Les Druzes de Syrie et du Liban, une longue histoire d’insubordination

Les Druzes sont une communauté religieuse attachée à une croyance hétérodoxe de l’islam chi’ite ismaélien qui a vu le jour en Egypte sous l’impulsion de l’imam Hamza ibn Ali ibn Ahmad au début du 11ème siècle. La foi druze porte tire son nom du prédicateur Muhammad ad-Darazi, bien qu’une partie de ses adeptes ne reconnaissent pas Ad-Darazi et qu’il ait été renié par Hamza ibn Ali avant d’être exécuté sur ordre du calife Al-Hakim bi-amr Allah. Les Druzes préfèrent se définir comme « Muwahideen » (Unitariens) ou « Banu Ma’ruf » (Enfants de Maarouf), bien que l’origine de ce terme reste incertain.

La religion druze, comme le soufisme, aborde la foi avec une approche philosophique et syncrétique qui ne reconnaît ni les préceptes rigoristes, ni les prophètes de l’islam. Si cette croyance s’est répandue au Caire sous le califat fatimide de al-Hakim, divinisé par les Druzes, elle a rapidement fait l’objet de persécutions par le reste de la communauté musulmane à la mort de ce dernier en 1021, et s’est donc exilée vers le Bilad el-Cham (actuels Syrie, Liban, Jordanie et Palestine), et notamment au Mont Liban et dans le Hauran. Mais c’est vers le début du 19ème siècle que la communauté druze du Hauran se renforce, après qu’une grosse partie de la communauté aie été chassée du Mont Liban par les autorités ottomanes. La montagne du Hauran prend alors le nom de jebel al-Druze.

Le gouvernorat de Suwayda regroupe aujourd’hui la majorité de la communauté druze mondiale, soit environ 700 000 personnes. Les Druzes du Liban constituent la seconde communauté, avec 250 000 personnes. En Syrie, plusieurs agglomérations druzes existent également dans le jebel al-Summaq (Idlib, 25 000 personnes), les jebel al-Sheikh et al-Juwlan (Quneitra, 30 000 personnes) et à Jaramana (banlieue de Damas, 50 000 personnes). Enfin, hors de Syrie et du Liban les plus grosses communautés druzes se trouvent en Palestine occupée (Galilée et Mont Karmel, 130 000), au Venezuela (100 000), en Jordanie (20 000), en Amérique du Nord (30 000), en Colombie (3000) et en Australie (3000).

Les principales familles et clans Druzes au 19ème siècle

La communauté Druze est organisée sur un modèle traditionnel de type clanique où les grandes familles exercent une influence prépondérante. Jusqu’au milieu du 18ème siècle, le Hauran (ou Jabal Druze) est dominée par la famille Hamdan, dont l’hégémonie est contestée dans les années 1850 par la famille Al-Atrash. Le conflit opposant les deux familles et leurs alliés respectifs entre 1856 et 1870 est finalement réglé par l’intervention du pouvoir ottoman, qui divise la région en quatre sub-districts, dont le plus important reste celui des Al-Atrash, comprenant 18 villages sur les 62 que comprennent le Hauran de l’époque.

Zuqan al-Atrash

Rebellion contre l’autorité Turque-Ottomanique…

 

En 1878, la semi autonomie acquise par le Hauran est remise en question par l’intervention militaire ottomane, qui veut ainsi mettre un terme aux conflits qui opposent les Druzes entre eux ainsi qu’à leurs voisins de la plaine (actuelle Daraa). Le pouvoir ottoman impose alors une nouvelle gouvernance dirigée par Ibrahim al-Atrash et le paiement de taxes à la communauté Druze, et notamment aux paysans. Entre 1887 et 1910, plusieurs conflits se succèdent, d’abord entre les paysans de la région et les al-Atrash, puis entre les frères d’Ibrahim – Shibli et Yahia – et le pouvoir Ottoman. En 1909, la révolte menée par leur neveu Zuqan al-Atrash échoue à la bataille de Al-Kefr et il est exécuté l’année d’après. Son fils Sultan prend le relais lors de la grande révolte Arabe de 1918…

Pendant la guerre 1914-1918, le pouvoir Ottoman laisse le Jabal Druze relativement tranquille. Sultan al-Atrash lie alors des liens avec les mouvements panarabes impliqués dans la grande révolte Arabe du Hijaz (Arabie Saoudite) et dresse le drapeau Arabe sur la forteresse de Salkhad, au sud de la région de Suwayda, et sur sa maison à Al-Qurayya. Il envoie un renfort de 1000 combattants à Aqaba en 1917, puis rejoint la révolte lui-même avec 300 combattants à Bosra, avant de s’emparer de Damas le 29 septembre 1918. Sultan devient général dans l’armée de l’Emir Faisal et la  Syrie accède à l’indépendance. Ce n’est que de courte durée, puisque la Syrie est occupée par les Français en juillet 1920. Le Jabal Druze devient l’un des cinq Etats de la nouvelle colonie française.

Sultan al-Atrash

Sultan al-Atrash

…puis contre le colonialisme Français

 

Un premier différent oppose Sultan al-Atrash aux Français en 1922, lorsque son hôte, le leader rebelle Shi’ite Libanais Adham Khanjar est arrêté à son domicile en son absence. Sultan demande sa libération, puis attaque un convoi Français qu’il pense transporter le prisonnier. En représailles de l’attaque, les Français démolissent sa maison et ordonne son arrestation, mais Sultan se réfugie en Jordanie, d’où il dirige des raids contre les forces Françaises. Momentanément pardonné et autorisé à rentrer chez lui, il dirige la révolte Syrienne de 1925-1927, déclarant la révolution contre l’occupant Français. D’abord victorieuse, la Grande Révolte Syrienne est finalement vaincue par l’armée Française et Sultan est condamné à mort. Il se réfugie en Transjordanie, avant d’être à nouveau pardonné et invité à signer en 1937 le Traité pour l’indépendance de la Syrie. Il est accueilli en Syrie en héros, réputation qu’il conserve jusqu’à ce jour. Le traité n’ayant pas abouti véritablement sur l’indépendance de la Syrie, en mai 1945, les Syriens se révoltent à nouveau contre l’occupant Français, qui envoie l’armée et tue un millier de Syriens. Dans le Hauran, l’armée Française est défaite par les Druzes sous le commandement de Sultan al-Atrash avant l’intervention britannique qui va mettre fin définitivement au mandat Français le 17 avril 1946.

NDLR : Il faut placer l’engagement de la famille Al-Atrash dans le contexte du conservatisme et du nationalisme Arabe, qui ne remettent pas en question les structures traditionnelles claniques, patriarcales et autoritaires. Pour autant, leur constante opposition dès le 19ème siècle envers les impérialismes étrangers et l’autorité abusive des pouvoirs centraux en font des précurseurs dans les luttes anticoloniales du second tiers du 20ème siècle. On peut considérer également que leur combat porte en lui les ferments des luttes communautaires pour l’autonomie et l’auto-défense, dont il sera question à Suwayda dans la période récente (années 2010-2020). Sultan al-Atrash est aussi connu pour ses positions en faveur du multiculturalisme et de la laïcité.

الدين لله، والوطن للجميع

La Religion est pour Dieu, la patrie est pour tous

Résistance au colonialisme israélien

 

Lorsque les Britaniques transfèrent leur domination sur la Palestine aux colons sionistes d’Europe et d’Amérique et que ceux-ci débutent l’épuration ethnique des Palestiniens à partir du 18 décembre 1947, Sultan al-Atrash appelle à la mise sur pieds de l’Armée Arabe de Libération de la Palestine. Celle-ci, sous les ordres du futur président Syrien Adib Shishakli, entre en Palestine depuis la Syrie le 8 janvier 1948 dans le cadre de la Première guerre israelo-arabe.

Kamal Jumblatt

A seulement une année d’intervale, le 1er mai 1949, l’intellectuel et leader politique Druze Kamal Jumblatt fonde le Parti Socialiste Progressiste, puis appelle à la première convention des Partis Socialistes Arabes en mai 1951 et commence à établir des liens avec la Résistance de Gauche Palestinienne, incarnée par le mouvement des Fedayeen. Jumblatt fait ensuite du PSP un mouvement armé intégré au Mouvement National Libanais, coalition de 12 partis et mouvements de gauche fondée en 1969 pour soutenir l’Organisation de Libération de la Palestine, elle-même créée cinq ans plus tôt et dirigée alors par Yasser Arafat. Jumblatt est le leader du MNL.

Toute la période entre 1952 et 1975 est caractérisée par des tensions sectaires croissantes entre les mouvements de la gauche laïque – anti-impérialiste et pro Palestinienne – et les élites chrétiennes Maronites pro-occidentales, qui dominent alors le paysage politique Libanais. Ces tensions sont renforcées à partir de 1970 par l’augmentation significative du nombre de combattants Palestiniens au Liban, qui résulte de leur expulsion de Jordanie et entraîne un gain d’influence considérable des mouvements Palestiniens dans le pays. Ces tensions aboutissent sur les massacres de civils Palestiniens par les phalangistes Chrétiens (Kataeb) à Ain el-Rummaneh le 13 avril 1975 (30 morts) et à Karantina (entre 1000 et 1500 morts), puis celui de civils Chrétiens à Damour (150 à 580 morts) en janvier 1976.

Le président Syrien Hafez al-Assad – dont le parti Ba’ath était jusqu’alors soutien de la gauche Palestinienne et de ses alliés – prend fait et cause pour les phalanges Chrétiennes et propose un accord impliquant la réduction de l’influence Palestinienne au Liban. Le PLO refuse et en mars 1976, Kamal Jumblatt se rend à Damas pour exprimer son désaccord à Hafez al-Assad. Au mois suivant le MLN et le PLO prennent l’avantage sur leurs adversaires en contrôlant 80% du Liban, mais en juin l’armée Syrienne intervient au Liban. Durant l’été, les milices chrétiennes qui asiègent le camp Palestinien de Tell al-Zaatar depuis le début de l’année, y massacrent entre 2000 et 3000 morts civils avec le soutien militaire de la Syrie. A l’issue d’une confrontation de six mois avec le PLO et le MLN un cessez-le-feu temporaire est signé, instaurant durablement l’occupation du Liban par l’armée Syrienne et entraînant l’anéantissement progressif – puis définitif dix ans plus tard (1987) – de la Résistance Palestinienne au Liban.

Le 16 mars 1977, Kamal Jumblatt est assassiné par des hommes armés à la solde du frère de Hafez al-Assad, Rifaat. Lors de ses funérailles, de nombreuses personnalités de gauche sont présentes, et Yasser Arafat prononce un puissant éloge en faveur de son allié et ami.

Extrait du film « Greetings to Kamal Jumblatt », Maroun Bagdadi, 1977, 57 mm

NDLR : Il n’est pas question ici pour nous d’idéaliser le personnage de Kamal Jumblatt et nous pensons qu’il ne faut jamais ériger des leaders en héros. Pour autant, nous ne pensons pas que Kamal Jumblatt se soit rendu coupable de crimes, ni qu’il ait propagé des sentiments de haine basés sur l’appartenance ethnique ou religieuse de ses adversaires, contrairement à ce qui a pu être véhiculé par certains médias affiliés à la droite libanaise. Il faut néanmoins savoir reconnaître que tout mouvement armé a pu être à un moment où un autre associé ou directement impliqué dans la commission de crimes ou d’actes de vengeance. Cela a notamment été le cas des factions armées palestiniennes, et donc de leurs alliés, comme à Damour en janvier 1976. C’est aussi important de pouvoir admettre quand un leader trahit les intérêts de sa communauté, comme c’est le cas du fils de Kamal Jumblatt, Walid Jumblatt. Ses choix politiques suite à la mort de son père et jusqu’à nos jours sont relativement douteux et il ne nous semble pas digne de l’héritage politique de son père.

Résistance armée au centralisme autoritaire de Damas

 

Quand en 2011 la révolte éclate contre Bachar al-Assad, les Druzes de Syrie se joignent au reste des Syriens et manifestent dans les rues de Suwayda et de Jaramana, quartier communautaire Druze de Damas.

Et quand la lutte armée prend le relais des manifestations pacifistes, l’officier Druze Khaldun Zein Ad-Din fait défection de l’armée du régime le 31 octobre 2011. Il déclare publiquement rejoindre l’Armée Syrienne Libre et crée le bataillon « Sultan Basha al-Atrash« , constitué de 120 combattants Druzes.

