition composée d’une coalition de groupes représentant la diversité de la société syrienne.

En ce qui concerne les FDS, nous pensons que leurs compromis avec les États-Unis d’une part et avec le régime Assad et la Russie d’autre part, mais aussi leur manque de respect pour les coutumes et les demandes des communautés arabes à bien des égards (à Manbij, à Deir ez-Zor et dans d’autres parties de la région de Jazira/Rojava) les ont rendus trop impopulaires pour gagner la sympathie des autres Syriens. Malgré cela, il n’est pas juste de les considérer comme des alliés du régime Assad, leurs principales préoccupations depuis 2015 ayant été de se protéger contre les risques sérieux de génocide représentés par ISIS et de défendre leur autonomie, elle-même considérée comme un moyen de se séparer et de se protéger du pouvoir central dictatorial d’Assad. Ainsi, les FDS et les communautés kurdes devraient entamer des négociations avec l’autorité syrienne de transition pour conserver leur autonomie, tout en proposant d’être intégrées dans un nouveau système de type fédéral leur permettant de bénéficier des mêmes droits et garanties que les autres Syriens.

Il existe de nombreux autres groupes rebelles qui ont participé à l’offensive de HTS mais qui ne sont pas affiliés à HTS. C’est notamment le cas des Druzes de Rijal al-Karami du district de Suwayda, qui résistent au pouvoir central depuis 2011 et ont massivement entravé le recrutement de 50 000 jeunes Druzes par l’armée du régime, refusant d’aller tuer d’autres Syriens. Depuis quelques années, Rijal al-Karami mène une lutte acharnée contre les bandes criminelles affiliées à la 4e division blindée de Maher al-Assad et au Hezbollah, qui ont développé dans la région de Suwayda de nombreux trafics permettant au régime de renflouer ses caisses, notamment celle du captagon.

***

Si, après avoir lu cette analyse, vous pensez toujours que les Syriens étaient incapables de se libérer par eux-mêmes et sans intervention étrangère, et que vous soutenez Assad et le Hezbollah parce que vous les croyez solidaires des Palestiniens, lisez notre article adressé à la gauche campagnarde occidentale en suivant ce lien : https://interstices-fajawat.org/fr/camarades-gauchistes-occidentaux-vous-avez-perdu-vos-camarades-arabes/