Khaldun Zein Ad-Din

Fadlallah Zein Ad-Din

Il est rejoint par son frère Fadlallah Zein Ad-Din en juillet 2012. Dénoncés par des informateurs, il sont assiégés et Khaldun est tué avec 16 autres de leurs compagnons à Tall al-Masyah le 13 janvier 2013. Son frère annonce sa mort dans un communiqué dix jours plus tard. Le Parti Socialiste Progressiste du Liban organise une cérémonie en leur honneur et il devient le symbole du mouvement révolutionnaire et d’opposition à Suwayda. Le 21 mars 2013, son épouse Amira Abu Bahsas déclare publiquement rejoindre à son tour le bataillon de son défunt mari, devenant la première femme de Suwayda à rejoindre l’Armée Syrienne Libre. 

Lors des manifestations contre le régime à Suwayda entre 2023 et 2025, le portrait de Khaldun Zein Ad-Din est affiché sur la place de la Dignité où ses parents Sami et Siham ont participé activement aux rassemblements.

Amira Abu Bahsas

Une autre résistance à la dictature d’Assad émerge en 2013 à Suwayda, suite au recrutement forcé de plusieurs dizaines de jeunes hommes de la région. Un sheikh influent de la communauté, Waheed al-Balous, refuse que la communauté participe à la guerre contre d’autres Syriens et oppose les recrutements forcés. Il fonde le Mouvement des Hommes de la Dignité (« Rijal al-Karami ») va gagner en popularité au cours des années et empêcher la conscription de 30 000 à 50 000 jeunes de Suwayda.

دم السوري على السوري حرام

Un Syrien ne doit pas verser le sang d’un autre Syrien

En 2015, Balous dénonce ouvertement la dictature, ce qui va entraîner son assassinat dans un double attentat à la bombe le 4 septembre 2015. Le soir de sa mort, des émeutes éclatent dans la région et la statue de Hafez al-Assad qui trônait jusque là sur la place de la Dignité est déboulonnée. Elle ne sera jamais remplacée. Son frère Raafat, blessé dans l’attentat, le remplace temporairement avant de céder sa place. Les fils de Waheed al-Balous, Laith et Fahd, créent une scission de Rijal al-Karami, les Sheikh de la Dignité (Sheikh al-Karami), qu’ils veulent politiquement plus radicale que le mouvement de leur père. Malgré des désaccords fréquents, les deux mouvements vont cependant continuer à mener des actions conjointes, même si Rijal al-Karami se rapproche davantage d’une autre faction d’importance, les Forces de la Montagne (Qawat al-Jabal). En décembre 2024 ils sont partie prenante de la Chambre d’Opérations Militaires du Sud qui comprend aussi d’autres factions Druzes et participe à la libération de Damas.

Waheed al-Balous

Raafat al-Balous

Laith al-Balous

Fahd al-Balous

NDLR : Si là aussi il faut s’interdire d’idéaliser l’une ou l’autre faction, nous considérons néanmoins que Rijal al-Karami et les groupes associés ont su très bien incarner au cours des dernières années l’impératif d’auto-défense et d’autodétermination de la communauté druze. Que ce soit face aux tentatives de l’armée du régime de s’imposer par la force ou la contrainte, face aux agressions islamistes ou face à la prédation des gangs qui ont proliféré dans la région, ces factions ont réussi à protéger les populations civiles et l’intérêt général sans commettre d’exactions ni d’abus de pouvoir. Leurs leaders ont généralement répondu à l’appel des communautés menacées et ont pris position clairement contre toute force extérieure menaçant la sécurité de la communauté. Par ailleurs, ils se sont posés en protecteurs des manifestations et révoltes populaires, avant de rejoindre spontanément l’offensive contre le régime en décembre 2024. 

Suwayda au coeur du processus révolutionnaire de 2011 à 2025

 

Au delà des quelques exemples emblématiques de résistance armée au centralisme autoritaire de Damas, la société civile de Suwayda n’a jamais cessé de s’inscrire dans une position critique ou hostile au pouvoir central et à la dictature des Assad. Contrairement aux rumeurs infondées présentant régulièrement les Druzes comme loyaux envers le régime, de nombreux exemples démontrent que la communauté a toujours réussi à concilier sa tradition de résistance avec le refus de prendre parti dans un conflit qui s’est confessionalisé très tôt – avec une très large composante religieuse islamique au sein de l’Armée Syrienne Libre dès 2012 – et qui aurait eu pour conséquence son anéantissement.

Peu de gens se souviennent que la population de Suwayda s’est investie dès les premières heures dans le soulèvement de 2011. Comme évoqué dans notre premier article, la guilde des avocats de Suwayda a organisé l’une des premières manifestations publiques en mars 2011, et comme partout ailleurs en Syrie, le Jabal Druze est descendu dans les rues les semaines qui ont suivi. Pour ne donner que quelques exemples forts et symboliques, rappelons que l’un des principaux chants de la révolution est « Ya Hef ! » (يا حيف – « Quelle Honte! »), composé et chanté par le chanteur Druze Samih Choukheir (Ecoutez en cliquant ici).

Samih Choukheir

On évoquait également au début de ce texte l’influence dans la région de la famille Al-Atrash. La fille de Sultan al-Astrash, Muntaha al-Atrash, a très tôt pris position contre la tyrannie ba’athiste. En 1991, elle a déchiré publiquement la photo de Hafez al-Assad pour dénoncer sa participation aux côté de la Coalition dans la guerre en Irak. Sauvée de la prison en raison de la réputation de son père, elle s’est engagée au sein de l’Organisation pour les Droits Humains « Sawaseya » dont elle est devenue la porte-parole en 2010. Au début de la révolution, elle a rendu visite aux zones rebelles et appelé publiquement le peuple Syrien à rejoindre la révolution, avant de recevoir des menaces de mort suffisamment sérieuses pour la convaincre de ne plus apparaître en public.

Sa fille Naila al-Atrash, enseignante en Arts Dramatiques à l’université et proche du Parti Communiste Syrien, a régulièrement été menacée par le régime pour ses activités jugées subversives. Licenciée en 2001, assignée à résidence en 2008, elle participe au début du soulèvement de 2011 en organisant des groupes de soutien aux personnes déplacées et affectées par le conflit, avant de quitter la Syrie en 2012. Jusqu’à aujourd’hui, Naila reste un soutien actif de la libération des Syriens.

Muntaha al-Atrash

Naila al-Atrash

Enfin, depuis l’assassinat de Waheed al-Balous en septembre 2015 la résistance et la révolte contre le régime d’Assad n’a cessé de se structurer. Elle a pris la forme d’une résistance armée incarnée par plusieurs milices populaires comme évoqué plus haut, mais s’est aussi largement développée dans la société civile, avec la multiplication de manifestations et d’actions qui ont augmenté en intensité et en régularité à partir de 2020, en conséquence aussi de l’explosion des prix et du coût de la vie.

Pour relire en détails le déroulé de ces révoltes, lire notre premier article publié en octobre 2023 : « Au Sud de la Syrie, le soulèvement de la dignité a commencé« 

Il est également nécessaire de connaître mieux la structuration de la société druze pour comprendre que la population n’est pas forcément inféodée aux décisions d’un leadership politique ou spirituel. A Suwayda, le leadership religieux est incarné par trois sheikhs, les « Aql Sheikh » : Hamoud Al-Henawi, Hikmat Al-Hajari et Youssef Jarboua.  Les positions politiques de ces trois sheikhs ne sont ni identiques ni immuables, et leur relation envers le régime d’Assad a varié en fonction des périodes et des événements.

Suite à l’assassinat de Waheed al-Balous et à l’attaque de Suwayda par l’Etat islamique en 2018, les dissensions entre les trois sheikhs se sont davantage exacerbées. D’abord neutres ou relativement loyaux envers le régime d’Assad, ils ont commencé à se montrer plus critiques, notamment le sheikh Hikmat al-Hajari qui a pris plus clairement position contre le régime et s’est imposé progressivement comme le leader charismatique de la communauté.

Hikmat al-Hajari

Hamoud al-Henawi

Youssef Jarboua

NDLR : Les prises de position du leadership spirituel ne s’imposent pas à la communauté druze, qui est majoritairement laïque et ne suit pas ses commandements comme cela peut être le cas pour d’autres communautés religieuses acceptant que la religion commande la vie sociale et politique. Régulièrement, les sheikhs druzes ont déclaré publiquement soutenir et suivre les choix de la collectivité. Plus récemment les positions à la fois prudentes et fermes de Hikmat al-Hajjari à l’égard du gouvernement transitoire de Ahmed al-Sharaa, et notamment concernant le désarmement des factions, ont été beaucoup critiquées par de nombreuses personnes, souvent ignorantes ou hostiles aux modes de fonctionnement de la communauté druze, voire hostiles aux Druzes de façon générale, par nationalisme ou zèle religieux. Au sein de la communauté, ses positions sont critiquées également par les partisans du désarmement des factions, qui y voient la cause principale des violences au sein de la société et semblent faire (un peu trop) confiance au nouveau pouvoir central islamiste pour ne pas (re)devenir une menace envers la minorité druze…

Les Druzes, Israel et les islamistes

 

Ce dernier chapitre nous apparaît essentiel au regard des événements récents concernant les communautés druzes de Syrie et de Palestine, ainsi que des polémiques et rumeurs  qui les accompagnent. Les deux idées-reçues les plus tenaces concernent la loyauté supposée des Druzes envers le régime d’Assad d’une part, et leur sympathie supposée envers Israel d’autre part. Si on a invalidé la première théorie dans les chapitres précédents, il nous semble qu’il faut ajouter quelques informations plus récentes que celles concernant l’époque de Kamal Jumblatt pour invalider également la seconde.

Il convient d’abord de préciser que les communautés druzes de Palestine (Mont Carmel et Galilée) ont été intégrés par la colonie israélienne dés 1948, dans le prolongement de l’épuration ethnique des Palestiniens (Nakba). A ce titre, les Druzes Palestiniens ont la citoyenneté israélienne et sont soumis à la conscription militaire obligatoire. Nombre d’entre eux ont aujourd’hui accepté cette assimilation au point de soutenir le projet sioniste et sa politique génocidaire envers les autres Palestiniens. Leur leader spirituel Muafak Tarif est un parfait exemple d’intégrationnisme, cultivant une relation amicale avec l’administration coloniale et ses représentants. Il est au demeurant assez proche de Benyamin Netanyahu.

Muafak Tarif et Benyamin Netanyahu

Localisation des communautés Druzes du Levant

L’autre communauté Druze colonisée par Israël est celle du Golan, occupée durant la Guerre des Six jours en 1967, puis annexée officiellement en 1981. Sur les 130 000 Syriens que comptait le Golan avant l’invasion, seuls 25 000 Druzes vivent aujourd’hui sur le plateau, répartis dans cinq communes : Majdal Shams, Buq’ata, Mas’ade, Ein Kenya et al-Gager. Pour autant, les Druzes du Golan n’ont jamais accepté l’assimilation et près de 80% d’entre eux refusent toujours de prendre la citoyenneté israélienne.

Les dirigeants israéliens persistent à vouloir gagner la sympathie des Druzes du Golan et ne manquent pas une occasion d’affirmer que ceux-ci soutiennent le sionisme, mais la réalité contredit la propagande. Lorsque le 27 juillet 2024 le Hezbollah a lancé une roquette sur un terrain de football de Majdal Shams, tuant 12 enfants de la communauté, les visites opportunistes de Benyamin Netanyahu et Bezamel Smotrich sur place et lors des funérailles ont été refusées par les habitants, qui les ont hué et qualifié de meurtriers.

Enfin, lorsqu’en décembre 2024 l’armée israélienne a franchi la frontière de 1967 et envahi les villages Druzes du Mont Hermon (Jabal al-Sheikh), la propagande sioniste comme antisioniste (et campiste) a partagé les mêmes fausses informations affirmant que les résidents de Hadar étaient favorables à leur annexion par Israël. Cette rumeur a été initiée par Nidal Hamade, un propagandiste Libanais pro-Hezbollah exilé en France, qui a diffusé sur son compte X une vidéo décontextualisée montrant un homme Druze déclarant vouloir que Hadar soit annexé.

Pourtant, le même jour, les représentants de la communauté Druze de Hadar ont publié une vidéo contenant un communiqué affirmant leur refus d’être occupé par Israël et démentant les fausses accusations contre les Druzes.

Hélas, les rumeurs se propagent souvent plus largement que leur démenti…

Communiqué des résidents de Hadar, 13 décembre 2024, Al-Araby TV

Pour un camp comme pour l’autre, véhiculer ce mensonge est utile : là où Israël a intérêt à légitimer l’occupation des terres Arabes de Syrie en prétendant que ses habitants l’appellent de leurs voeux, le camp pro-iranien tire un avantage certain à maintenir vivant le mythe selon lequel les minorités syriennes avaient besoin d’Assad et du Hezbollah pour les protéger des islamistes, sans quoi elles seraient amenées à se tourner vers Israël. Cette binarité dans l’analyse se nourrit des mêmes logiques de pensée campistes et féodales: « Si tu ne places pas sous ma protection, alors tu mérites d’être opprimé par mon ennemi ». Et pour l’un comme pour l’autre camp, l’épouvantail islamiste permet de justifier l’inféodation des populations civiles, l’insécurité et la peur de la barbarie (la terreur) étant les principales ressources des puissances coloniales pour légitimer leurs violations des conventions et lois de la guerre.

Assad de son côté n’a jamais cessé de se présenter comme le protecteur des minorités en utilisant les islamistes comme des pions pour, d’une part désorganiser la révolte populaire contre son régime, d’autre part insuffler la terreur parmi les minorités quand et où il avait besoin pour appuyer sa prophétie : « C’est soi moi, soit le chaos ». Dans les semaines qui ont précédé l’attaque sanglante de l’Etat islamique sur Suwayda en juillet 2018 (258 morts et 36 otages), Assad a ostenciblement retiré toutes ses troupes de la région. Puis, après l’attaque, quand la population lui a reproché de ne pas être intervenu immédiatement pour barrer la route à l’EI, il a rétorqué que c’était de la faute des Druzes qui refusaient d’envoyer leurs jeunes dans l’armée. Mais le pire, c’est sans doute que les combattants de l’EI avaient été transportés en bus depuis Yarmouk (camp Palestinien dans la banlieue de Damas) vers le désert de Suwayda un mois avant l’attaque dans le cadre d’accords de reddition. Et, comme si cela ne suffisait pas, en novembre de la même année, un nouvel accord a été signé avec la poche de résistance de l’EI dans le bassin de Yarmouk (à la frontière de la Jordanie et du Golan occupé par Israël) pour une nouvelle évacuation humanitaire vers le désert en échange de la libération des otages Druzes emmenés par l’EI après leur attaque sur Suwayda. Notons que ces deux accords entre le régime et l’EI ont été organisés sous le patronage des Russes, qui s’étaient parallèlement engagés auprès d’Israël à éloigner de sa frontière toute menace des islamistes, y compris du Hezbollah.

Nous évoquons avec plus de détails l’épisode de l’attaque de l’Etat Islamique contre Suwayda dans notre premier article publié en octobre 2023 : « Au Sud de la Syrie, le soulèvement de la dignité a commencé« 

Et pour conclure : Les islamistes ayant été souvent les idiots utiles des impérialismes de tous bords, il ne faut pas s’étonner si les Druzes de Suwayda ne s’empressent pas de livrer leurs armes au nouveau pouvoir à Damas, Ahmad al-Sharaa ayant été par le passé le représentant des trois mouvances islamistes DAESH (2011-2012), Jabhat Al-Nosra (2012-2017) puis Hayat Tahrir Al-Sham (2017-2025), qui s’en sont violemment prises aux Druzes au cours de la dernière décennie. Et cela ne fait certainement pas d’eux des alliés d’Israël, quoi qu’en pensent les partisans de l’Iran comme ceux d’Israël.

Ce n’est pas compliqué : une note pour aider à comprendre la Syrie

À l’ère des réseaux sociaux et de l’information pour tous et par tous, il est plus que jamais nécessaire de se constituer une liste de ressources fiables sur les sujets que l’on souhaite analyser et comprendre. En particulier lorsqu’il s’agit de géopolitique internationale.

Cette note a été préparée par « Interstices-Fajawat« . En tant qu’initiative liée à la société syrienne, nous avons élaboré cette note pour partager nos sources d’information sur la Syrie. Nous ne prétendons pas que ces sources sont toutes impartiales ou neutres, car nous pensons que la neutralité est souvent synonyme d’aveuglement ou de complicité. Nous avons nous-mêmes nos propres biais révolutionnaires et en faveur d’un internationalisme par le bas.

Dans la mesure du possible, nous avons indiqué les biais et les partialités que nous avons identifiés. Nous avons choisi de conserver dans la liste des ressources dont nous ne partageons pas l’analyse, car elles sont néanmoins bien informées et transmettent des informations de première main, qu’il convient simplement de prendre avec beaucoup de précautions.

 

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Thomas Van Linge – @ThomasVLinge
Charles Lister – @Charles_Lister
Wladimir van Wilgenburg – @vvanwilgenburg
CJ Werleman – @cjwerleman
C4H10FO2P – @markito0171

ONGs DE MEDIA & SYRIENS :

ACT for the Disappeared – @actforthedisappearedlb
Action For Sama – @actionforsama
Al Swaida Al Thawra – @alswaidaalthawrah
Aljumhuriya – @aljumhuriya_net
Association Of Detainees & The Missing in Sednaya Prison – @sednayamissing
Based Syria – @based_syria
Caesar Families Association – @caesarfamilies
Daraj Media English – @darajmediaenglish
Dawlaty – @dawlatysy
Don’t Suffocate the Truth – @donotsuffocatetruth
Eye On Syria – @eyeonsyriaeng
Families For Freedom – @families4freedomsyria
Free Syria’s Disapeared – @freesyriasdisappeared
From the Periphery Media – @fromtheperipherymedia
Half of Syria – @halfofsyria
Horan Free League – @horanfreemedia1
Jadaliya – @jadaliyya
Jusoor for Studies – @jusooren
La Cantine Syrienne de Montreuil – @lacantinesyriennedemontreuil
Live Updates Syria – @liveupdatesfromsyria
Madaniya Network – @madaniyanetwork
Megaphone News – @megaphonenews
Middle East Eye – @middleeasteye
Middle East Institute – @middleeastinst
Middle East Matters – @middleeastmatters
Raseef 22 – @raseef22en
Release Me – @release_me0
Revoleft Syria – @revoleftsyria
Rojava Information Center – @rojavaic
Scholars for Syria – @scholars4syria
SOAS Syria Society – @soassyriasoc
Street Archives Syria – @streetarchivessyria

Syria Civil Defense – @syriacivildefence
Syria Mobilization Hub – @thesyriahub
Syria Pixel – @syria_pixel
Syria TV – @syr_television
Syrian Center for Media and Freedom of Expression – @scmsyriancenter
Syrian Emergency Task Force – @syrianetf / @ualr_setf
Syrian Eyes – @syrianeyesteam
Syrian Feminist Lobby – @syrianfeministlobby
Syrian Hub Official – @syrianhubofficial
Syrian Network for Human Rights – @snhr
Syrian Print Archive – @syrianprintarchive_
Syrian Revolution Archive – @syrian_revolution_archive
Syrian Revolution Story – @syrian.revolution.story
Syrian Road to Justice – @road2justicesy
Syrian Solidarity Campaign – @syria_solidarity_campaign
Syrian Spot – @syrianspot
Syrian Women For Democracy – @cswdsyr
Syrians for Palestine – @syrians4palestine
Syrians For Truth & Justice – @syrians_for_truth_and_justice
Ta’afi Syria – @taafi.syria
Tastakel Organization – @tastakel
The Fire These Times – @firethesetimes
The New Arab – @thenewarab
The Syria Campaign – @thesyriacampaign
The White Helmets – @the_whitehelmets
Verify Syria – @verify.sy
Vive Levantine – @vivelevantine
Wanabqa – @wanabqa
Yarmouk Camp – @yarmouk.camp

LIVRES

  • AL-HAJ SALEH Yassin, « La Question Syrienne », Sindbad/ACTES SUD, 2016
  • AL-HAJ SALEH Yassin, « Lettres à Samira », Les Lisières, 2021
  • AL-HAJ SALEH Yassin, « Sur la Liberté : la maison, la prison, l’exil…et le monde, L’Arachnéen, 2025
  • DAHER Joseph, « Syrie, le Martyre d’une Révolution », Syllepse, 2022
  • DALLE Ignace & GLASMAN Wladimir, « Le cauchemar Syrien », Fayard, 2016
  • KHALIL Samira, « Journal d’une assiégée », IXE Editions, 2022
  • KONTAR Firas, « Syrie, la Révolution impossible », Editions Aldeia, 2023
  • MAJED Ziad, « Syrie, la Révolution orpheline », Sindbad/ACTES SUD, 2014
  • SEURAT Michel, « L’Etat de Barbarie », Le Seuil, 1989

👷🏽‍♀️🔧 🚧 Liste en cours de réalisation, merci de nous aider en nous partageant des titres d’ouvrages écrits par des auteurs Syriens, directement concernés et progressistes – 

DOCUMENTAIRES (avec notre note ⭐️⭐️⭐️)

Nous trouvons regrettables que la plupart de ces témoignages soient inaccessibles au grand public et réservés à des festivals discrétionnaires où seuls les élites intellectuelles et personnes concernées peuvent les voir, pendant que les Humains dont il est question souffrent et meurent le plus souvent dans l’ombre. Nous respectons les droits d’auteurs, mais aimerions néanmoins acquérir tous ces films, donc si vous savez comment les télécharger ou les acheter, n’hésitez pas à nous contacter :

collective@interstices-fajawat.org

1974 – EVERYDAY LIFE IN A SYRIAN VILLAGE de Omar Amiralay ⭐️⭐️⭐️

Premier documentaire à présenter une critique sans complaisance de l’impact des réformes agricoles et foncières du gouvernement syrien, Everyday Life in a Syrian Village (La vie quotidienne dans un village syrien) porte un coup sévère à la prétention de l’État de redresser les inégalités sociales et économiques.

2003 – A FLOOD IN BAATH COUNTRY de Omar Amiralay ⭐️⭐️⭐️

Le film examine l’impact dévastateur de l’inondation sur un village syrien. Avec sa critique puissante et audacieuse du régime politique syrien et des politiques tribales qui le soutiennent, le film préfigure la vague de démocratie qui déferle actuellement sur le monde arabe, les citoyens se levant enfin pour exiger un changement fondamental dans la direction de leur pays.

2013 – RETURN TO HOMS de Talal Derki ⭐️⭐️⭐️

Un regard derrière les barricades de la ville assiégée de Homs, où pour Basset, 19 ans, et son groupe de camarades, l’espoir audacieux de la révolution s’effondre comme les bâtiments autour d’eux.

2014 – SYRIA : CHILDREN ON THE FRONTLINES de Marcel Mettelsiefen & Anthony Wonke ⭐️⭐️

L’histoire de cinq jeunes enfants dont la vie a été bouleversée à jamais par la guerre civile en Syrie.

2014 – THE LAST ASSIGNMENT de Rashed Radwan ⭐️⭐️⭐️⭐️

Le 20 novembre 2013, le caméraman indépendant irakien Yasser Faisal al-Jumaili a franchi la frontière turque pour entrer en Syrie avec son fixeur syrien de confiance, Jomah Alqasem. La guerre en Syrie fait rage depuis deux ans et demi et les différents groupes rebelles se séparent les uns des autres, principalement en raison de divergences idéologiques. La mission consistait à accéder à ces groupes et à dresser un portrait de ces hommes, loin de toute rhétorique, en service et hors service sur la ligne de front. Pendant 13 jours en Syrie, les deux reporters ont filmé les hommes derrière les lignes de front : des combattants de l’Armée syrienne libre, de la Brigade Al-Tawhid, du Front Al-Nusra, d’Ahrar Al-Sham et même de DAESH.

2014 – HAUNTED de Liwaa Yazji 

Lorsque la bombe arrive, la première chose que nous faisons est de fuir, mais plus tard, nous nous souvenons et pensons à tout ce que nous avons laissé derrière nous. Nous n’avons pas dit adieu à nos maisons, à nos souvenirs, à nos photos, à nos identités et à notre vie passée. Il s’agit de la façon dont les maisons hantent la vie des âmes qui y vivaient, autant qu’elles hantent elles-mêmes les maisons.

2014 – OUR TERRIBLE COUNTRY de Mohammad Ali Atassi & Ziad Homsi ⭐️⭐️⭐️⭐️

Comment faire un film sur la violence sans la montrer ou la reproduire directement ? Le film Notre terrible pays tente de répondre à cette approche en nous entraînant dans le périlleux voyage de Yassin Haj Saleh, un intellectuel et dissident syrien bien connu, et du jeune photographe Ziad Homsi, qui parcourent ensemble un itinéraire ardu et dangereux de la zone libérée de Douma, à Damas, jusqu’à Raqqa, dans le nord de la Syrie, pour se retrouver finalement contraints de quitter leur pays d’origine pour un exil temporaire.

2014 – SILVERED WATER, SYRIA SELF PORTRAIT de Wiam Bedirxan & Ossama Mohammed ⭐️⭐️⭐️⭐️

Un regard sur les témoignages vidéo de première main de la violence dans la Syrie d’aujourd’hui, filmés par des activistes dans la ville assiégée de Homs.

2014 – THE CAVE de Feras Fayyad

Dans les profondeurs de la province syrienne de Ghouta, un groupe de femmes médecins a créé un hôpital de campagne souterrain. Sous la supervision du Dr Amani, pédiatre, et de son équipe de médecins et d’infirmières, l’espoir renaît pour certains des milliers d’enfants et de victimes civiles de l’impitoyable guerre civile syrienne.

2014 – LETTERS FROM YARMOUK de Rashid Masharawi ⭐️⭐️⭐️

Des messages saisis dans le camp de réfugiés de Yarmouk dans des moments d’une extrême complexité ; des messages qui traitent de la vie face à la mort ; des moments d’amour en temps de guerre et des questions de patrie et d’exil.

2015 – SALAM NEIGHBOUR de Zach Ingrasci & Chris Temple

Deux cinéastes s’immergent dans un camp de réfugiés syriens et jettent un regard intime sur la crise humanitaire la plus grave au monde.

2015 – 7 DAYS IN SYRIA de Janine Di Giovanni & Robert Rippberger ⭐️⭐️⭐️

Dans le pays le plus dangereux au monde pour les journalistes, Janine di Giovanni, rédactrice en chef de Newsweek Middle East, risque tout pour témoigner et faire en sorte que le monde connaisse les souffrances du peuple syrien.

2015 – A SYRIAN LOVE STORY de Sean McAllister ⭐️⭐️

Filmé sur cinq ans, A Syrian Love Story retrace une incroyable odyssée vers la liberté politique. Pour Raghda et Amer, c’est un voyage d’espoir, de rêves et de désespoir : pour la révolution, pour leur patrie et l’un pour l’autre.

2016 – THE WAR SHOW de Andreas Dalsgaard & Obaidah Zytoon ⭐️⭐️⭐️⭐️

Une DJ de radio syrienne partage son expérience au lendemain du Printemps arabe de 2011.

2016 – HOUSES WITHOUT DOORS de Avo Kaprealian

Le cinéaste Avo Kaprealian, originaire d’Alep et arménien, montre la vie d’une famille arménienne qui a fui à Beyrouth pendant les affrontements dans le quartier du Nouveau Village à Alep, en Syrie, en 2015. Kaprealian a documenté les destructions dans le quartier et les civils qui ont dû faire face à des difficultés. Il a réussi à tourner des images depuis le balcon de sa maison […]

2016 – BORN IN SYRIA de Hernán Zin

Depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011, on estime que 9 millions de Syriens ont fui leur foyer, dont la moitié sont des enfants. Ces enfants ont fui une horreur inimaginable : les bombardements aveugles du gouvernement de Bachar Al Assad et les viols et décapitations d’ISIS, pour se retrouver piégés dans des camps de fortune ou des frontières fermées. Nous assistons au périple de ces réfugiés vers la terre promise qu’est l’Europe.

2016 – THE WHITE HELMETS de Orlando von Einsiedel ⭐️⭐️

Alors que des frappes aériennes quotidiennes pilonnent des cibles civiles en Syrie, un groupe de secouristes indomptables risque sa vie pour sauver les victimes des décombres.

2016 – TADMOR / PALMYRA de Monika Borgmann & Lokman Slim ⭐️⭐️

Au milieu du soulèvement populaire en Syrie qui a commencé en 2011, un groupe d’anciens détenus libanais du régime Assad décide de rompre le silence qu’ils ont longtemps gardé sur les années horribles qu’ils ont passées à Tadmor, Palmyre, l’une des prisons les plus redoutées du gouvernement syrien.

2017 – LAST MEN IN ALEPPO de Feras Fayyad ⭐️⭐️⭐️

Les volontaires Khaled, Mahmoud et Subhi se précipitent vers les sites des bombardements tandis que d’autres s’enfuient. Ils fouillent les bâtiments effondrés à la recherche de vivants et de morts. Luttant contre la fatigue, la diminution des effectifs et les inquiétudes pour la sécurité de leurs familles, ils doivent décider de rester ou de fuir une ville en ruines.

2017 – CRIES FROM SYRIA de Evgeny Afineevsky ⭐️⭐️⭐️

Une tentative de recontextualiser la crise des migrants européens et les hostilités en cours en Syrie, à travers des témoignages de témoins oculaires et de participants. Des enfants et des parents racontent la révolution, la guerre civile, les frappes aériennes, les atrocités et les crises humanitaires en cours, dans un portrait de l’histoire récente et des conséquences de la violence.

2017 – CITY OF GHOSTS de Matthew Heineman ⭐️⭐️⭐️

Les militants anonymes qui ont révélé les atrocités commises par DAESH à Raqqa. Il suit leurs opérations d’infiltration, leur exil et les risques qu’ils ont pris pour révéler les réalités impitoyables sous le règne de DAESH. L’histoire de « Raqqa is Being Slaughtered Silently » (Raqqa est massacrée en silence) :

https://www.raqqa-sl.com/en/

2017 – OF FATHERS AND SONS de Talal Derki ⭐️⭐️⭐️

Talal Derki retourne dans son pays natal où il gagne la confiance d’une famille d’islamistes radicaux dont il partage le quotidien pendant plus de deux ans. Sa caméra se concentre sur Osama et son jeune frère Ayman, offrant un aperçu extrêmement rare de ce que signifie grandir dans un califat islamique.

2017 – HELL ON EARTH: THE FALL OF SYRIA AND THE RISE OF ISIS de Sebastian Junger & Nick Quested

Un regard sur l’état actuel de la Syrie au milieu de la guerre et du chaos en 2017, avec des histoires de survie et des observations d’experts politiques du monde entier.

2018 – THIS IS HOME de Alexandra Shiva

La vie de quatre familles syriennes, réinstallées à Baltimore et tenues de devenir autonomes en huit mois.

2019 – FOR SAMA de Waad al-Kateab & Edward Watts ⭐️⭐️⭐️⭐️

En pleine période de conflit et d’obscurité dans sa ville d’Alep, en Syrie, une jeune femme a continué à faire tourner sa caméra, tout en tombant amoureuse, en se mariant, en mettant au monde un enfant et en faisant ses adieux alors que sa ville s’effondrait. L’histoire avant « Action For Sama » :

https://www.actionforsama.com/

2020 – AYOUNI de Yasmin Fedda

Noura et Machi cherchent des réponses sur leurs proches, Bassel Safadi et Paolo Dall’Oglio, qui font partie des plus de 100 000 personnes disparues de force en Syrie.

2021 – OUR MEMORY BELONGS TO US de Rami Farah ⭐️⭐️

Trois activistes syriens sont réunis sur une scène de théâtre à Paris. 10 ans après la révolution, ils reviennent sur les traumatismes et les souvenirs d’une guerre féroce.

2021 – LITTLE PALESTINE: MEMORY OF A SIEGE de Abdallah Al-Khatib ⭐️⭐️⭐️⭐️

Après la révolution syrienne, le régime d’Al-Assad assiège le quartier de Yarmouk, le plus grand camp de réfugiés palestiniens au monde. Yarmouk est coupé du monde. Le réalisateur enregistre les privations quotidiennes tout en célébrant le courage de la population.

2022 – THE LOST SOULS OF SYRIA de Garance Le Caisne & Stéphane Malterre ⭐️⭐️

En 2013, un fonctionnaire syrien s’enfuit avec 27 000 photos de cadavres torturés à mort dans les prisons du pays depuis 2011. Un an plus tard, les photos du rapport César révèlent au monde l’horreur des crimes du régime de Bachar Al-Assad.

2023 – UNDER THE SKY OF DAMASCUS de Talal Derki

À Damas, un collectif de jeunes comédiennes se réunit pour faire des recherches sur le sujet. Elles envisagent d’utiliser les émouvantes déclarations anonymes d’innombrables femmes pour créer une pièce de théâtre qui brisera les tabous.

2024 – MY MEMORY IS FULL OF GHOSTS de Anas Zawahri

Telle une élégie visuelle, My Memory Is Full of Ghosts explore une réalité prise entre le passé, le présent et l’avenir à Homs, en Syrie. Derrière l’autoportrait d’une population exsangue en quête de normalité, émergent les souvenirs d’une ville hantée par la destruction, la défiguration et la perte. Un film bouleversant, un écho douloureux de l’absurdité de la guerre et de la force de l’être humain.

Appel à toutes les forces progressives Syriennes !

En dehors des complices du régime de Assad et des populations civiles toujours prises pour cible dans le Nord et à l’Est de la Syrie, l’unanimité des Syriens sont heureux de la libération de la Syrie grâce à l’offensive des rebelles Syriens et du soutien de nombreuses communautés Syriennes qui n’attendaient qu’un signal pour participer à la libération.

Après 58 années d’une des dictatures les plus féroces, et non 13 ou 24 années comme le suggèrent les médias occidentaux, les Syriens avaient besoin d’au moins 48 heures pour respirer et partager leur infini bonheur, leurs cris, leur joie, mais également leurs pleurs de soulagement et de peine trop longtemps contenus.

Beaucoup à l’étranger n’ont pas respecté ce besoin, continuant à infantiliser les Syriens et à mépriser leurs aspirations démocratiques et laïques, en ne cessant depuis le début de l’offensive des rebelles (que nous refusons de réduire à Hayat Tahrir al-Sham, parce que des centaines d’autres factions se sont jointes à l’opération) de brandir devant nos visages la menace islamiste.

Nous n’avions pas besoin qu’on nous le dise. Nous avons été parmi les premiers à subir cette menace, qui était présente en nous durant des années, mais nous savons aussi que les groupes criminels jihadistes ne sont pas nés tous seuls. Ils sont nés du chaos produit par des décennies de colonisation, d’invasions armées et de bombardements aveugles.

Après avoir fait la fête, les forces progressistes Syriennes doivent désormais agir vite et ne pas se détendre trop tôt. Les menaces d’un retour de bâton réactionnaire et fondamentaliste sont réelles.

C’est pourquoi nous voulons partager quelques revendications essentielles avec vous, à diffuser largement au sein de TOUTES les communautés syriennes et à transmettre à ceux qui vont assurer la transition politique en Syrie.

Nous devons:

ARRET DES VIOLENCES

  • Mettre fin immédiatement à toute intervention militaire dans les zones d’Idleb, Alep, Raqqa, Deir Ez-Zor et Hasakeh et mettre en place des accords de cessez-le-feu entre les forces rebelles et les forces armées des YPG/SDF ;
  • Condamner et mettre fin définitivement aux bombardements d’Etats étrangers sur le sol Syrien;
  • Exiger la libération des territoires et des communautés civiles Syriennes otages des Etats voisins et de groupes armés servant leurs intérêts, et notamment d’Israel et de la Turquie dans les régions du Golan, de Quneitra, de l’Ouest de Damas, d’Idleb, d’Alep, de Raqqa et d’Hasakeh ;
  • Désarmer les combattants armés non-Syriens et leur demander de quitter le pays, de rentrer chez eux ou de faire une demande d’asile en Syrie, qui sera étudiée au regard d’enquêtes sérieuses réalisées sur les crimes commis par les groupes armés auxquels ils ont appartenu ;
  • Garantir l’accès au territoire Syrien aux ONG humanitaires et aux journalistes;

PROCESSUS DE JUSTICE REPARATRICE :

  • Archiver (et numériser) et analyser les archives des services de sécurité du régime Assad, puis les rendre consultables par les personnes concernées, afin de permettre le deuil et la réparation des crimes, ainsi que les poursuites à l’égard des auteurs de ces crimes ;
  • Protéger et permettre un plein accès aux listes de détenus et victimes du régime Assad aux familles de victimes à la recherche de personnes disparues ;
  • Lister les personnes complices de dénonciations calomnieuses et protéger leur identité afin d’empêcher la vengeance personnelle et garantir la mise en place de procédures judiciaires équitables, qui peuvent impliquer des modes de justice transformatrice et réparatrice, plutôt que punitive ;
  • Procéder à l’arrestation et au placement en détention dans des conditions humanitaires de tous les personnels de l’armée, de services de sécurité ou de milices armées soupçonnés d’avoir été impliqués directement dans la commission de crimes à l’égard de civils et de crimes de guerre ;
  • Empêcher toute humiliation ou exécution publique et engager des processus de justice qui respectent les conventions internationales contre la peine de mort ;
  • Permettre l’établissement de systèmes de règlement des conflits et de justice alternatifs, laissant le choix aux personnes justiciables de choisir sous quel système de justice ils souhaitent être jugés, tout en interdisant le recours à des peines impliquant des sévices corporels ou la peine de mort ;
  • Souscrire aux traités et conventions permettant la collaboration avec la Cour Internationale de Justice et le respect de ses décisions ;

TRANSITION POLITIQUE :

  • Empêcher la mise en place d’un régime politique fondé sur les appartenances religieuses ou ethniques, pour empêcher une division sectaire de la Syrie ;
  • Empêcher l’utilisation des symboles de groupes armés, ainsi que les drapeaux associés à Al-Qaeda et à l’Etat Islamique, ainsi que des autres groupes islamistes, dans les institutions publiques du nouveau régime politique ;
  • Organiser une transition politique vers un régime fédéral permettant la représentation égalitaire et non ségrégative des différentes communautés ethno-religieuses de la société Syrienne qui représentent au moins 1% de la société Syrienne : Arabes Sunnites, Arabes Chiites, Arabes Chrétiens, Druzes, Alaouites, Kurdes et Assyriens. Les communautés ethniques représentant moins de 1% de la population Syrienne doivent quant à elles bénéficier d’une représentation proportionnelle afin de faire respecter leurs identités spécifiques et les droits qui s’y rapportent : Turkmènes, Tcherkesses, Bédouins, Arméniens, Juifs Mizrahim, Yézides, Palestiniens, Romani, Araméens/Syriaques ;
  • Geler toute coopération avec un Etat voisin qui ne garantit pas la liberté totale aux populations appartenant à au moins l’une des communautés Syriennes citées précédemment ;
  • Rétablir pleinement et sans restriction les libertés politiques et religieuses, ainsi que la liberté d’association, la liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté de la presse ;
  • Garantir la liberté et la protection des droits des femmes et des minorités sexuelles ;

Sans l’application de toutes ces revendications, l’auto-détermination des Syriens n’est pas garantie et la résurgence de pouvoirs autoritaires est à craindre. Nous devons massivement nous mobiliser pour empêcher l’histoire de se répéter et les ambitions autocratiques ou réactionnaires de compromettre la révolution démocratique et laïque syrienne.

Aussi, nous devons annoncer haut et fort notre solidarité avec les peuples Palestiniens, Libanais et Kurdes face à l’oppression et aux violences injustifiées qu’ils subissent. Il ne s’agit pas de soutenir les groupes armés qui portent leur parole, mais d’envoyer un message clairs à nos peuples frères et aux civils qui ne méritent pas de subir les répercussions des guerres coloniales.

Nous ne voulons que la paix et la démocratie en Syrie et dans toute la région qui l’entoure.

Initiative Interstices-Fajawat

La situation en Syrie n’a jamais été noire ou blanche : Comment les intérêts étrangers convergent

Si vous pensez que les rebelles syriens ne sont qu’un outil d’Israël et des États-Unis,

Si vous pensez que la Russie et Israël sont des ennemis,

Si vous pensez qu’Assad et l’Iran étaient le courageux « axe de la résistance à Israël » et que vous ne pouvez pas soutenir le peuple palestinien ET le peuple syrien,

Si vous pensez que c’est une question de noir et blanc et de bloc contre bloc,

Si vous pensez que les Syriens ne s’unissaient pas tous ensemble pour renverser l’un des régimes les plus horribles et les plus génocidaires du monde,

LISEZ NOTRE ANALYSE SUIVANTE :

  1. TURQUIE

Erdogan voulait occuper et expulser les Kurdes de tout le territoire syrien au-dessus de la route M4, et continuer à fournir à Israël 30% de son pétrole via l’oléoduc BTC.

Nous pensons que la Turquie avait besoin d’une force armée, l’Armée nationale syrienne (ANS) composée d’islamistes dociles et de mercenaires étrangers pour mener à bien ses plans de colonisation et de nettoyage ethnique au nord de la route M4, tandis qu’une autre force armée composée de rebelles syriens motivés par la libération de leur pays, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), faisait diversion au sud.

Nous pensons également que la Turquie n’était pas particulièrement intéressée par ce que les rebelles syriens allaient faire au sud d’Alep, et qu’elle a été potentiellement surprise par la faiblesse et la déroute de l’armée syrienne, la rapidité avec laquelle les rebelles ont reconquis l’ouest et le sud de la Syrie, mais aussi le soutien massif à l’offensive de la part des rebelles de Suwayda et de Deraa.

Après le troisième jour de l’offensive, Erdogan a appelé Assad et les rebelles à trouver un accord.

  1. ISRAËL

Netanyahou avait besoin que la Turquie continue à lui fournir 30% de son pétrole pour poursuivre le génocide des Palestiniens.

Israël voulait également chasser le Hezbollah et les milices pro-iraniennes de toute la Syrie et protéger ses frontières nord, c’est-à-dire les terres volées du Golan syrien, en établissant une zone tampon sur le sol syrien.

Nous pensons qu’Israël n’a aucun intérêt à mener une guerre en Syrie et qu’il n’obtiendra aucun soutien pour cela. En outre, Israël est confronté à une énorme crise économique, sociale et politique qui ne serait pas facilitée par l’ouverture d’un nouveau front de guerre.

Le fait qu’Israël ait ciblé toutes les zones militaires syriennes et les dépôts d’armes immédiatement après la chute d’Assad démontre qu’Israël ne se sentait pas menacé par le régime d’Assad : Israël n’avait jamais bombardé l’armée syrienne auparavant, mais seulement les responsables du Hezbollah en Syrie.

Les officiers de renseignement israéliens ont déclaré la semaine dernière qu’ils avaient besoin d’Assad pour maintenir le statu quo garantissant la sécurité d’Israël.

  1. RUSSIE

En 2016, Poutine et Assad ont conclu des accords avec Israël pour garantir la sécurité de la frontière nord d’Israël et en éloigner le Hezbollah. En 2018, les Russes ont pris le contrôle de la région de Deraa en intégrant d’anciens rebelles dans leur 5e « corps d’armée » (8e bataillon Awda).

La Russie et les États-Unis avaient conclu des accords en 2015 dans le cadre de la « ligne de déconfliction » leur permettant à tous deux d’utiliser le ciel syrien pour mener leurs attaques contre ISIS sans que leurs avions n’entrent en collision.

La Russie a été considérablement affaiblie par la guerre en Ukraine depuis 2022 et avait considérablement réduit sa présence en Syrie. Le bombardement incessant de la zone rebelle d’Idleb et les énergies déployées pour maintenir en place le régime incapable d’Assad depuis 2015 n’en valaient plus la peine.

La Russie s’est engagée activement avec la Turquie et l’ONU dans les accords d’Astana pour sortir de Syrie sans être humiliée.

  1. LES ÉTATS-UNIS

Après la révolution de 2011 et la prise de contrôle d’ISIS en 2013, les États-Unis voulaient prendre et conserver le contrôle des régions situées à l’est de l’Euphrate (Deir ez-Zor et Al-Hasakeh) où se trouvent 75% des réserves de pétrole de la Syrie, sans engager de troupes américaines sur le sol syrien et sans soutenir les socialistes kurdes YPG/PYD affiliés au PKK.

Ainsi, les États-Unis ont soutenu et entraîné les Forces démocratiques syriennes (FDS) pour repousser ISIS et maintenir l’est de la Syrie hors du contrôle d’Assad ou de l’Iran.

Les États-Unis ont également conservé une base militaire sur le sol syrien (al-Tanf) qui n’a jamais été menacée par Assad, et qui n’a jamais été une menace pour Assad. Les Américains n’ont JAMAIS attaqué l’armée syrienne.

La Russie et les États-Unis avaient conclu des accords dès 2015 dans le cadre de la « ligne de déconfliction » leur permettant à tous deux d’utiliser le ciel syrien pour mener leurs attaques contre l’État islamique sans que leurs avions n’entrent en collision. Le centre de commandement américain est situé à Al-Ubaid au Qatar.

Par ailleurs, après que les États-Unis ont donné carte blanche à la Turquie pour bombarder les Kurdes en 2019, les FDS ont commencé à se tourner vers la Russie…

  1. L’IRAN

L’Iran est l’allié de la Syrie depuis la guerre du Liban (1982) et avait besoin du territoire syrien pour approvisionner en armes et en argent sa milice du Hezbollah. L’Iran contrôlait l’ensemble du réseau routier reliant l’Irak au Liban, et en particulier les points de passage de Boukamal et d’Al-Qusair, ainsi que la zone clé de Palmyre et la rive droite de l’Euphrate.

En échange du soutien de l’Iran et de ses milices libanaises, irakiennes, pakistanaises et afghanes, Assad a permis à l’Iran de construire des liens commerciaux à l’intérieur de la Syrie, transformant celle-ci en une gigantesque usine de captagon et le régime syrien en un narco-État, dirigé par son frère Maher.

Après qu’Israël a détruit l’infrastructure du Hezbollah et épuisé ses forces en Syrie, l’Iran n’avait plus aucun intérêt à soutenir le régime d’Assad et à risquer la destruction de ses milices irakiennes dans une confrontation avec les rebelles syriens. Il a donc préféré se rabattre sur le contrôle de l’Irak. Par ailleurs, l’Iran est également impliqué dans le processus d’Astana avec la Turquie et la Russie.

  1. LES GROUPES ARMÉS D’OPPOSITION NON ÉTATIQUES SYRIENS

Les HTS ont clairement entamé des négociations avec les YPG/SDF à la périphérie d’Alep dès les premiers jours de l’offensive, et les quartiers de Sheikh Maqsood et d’Ashrafiye sont toujours sous le contrôle des YPG/SDF. De plus, leur volonté de protéger les minorités religieuses n’est pas une simple déclaration : aucun rapport ne fait état de persécutions de civils par les HTS depuis le 27 novembre, et les communautés syriennes accueillent favorablement l’offensive, même si de nombreuses personnes s’inquiètent également des semaines à venir. HTS a immédiatement ouvert les prisons et rétabli les services d’eau et d’électricité qui avaient été coupés et rationnés pendant des années par le régime, permettant aux journalistes étrangers d’entrer dans le pays pour la première fois depuis des décennies. En outre, le chef du HTS, Al Joulani, qui a rompu ses liens avec Al-Qaïda et qui est en conflit avec le SNA depuis plusieurs années, a déclaré avant la fin de l’offensive qu’il prévoyait de dissoudre le HTS et de laisser la gouvernance de la Syrie à une autorité de transition composée d’une coalition de groupes représentant la diversité de la société syrienne.

En ce qui concerne les FDS, nous pensons que leurs compromis avec les États-Unis d’une part et avec le régime Assad et la Russie d’autre part, mais aussi leur manque de respect pour les coutumes et les demandes des communautés arabes à bien des égards (à Manbij, à Deir ez-Zor et dans d’autres parties de la région de Jazira/Rojava) les ont rendus trop impopulaires pour gagner la sympathie des autres Syriens. Malgré cela, il n’est pas juste de les considérer comme des alliés du régime Assad, leurs principales préoccupations depuis 2015 ayant été de se protéger contre les risques sérieux de génocide représentés par ISIS et de défendre leur autonomie, elle-même considérée comme un moyen de se séparer et de se protéger du pouvoir central dictatorial d’Assad. Ainsi, les FDS et les communautés kurdes devraient entamer des négociations avec l’autorité syrienne de transition pour conserver leur autonomie, tout en proposant d’être intégrées dans un nouveau système de type fédéral leur permettant de bénéficier des mêmes droits et garanties que les autres Syriens.

Il existe de nombreux autres groupes rebelles qui ont participé à l’offensive de HTS mais qui ne sont pas affiliés à HTS. C’est notamment le cas des Druzes de Rijal al-Karami du district de Suwayda, qui résistent au pouvoir central depuis 2011 et ont massivement entravé le recrutement de 50 000 jeunes Druzes par l’armée du régime, refusant d’aller tuer d’autres Syriens. Depuis quelques années, Rijal al-Karami mène une lutte acharnée contre les bandes criminelles affiliées à la 4e division blindée de Maher al-Assad et au Hezbollah, qui ont développé dans la région de Suwayda de nombreux trafics permettant au régime de renflouer ses caisses, notamment celle du captagon.

***

Si, après avoir lu cette analyse, vous pensez toujours que les Syriens étaient incapables de se libérer par eux-mêmes et sans intervention étrangère, et que vous soutenez Assad et le Hezbollah parce que vous les croyez solidaires des Palestiniens, lisez notre article adressé à la gauche campagnarde occidentale en suivant ce lien : https://interstices-fajawat.org/fr/camarades-gauchistes-occidentaux-vous-avez-perdu-vos-camarades-arabes/ 

Camarades gauchistes occidentaux, vous avez perdu vos camarades du Levant

Nous le savions, la question syrienne était le meilleur test.

Mais déjà sur les questions palestiniennes et ukrainiennes, nous avions eu l’occasion de déceler l’orientalisme qui imprègnent les sphères de gauche occidentales.

Le génocide de nos frères et sœurs Palestinien-nes nous avait donné une illusion d’unité, et nous avait laissé croire un instant que l’Occident de gauche avait enfin cerné les enjeux de la question coloniale. Excepté pour la gauche radicale allemande, engluée dans sa culpabilité chrétienne et incapable de concevoir la présence juive ashkénaze en Palestine comme l’incarnation du projet colonial et suprémaciste blanc. Oui, camarades gauchistes Allemands, le sionisme s’est inspiré dès ses premières heures des théories suprémacistes allemandes, et notamment de la théorie du Lebensraum. Herzl disait dans ses mémoires vouloir civiliser les Juifs orientaux, qu’il voyait comme des Arabes. Et les kibboutzim n’échappent pas à cet héritage, se croient-ils « socialistes ».

Mais passons. Nous pensions être unis, mais déjà les discussions à bâtons rompus sur la « résistance palestinienne » qu’incarnait le Hamas nous ramenaient à celles sur la « résistance libanaise » qu’incarnait le Hezbollah. Les forces progressistes devaient accepter de voir des forces autoritaires et ultra-conservatrices transformées en alliées, parce que le colon l’imposait à l’aide d’un apartheid, assorti d’un génocide. Comme toujours, comme en Ukraine, la guerre impérialiste nous forçait à faire des compromis insupportables avec des forces obscurantistes et corrompues qui n’attendent que d’être au pouvoir pour transformer nos sociétés déjà colonisées en cauchemar fondamentaliste. Nos oppresseurs devenaient, comme à chaque fois, l’axe de résistance au démon capitaliste américain. Grâce à l’aide américaine, grâce à son impérialisme et à ses guerres, nous devions renoncer à lutter pour notre émancipation : focus total sur la guerre. Et la guerre n’est jamais de gauche.

Aparté : rappelons-nous les écrits visionnaires de Franz Fanon.

Mais le Hamas n’est pas le Hezbollah. Le Hamas, que nous ne soutenons pas dans son exercice du pouvoir, mais dont nous avons à certains égard soutenu la lutte armée contre le colon, incarne une lutte de libération nationale portée par des Palestiniens, pour des Palestiniens, contre l’ennemi des Palestiniens. Le Hezbollah est le produit d’une guerre civile et interreligieuse (1976-1990), assortie d’une double invasion étrangère israélienne et syrienne et d’une intervention étrangère iranienne, qui voyait dans le Liban, et notamment dans sa communauté chi’ite, un enjeu stratégique de premier plan. Le Hezbollah a été conçu comme le mercenaire de l’Iran et de la Syrie, qui a commencé par éliminer les résistances de gauche progressistes et laïques palestiniennes au Liban, ainsi que leurs alliés libanais :

Souvenez-vous du massacre des réfugiés palestiniens de Tal al-Zaatar, avec la complicité de l’armée syrienne.

Souvenez-vous de la colère de Yasser Arafat contre Hafez al-Assad et des ruptures d’alliances entre l’OLP et la Syrie.

Souvenez-vous de l’assassinat du leader druze Kamal Djumblatt, ami et allié de Yasser Arafat, par les sbires du parti social-nationaliste syrien en 1976.

Souvenez-vous de la privation des libertés politiques des Palestiniens du Liban et de Syrie à partir de 1980 et jusqu’à nos jours, imposées par le Hezbollah et le régime de Assad.

Et si vous ne vous souvenez pas, par pitié, éduquez-vous !

Nous ne pouvons pas lister ici les mille trahisons envers la cause Palestinienne et crimes commis à l’encontre des Palestiniens et des Syriens par le Hezbollah, ainsi que leurs compromissions avec le capitalisme occidental, mais nous pouvons vous inviter à lire le livre édifiant de Joseph Daher, « Hezbollah, le fondamentalisme religieux à l’épreuve du libéralisme. »

Joseph Daher est un camarade de gauche Arabe.

Souvenez-vous enfin de l’enlèvement et de l’assassinat de Michel Seurat dès 1985 par le Jihad islamique, affilié au Hezbollah, sur commande de Hafez al-Assad.

Michel Seurat a écrit un livre de référence sur la dictature syrienne intitulé « L’Etat de Barbarie ».

Michel Seurat était un homme de gauche, mariée à une écrivaine Syrienne, Marie Seurat. Leur fille Leila est aujourd’hui experte de la question Palestinienne et a écrit « Le Hamas et le Monde », que vous devriez lire.

Mais revenons en arrière. Le sort des Syriens et des Palestiniens, qui sont peuples frères, a été scellé par les interventions iraniennes et syriennes au Liban. Au lieu de « scellé », nous devrions dire « séparé ».

Hafez al-Assad a emprisonné des militants progressistes de gauche pendant des années, suivi dans cette œuvre contre-révolutionnaire par son fils Bachar.

Quand des milliers de Syriens, parmi lesquels des milliers de progressistes de gauche, se sont soulevés contre le fascisme des Assad, l’Iran, le Hezbollah, puis la Russie, ont activement participé à la contre-révolution, en massacrant le peuple Syrien et en faisant disparaître des milliers de Syriens dans l’enfer concentrationnaire du régime, avant de faire proliférer des gangs affiliés au Hezbollah et au Parti Social-Nationaliste Syrien, de transformer la Syrie en usine de captagon et le régime en narco-Etat.

Quand Assad a libéré des milliers d’islamistes pour détruire la révolution populaire, puis les a manipulé à son aise pour déstabiliser les résistances locales à droite à gauche, vous n’avez rien vu.

Quand Assad, puis l’Occident et la Russie se sont entendus pour focaliser sur le danger islamiste, vous êtes tous tombés dans le piège de la rhétorique antiterroriste. Ne saviez-vous pas que la lutte contre le terrorisme est partout et tout le temps l’argument pour détruire les révolutions ? N’avez-vous pas vu que les milliers de recrues d’Al-Qaeda et de l’Etat islamique ont été avant tout des non-Syriens, dont beaucoup venaient d’occident ?

L’Etat islamique a organisé des tueries dans Paris, puis coupé des têtes devant les caméras depuis le désert Syrien, et vous avez détourné le regard des exactions autrement plus massives des chabiha et de l’armée de Bachar.

On dit : « Quand on montre la Lune, l’idiot regarde le doigt ». C’est ce que l’Occident a fait, et c’est ce que la gauche à fait, condamnant à mort la révolution Syrienne, condamnant à mort des centaines de milliers de Syriens.

Vous auriez soutenu notre révolution, l’Etat islamique serait mort dans l’œuf, et le génocide des Kurdes et Yézides n’aurait pas eu lieu.

VOUS avez tué la révolution Syrienne, par votre complicité dans le crime.

Avez-vous lu les écrits de Yassin al-Haj Saleh ?

Avez-vous lu ceux de sa compagne Samira Khalil ?

Saviez-vous qu’ils avaient été emprisonnés tous deux pour leur opposition au régime et leur appartenance au parti communiste syrien ?

Avez-vous entendu parler de l’anarchiste Syrien Omar Aziz, dont le modèle des comités locaux de coordination a influencé la révolution syrienne, jusqu’à ce qu’il soit arrêté et torturé à mort par les agents du régime ?

Avez-vous entendu parler de Raed Fares et de ses activités pacifistes à l’initiative des manifestations des citoyens libres de Kafranbel ?

Non, camarades gauchistes, vous n’avez pas entendu parler de nous. Vous n’avez pas voulu voir, aveuglés par votre campisme et votre ignorance des spécificités politiques du Levant. En bons occidentaux, vous avez appliqué vos filtres et vos cadres idéologiques sur nos réalités, mais aussi et surtout votre binarité d’analyse : « tous les ennemis de mes ennemis sont mes amis ».

Félicitations, gauchistes occidentaux, vous vous êtes fait les meilleurs soutiens du fascisme oriental et de ses impérialismes.

Et nous en venons à l’épilogue, par un bref crochet par la question palestinienne.

Avez-vous entendu parler du camp de Yarmouk ? Saviez-vous que les milices palestiniennes dissidentes des partis incarnant traditionnellement la résistance palestinienne de gauche (OLP) ont soutenu Assad dans la répression des élans révolutionnaires anti-Assad des Palestiniens de Yarmouk ? Saviez-vous qu’elles avaient été complices du bombardement du plus grand camps de réfugiés Palestiniens au monde (160 000 résidents) à partir de 2012, puis de son siège à partir de 2013 ?

Lisez aussi ce qu’ont proposé Assad et la Russie aux islamistes de Yarmouk (Damas) et du bassin de Yarmouk (Deraa) en mai et novembre 2018 ? Et regardez bien quelles en ont été les conséquences pour les communautés Druzes de Suwayda.

Eduquez-vous camarades gauchistes.

En lisant, en enlevant vos ornières, vous découvrirez que le régime Syrien est l’un des seuls au monde qui a toujours interdit toute manifestation en faveur de la Palestine. Même durant le génocide, Assad n’a même pas tenté d’organiser une fausse manifestation pour appuyer sa propagande pro-Palestinienne. Rien.

Rien, sauf à Idleb et Suwayda, les deux seules régions qui n’étaient pas sous contrôle militaire du régime. Dans les deux villes, les Syriens ont soutenu leurs frères et sœurs de Palestine.

Mais vous n’avez pas vu. Vous avez préféré croire que l’Iran et le Hezbollah étaient le seul espoir des Palestiniens, alors que même pas 1% de leurs roquettes n’est parvenu à ébranler la sécurité du régime sioniste. Du vent.

Les Syriens n’ont jamais été dupes des discours ampoulés de Nasrallah et Khomeini, de leurs menaces grotesques et de leurs feux d’artifices pitoyables.

Mais vous, la gauche occidentale, vous pensiez qu’ils étaient l’axe de la résistance, la pointe des luttes anti-coloniales.

Et maintenant que les Syriens se sont libérés par eux-mêmes (et on s’en fout bien que la Turquie ai poussé par derrière, puisqu’elle ne contrôle pas les millions de Syriens ainsi libérés d’Assad), vous vous êtes mis à l’unisson avec les réactionnaires de tous bords, et notamment occidentaux, pour nous faire des leçons d’antiterrorisme.

« Attention, vous les Arabes, vos rebelles sont des jihadistes qui ne s’assument pas. Ils vont vous trahir et vous manger tout cru »

Merci, les Suprémaciste Blancs, pour votre sollicitude. Mais sur la question syrienne, vous n’êtes pas mieux que les anti-Deutsch allemands sur la question Palestinienne.

Nous connaissons mieux que quiconque au monde ce que représente le danger islamiste. Vous, vous l’avez découvert au World Trade Center et au Bataclan, et soudainement le monde entier devait pleurer de chaudes larmes pour vous. Mais saviez-vous que plus de 80% des victimes des islamistes depuis les années 1980 étaient des musulmans et des Arabes ? Saviez-vous également que ce sont les Syriens seuls qui ont affronté sur terre les fanatiques religieux de DAESH ?

Où étiez-vous pour nous protéger, vous qui vous montrez aujourd’hui si paternalistes envers nous, alors que Hayat Tahrir al-Sham réalise en une semaine ce à quoi nous avions tout simplement cesser de rêver depuis une décennie ?

Avez-vous lu les messages remplis de solidarité et d’affection pour ses frères et sœurs Syriens de Wael al-Dahdouh, le journaliste Palestinien dont toute la famille a été décimée par Israel ?

Non, encore une fois, vous n’avez rien vu. Vous n’avez vu en nous que notre potentiel islamiste. Nous les Arabes, sommes trop arriérés pour comprendre comment marche la démocratie, le socialisme, la laïcité…

Alors qu’Israel a attendu que son cher associé Bachar tombe pour attaquer les Syriens à Quneitra (à l’instant où nous écrivons ces lignes), votre campisme est affiché au grand jour, et avec lui votre complicité avec toutes les puissances étrangères qui utilisent nos terres comme un terrain de jeu.

Assad est tombé, une nouvelle ère commence pour les Syriens. Des milliers de prisonniers, dont certains étaient enfermés depuis 40 ans, sont sortis ces derniers jours des pires prisons du monde.

Laissez-nous enfin pleurer et exploser de joie, laissez-nous enfin respirer.

Et occupez-vous plutôt de vos propres fascistes, qui gangrènent vos confortables démocraties.

Nous, on va s’occuper des nôtres. Ne nous libérez pas, on s’en charge !

La haine anti Arabe et le suprémacisme blanc, engrais du sionisme

L’opération militaire répondant à l’attaque sanglante de la résistance palestinien‧ne sur les colonies israéliennes jouxtant le ghetto de Gaza le 7 octobre 2023 a très vite été le théâtre de crimes de guerre contre les populations civiles palestinien‧nes. Rappelons d’abord le véritable bilan de l’attaque menée le 7 octobre 2023 par le Hamas contre plusieurs bases militaires et colonies du Sud d’Israël[1], ainsi que d’un festival de musique : au cours de l’action armée, 1139 personnes ont été tuées, dont 695 civils (parmi lesquels 71 étranger‧es et 36 enfants) et 373 membres des forces de sécurité (305 militaires, 58 policiers et 10 membres des services de renseignement du Shin Bet)[2]. Le Hamas a également pris 251 personnes en otages (dont de nombreux militaires) dans le but de faire pression sur l’Etat d’Israël, notamment afin d’obtenir la libération de centaines de prisonniers palestinien‧nes, dont plus de 1300 étaient détenus sans charges ni procès avant le 7 octobre 2023[3]. En riposte, l’armée israélienne dit avoir tué plus d’un millier de combattants du Hamas ayant pris part à l’attaque, tandis que des enquêtes indépendantes, ainsi que les témoignages d’un certain nombre de civils israéliens survivants, lui attribuent également un grand nombre de morts civils israéliens parmi ceux officiellement attribuées au Hamas. Les experts invoquent à ce propos l’application du « protocole Hannibal », une directive israélienne de 1986 qui préconise d’éviter au maximum d’avoir à négocier la libération d’otages, quitte à tuer ses propres ressortissants pris en otages lors de l’assaut prévu pour les libérer. Une chose est certaine, c’est que cette aventure sanglante du Hamas a légitimé un déferlement de violence sans précédent de la part d’Israël, qui a été condamné par la Cour Internationale de Justice pour des faits de génocide à l’encontre des Palestinien‧nes de Gaza.

Les règles de la guerre conventionnelle ont en effet été largement enfreintes, d’abord par la pratique proscrite du siège, bloquant l’approvisionnement en eau, électricité et nourriture des populations, puis par l’utilisation combinée d’armes interdites par les conventions internationales (armes chimiques telles que le phosphore blanc), de snipers et de drones tueurs ciblant des civils non-armés, ainsi que le bombardement massif de zones résidentielles, de camps de réfugiés, de véhicules et de locaux d’ONG humanitaires, de lieux de culte, d’écoles et d’hôpitaux. Dès les premières semaines de l’opération, des dizaines de travailleurs humanitaires, de médecins en activité et de journalistes ont été tués ou arrêtés et transférés dans des centres de détention sans procès préalable. Les images des services de communication du régime et de l’armée israéliennes n’ont pas cherché à dissimuler le recours à des traitement inhumains et dégradant à l’égard des prisonniers, qui ne bénéficient pas du statut de prisonniers de guerre, ni d’otages, l’un ou l’autre statut impliquant l’adoption de procédures et négociations spécifiques pour leur maintien en détention ou leur libération dans le cadre de négociations entre les parties au conflit. Les soldats de l’IDF eux-mêmes n’ont cessé de communiquer dès le premier jour de l’opération sur les réseaux sociaux, et notamment sur Tiktok et Telegram, se targuant quasi quotidiennement de commettre des crimes et diffusant des vidéos accablantes témoignant de leur déshumanisation des Palestinien‧nes. On reparlera de cet aspect plus loin.

 

Montage de vidéo issues des réseaux sociaux, pour montrer une petite partie de ce que les forces de défense israéliennes ont commis et continuent de commettre à Gaza depuis octobre 2023.
Trigger warning : certaines images sont difficiles à regarder.

 

Les réseaux sociaux relatent la vérité

Les crimes de guerre sont par conséquent entièrement avérés et documentés, aussi bien par la communauté internationale que les ONG et les médias, y compris israéliens. Au-delà des institutions et structures conventionnelles, les réseaux sociaux se sont également largement fait l’écho de ces crimes et doivent être considérés comme des sources d’information légitimes à partir du moment où elles transmettent des témoignages bruts depuis une zone directement impactée. A ce titre ces ressources ont autant de valeur probante que les témoignages de victimes et parties civiles, ainsi que les aveux des auteurs lors d’un procès pénal, et ceci quel que soit l’usage postérieur qui est fait des images ainsi rendues publiques. Par ailleurs, les comptes utilisateurs, ainsi que les lieux et datations des captations vidéo peuvent aisément faire l’objet de vérifications et fact-checkings par des experts et enquêteurs, interdisant de les considérer décemment comme fabriquées ou manipulées : la grande majorité des milliers de mégaoctets de données provenant de Gaza NE PEUVENT PAS être le résultat de fake news et d’images de synthèse comme d’aucuns le prétendent. Les sociétés ont évolué, et la prise en compte de la modernité implique de reconnaître les nouvelles modalités d’information et de communication comme légitimes, notamment parce qu’elles garantissent une plus grande diversité de sources que les médias mainstream et nationaux. On sait cependant combien les Etats sont embarrassés par les media qui échappent à leur contrôle, d’où leurs efforts constants pour obtenir la censure totale des contenus critiques partagés sur les réseaux sociaux.

Légitime défense ou représailles ?

Une fois qu’on a écarté l’hypothèse négationniste ou révisionniste, qui implique le déni par rapport à la réalité des crimes commis par l’armée israélienne contre les Palestinien‧nes, il reste à se pencher sur les motivations de ces crimes et sur leur caractère intentionnel. La notion d’intentionnalité est cruciale pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’elle permet de distinguer la légitime défense de la vengeance ou des représailles, ensuite parce qu’elle permet d’identifier la finalité réelle de l’acte de violence ou du crime. La légitime défense, qui est une règle élémentaire au croisement du droit naturel et du droit positif, définit la circonstance dans laquelle on peut tuer une personne ou porter atteinte à son intégrité sans craindre d’être puni. Pour définir précisément les circonstances dans lesquelles elle peut être mobilisée, le droit a identifié plusieurs critères qui doivent se cumuler pour qu’on puisse estimer qu’il y a légitime défense : la menace doit être réelle (non imaginée ou supposée) et imminente (non antérieure au moment de la riposte), la riposte doit être immédiate (cantonnée à la seule source de la menace et sans délai, sinon il s’agit de représailles), nécessaire (on ne doit pas pouvoir écarter autrement la menace) et proportionnée à la menace (juste ce qu’il faut pour neutraliser la menace). A ses origines, cette règle a été pensée pour permettre à l’individu dépourvu d’autorité légale de se protéger en cas d’agression, mais aussi d’être protégé de toutes sanctions ou poursuites judiciaires s’il a fait usage de violence pour se défendre d’une autre violence. Mais depuis une décennie les autorités légales (qu’on voudrait croire légitimes), donc l’Etat et ses représentant‧es, ont progressivement fait évoluer le discours et les lois pour s’approprier des règles de droit réservées aux seuls justiciables.

Si l’on prend davantage de hauteur et qu’on se réfère au contexte théorique global dans lequel ces évolutions ont pris place, on ne peut que faire le parallèle avec l’argumentaire mobilisé par l’Etat d’Israël et ses alliés pour légitimer le massacre implacable des Arabes de Gaza, exclusivement basé sur son « droit à se défendre » suite à l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023. Les questions très pragmatiques que le monde entier aurait dû se poser sont les suivantes : la menace représentée par la population de Gaza à l’encontre de la société israélienne était-elle réelle ? La riposte, à savoir l’anéantissement total d’une enclave habitée par plus de deux millions de personnes, était-elle nécessaire et proportionnée ? Si les critères d’imminence et d’immédiateté sont bien respectés en apparence, il aurait été nécessaire de se poser une ultime question pour finir d’invalider l’argument d’Israël selon lequel sa riposte était légitime : l’attaque du Hamas s’inscrivait-elle dans un contexte actuel et permanent d’oppression et de violences coloniales de la part d’Israël, ou était-elle un acte d’agression gratuite ne répondant à aucune menace à l’encontre des populations de Palestine ? Et avant que l’on s’apprête à répondre à cette question, il est absolument nécessaire de se remémorer les événements historiques tels que le soulèvement du ghetto de Varsovie en 1943 ou les émeutes du township de Soweto en 1976, et de tirer les parallèles qui s’imposent : l’Etat d’Israël n’est pas colonisé ni oppressé, il est le colonisateur et l’oppresseur. A ce titre, il ne peut en aucun cas se prévaloir de la légitime défense, car si l’on suit cette logique, la France aurait été légitime à rayer de la carte l’intégralité de l’Iraq et de la Syrie suite aux attaques de l’Etat Islamique sur Paris en 2015. Et en réponse n’importe quel pays Arabe serait légitime à bombarder les villes occidentales à chaque fois que les armées de l’OTAN s’immiscent avec force dans ses affaires nationales. On voit bien que la logique légitimant l’arabicide de masse ne tient pas. Pour autant, c’est exactement celle-là qui a amené les Etats-Unis à détruire durablement l’Iraq entre 2003 et 2011, prétextant une menace nucléaire que les meilleurs analystes savaient être totalement irréelle. L’Occident a toujours une raison fallacieuse sous le coude pour détruire les sociétés arabes.

Au-delà de la violence et de l’horreur de l’attaque du Hamas, personne ne peut nier décemment l’absence d’impérieuse nécessité justifiant l’anéantissement de la bande de Gaza à partir du 8 octobre, ni la disproportion totale des moyens employés pour cela, alors que les assaillants du 7 octobre ont été en grande partie décimés ou faits prisonniers lors de leur attaque (1809 combattants selon Israël) et que les 5000 roquettes tirées par le Hamas ont été largement interceptées, n’ayant pas tué plus de cinq personnes au total : la menace principale et imminente était donc neutralisée au soir du 7 octobre, la légitime défense stricto sensu ne valant que pour la riposte engagée par les israéliens le jour-même. La vengeance quant à elle se caractérise par la préméditation et/ou par un infléchissement moral, donc par l’anticipation ou la préparation (y compris mentale) du crime avec la volonté de ne pas agir de façon éthique. Enfin, si la motivation ou la finalité réelle de l’action armée est souvent officieuse, voire secrète, et par conséquent peut faire l’objet d’interprétation, il existe en droit ce qu’on appelle des « faisceaux de présomption », qui permettent d’établir s’il y a des motivations criminelles, racistes notamment. Dans le contexte de la Palestine, ces faisceaux de présomption peuvent notamment consister dans des actes et déclarations publiques témoignant d’une volonté d’essentialiser l’ensemble de la population de Gaza et de l’assimiler dans sa globalité à un groupe spécifique, ici le Hamas. Cette essentialisation passe par l’utilisation d’une terminologie réductrice et simplificatrice gommant la complexité et la diversité qui caractérise toute population civile, notamment si elle regroupe plusieurs milliers de personnes. Dans le cas de Gaza, on parle de 2,23 millions d’habitants, incluant une multitude de minorités ethniques, religieuses et politiques, ainsi que des milliers de binationaux et 1,046 millions d’enfants de moins de 18 ans (48%).

Le Hamas est au pouvoir à Gaza, mais les Gazaouis ne sont pas le Hamas

Si l’on remonte aux origines du mouvement Hamas, on note qu’il est né tardivement en 1987, soit près de 40 ans après la création d’Israël. Avant lui, la résistance palestinien‧ne a été incarnée par des mouvements politiques nationalistes, socialistes et laïcs, dont le Fatah, fondé en 1959. Ces mouvements ont renoncé globalement à la lutte armée à l’issue de la première intifada (1987-1993) pour s’investir dans les négociations de paix, tout en restant solidaire de la résistance populaire au régime d’apartheid israélien. La perpétuation de l’oppression violente des Palestinien‧nes malgré les pourparlers de paix a été la raison première de l’émergence des forces islamistes en Palestine, qui coïncide avec la confessionnalisation des conflits territoriaux dans la région lors de la guerre civile au Liban (1975-1990). Israël a participé alors activement à cette confessionnalisation, notamment en soutenant les milices chrétiennes libanaises, tout en favorisant l’émergence du Hamas pour affaiblir les organisations palestinien‧nes socialistes et non-confessionnelles (OLP : Fatah, PFLP, DFLP, PPP, PLF…). L’emprisonnement et la mort des leaders politiques impliqués dans la négociations des accords de paix, puis la seconde intifada (2000-2004) et la guerre du Liban en 2006 ont ensuite accéléré la montée en puissance du Hamas en Palestine, ainsi que du Hezbollah au Liban. Enfin, en 2006 le Hamas a remporté les élections à Gaza avec 44,45% des voix exprimées, les forces politiques nationalistes et socialistes laïques restant majoritaires mais divisées (Fatah + PFLP + The Alternative + Independant Palestine = 51,32% des voix). Si l’on revient en détail sur ces élections et qu’on prend en compte le taux d’abstention de 22,82%, ce ne sont que 32,61% des électeurs inscrits qui ont choisi le Hamas. Si l’on considère que 34,17% de la population palestinien‧ne n’était pas inscrite sur les listes électorales ou pas en âge de voter, ce ne sont finalement que 11,14% de l’ensemble des 3,95 millions de Palestinien‧nes de l’époque qui ont choisi le Hamas.

Au cours de la décennie suivante, le Hamas s’est imposé comme une force conservatrice ne tolérant aucune critique et réprimant toute opposition, ce qui le rend relativement impopulaire, comme en témoigne un sondage effectué en juin 2023 par le Palestinian Center for Policy and Survey Research : 73% des Gazaouis considèrent qu’il y a de la corruption au sein du Hamas, 59% estiment qu’on ne peut critiquer le Hamas sans craintes, 57% voteraient pour Marwan Barghouti (Fatah) s’il était libre plutôt que pour le candidat du Hamas, tandis que 43% estiment que ni le Hamas, ni le Fatah ne méritent de représenter les Palestinien‧nes. Par ailleurs, 47% des Gazaouis privilégient la résistance pacifique par rapport à la lutte armée [https://pcpsr.org/en/node/944]. Enfin, les dernières élections ayant eu lieu il y a 18 ans, près de 78% de la population actuelle n’était pas née (48%) ou n’était pas en âge de voter en 2006 (30%), sans compter qu’une partie de la population, et donc des électeurs du Hamas, est décédée au cours des 18 dernières années. Par conséquent, on peut dire que la population Gazaouie en 2023 n’a peu ou rien à voir avec l’élection du Hamas en 2006, ni beaucoup plus avec son maintien au pouvoir par la contrainte depuis.

Le Hamas : un mouvement de réaction

Au-delà, et c’est souvent occulté lorsqu’on parle de la résistance palestinien‧ne, le processus d’essentialisation affecte également les militants du Hamas eux-mêmes. Notamment, l’affiliation historique du Hamas aux frères musulmans (donc à l’islam politique) est niée et celui-ci est comparé aux courants djihadistes, voire régulièrement assimilé à Al Qaeda ou l’Etat islamique. De nombreux intellectuels et spécialistes, qu’on ne peut accuser d’être sympathisants des islamistes pour la plupart d’entre eux, ont écrit une multitudes de thèses universitaires et de livres sur l’histoire de l’islam, ainsi que sur les courants religieux et politiques au sein de l’islam. Toutes ces études permettent de comprendre pourquoi les Frères musulmans ne sont pas djihadistes, et pourquoi l’institutionnalisation de l’islam politique conduit quasi systématiquement ces courants à se modérer dans l’exercice du pouvoir. L’orientalisme qui caractérise l’analyse des courants musulmans et islamistes aujourd’hui se heurte par ailleurs à la réalité vécue par les populations arabes et musulmanes confrontées à ces mouvements. Ce que dit cette réalité, c’est que les Frères Musulmans constituent une menace modérée, pour la population sous son contrôle comme pour ses voisins, ou en tout cas toute aussi prégnante que n’importe quel parti ou mouvement politique autoritaire au pouvoir. En effet, le despotisme du Hamas contre la population civile ne découle pas spécifiquement de sa radicalité religieuse, mais plus de sa volonté de maintenir une emprise hégémonique sur les populations palestinien‧nes. Au même titre que n’importe quel courant d’extrême-droite dans le monde, le Hamas est un parti autoritaire portant des valeurs conservatrices et rétrogrades sur de nombreux aspects, mais ce n’est pas un mouvement salafiste ou djihadiste : le Hamas, aussi violent soit-il, ne décapite ni ne brûle personne vivant. Enfin, les motivations de l’engagement des combattants du Hamas sont aussi à évaluer au regard de la situation d’étranglement et d’oppression continuelle des populations palestinien‧nes depuis 75 ans, ainsi que du blocus imposé à Gaza par Israël depuis 16 ans, impliquant un taux de chômage supérieur à 45% et l’absence globale de perspectives pour les jeunes. Les militants du Hamas ne font pas le jihad, ils rejoignent le seul mouvement armé décolonial qui prétend s’opposer à la normalisation et constituer un rapport de force au régime d’apartheid israélien. Le nombre de combattants affiliés au Hamas n’est d’ailleurs pas connu, le seul chiffre de 30 000 étant donné par Israël. Au regard de la réalité régionale, et notamment des effectifs des autres milices islamistes recensées (notamment le Hezbollah), il est improbable que le nombre réel de combattants du Hamas dépasse les 20 000 hommes, ce qui ne témoigne pas d’une adhésion massive des Gazaouis au mouvement.

Le paravent antiterroriste

On comprend alors qu’Israël dans ses efforts pour déshumaniser les Palestinien‧nes et décrédibiliser la résistance palestinienne trouve confortable d’utiliser la rhétorique antiterroriste : comme tous les régimes autoritaires et coloniaux, Israël désigne ainsi les résistants à son oppression comme des terroristes. Cette sémantique désormais acceptée universellement trahit non seulement l’ignorance et l’étroitesse d’esprit de ceux qui l’emploient, mais également leur intention de réduire toute résistance armée ou toute opposition radicale ou révolutionnaire à une menace. Sous couvert de protéger la population civile d’une menace contre leur sécurité, ce qui n’est pas sa motivation réelle, l’anti-terrorisme est avant tout un outil de la contre-insurrection pour protéger la sûreté et les intérêts de l’Etat. Désormais, il suffit de désigner un groupe comme terroriste pour priver instantanément ses membres de tous les droits et protections normalement garanties par les lois de la guerre, les lois humanitaires et les conventions internationales pour le respect des droits et de la dignité humaine. Le qualificatif de terroriste ne bénéficie par ailleurs d’aucune définition juridique précise, ce qui rend la notion floue et entièrement sujette à interprétation. Le terme est ainsi venu s’ajouter au terme « barbare » pour destituer tout individu de sa qualité d’être humain, rendant licites et acceptables à son encontre humiliations publiques, exécutions sommaires, torture, mutilations et sévices corporels. La France en Algérie, les USA au Vietnam, en Afghanistan et en Iraq, la Russie en Tchétchénie ou même la Chine au Xinjiang ont largement contribué à la normalisation de pratiques cruelles et illégitimes au regard des conventions des Nations-Unies. Là où Israël franchit encore davantage la ligne rouge, c’est lorsqu’il assimile dans sa globalité la population civile gazaouie au terrorisme, en arguant de sa complicité avec le Hamas, ceci incluant les enfants mineurs qui, on l’a dit, constituent presque la moitié de la population de Gaza. En favorisant la diffusion de mensonges éhontés sur la commission par le Hamas d’actes de cruauté à l’occasion de l’attaque sanglante du 7 octobre 2023, et notamment les prétendus décapitations d’une quarantaine d’enfants et viols en série[4], Israël savait pertinemment que la barbarie et le terrorisme seraient le registre lexical approprié pour légitimer a priori tous les crimes de guerre qui allaient être commis en représailles à l’égard des Gazaouis. Cela fait partie des stratégies de propagande de l’Etat d’Israël, la Hasbara, qui participent du lobbying sioniste visant à contrer les discours négatifs délégitimant Israël. La diabolisation des Palestinien‧nes pour convaincre tout-un-chacun du bien-fondé de leur anéantissement s’ajoute ainsi au révisionnisme historique quant à la manière dont s’est construit et imposé par la violence l’Etat d’Israël et au négationnisme quant à la perpétration de crimes par les milices sionistes avant 1948 et par l’armée israélienne depuis. On est censé ainsi oublier que la milice sioniste Irgun commettait des attentats à la bombes contre les civils et l’armée britannique durant les années précédant la création d’Israël, avant que son chef Menahem Begin devienne premier ministre puis ministre de la défense d’Israël trente ans plus tard, opportunément blanchi de ses crimes. L’Etat d’Israël est par conséquent le meilleur exemple de terrorisme victorieux et impuni. La question qui se pose est donc : qui décide qui est terroriste et pendant combien de temps ?

Quoi qu’il en soit, le concept de terrorisme constitue un outil extrêmement pratique pour désigner les résistances populaires, et cela quels que soient leurs fondements idéologiques. Au-delà, ce sont les communautés arabes dans leur globalité qui sont visées. L’Arabe est devenu l’ennemi pratique numéro un, le bouc-émissaire qui peut porter la responsabilité de toutes les résistances populaires à la volonté hégémonique et civilisatrice de l’Occident. Il suffit désormais d’une seule attaque à main armée lancée par un individu ou un groupe marginal issu des communautés arabo-musulmanes pour légitimer l’élimination de dizaines de milliers de vies arabes. La punition collective s’en trouve ainsi normalisée. Et on peut parler de la mise à mort lente des Arabes de Palestine parce que c’est d’actualité, mais il ne faut pas oublier que les interventions occidentales en Orient depuis le Moyen-âge tardif sont toutes guidées par la même volonté messianique de récupérer la « Terre sainte » aux barbares hérétiques ou impies qui l’habitent, en l’occurrence les Arabes[5]. Ce qui a évolué au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, c’est la rhétorique, mais pas les motivations. Depuis que les Nations occidentales se sont érigées en avant-garde éclairée et qu’elles ont promulgué leurs lois de la guerre et toutes sortes de conventions humanitaires, avant d’accorder leur indépendance à nombre de pays après des décennies de suprémacisme racial, de pillages coloniaux et d’esclavage, elles ont en effet été contraintes de renouveler leurs discours pour pouvoir continuer à justifier les guerres impérialistes menées au nom de la Bourse et du Marché, notamment là où gisent le pétrole et le gaz. Et quel meilleur thème que celui, si familier, du barbare venu d’Orient ? Mais pas juste un barbare ordinaire, qui mènerait une bataille respectant les lois de la guerre, et dont une partie du peuple et de la gauche occidentale pourrait trouver la cause légitime. Non, plutôt le paroxysme du barbare, monstrueux et cruel, qui terrifie quiconque se prend à l’imaginer près de soi. Ce barbare-là, l’Occident le qualifiera de « terroriste » pour simplifier. Et s’il n’existe pas, il faudra aider à le créer ou à ce qu’il se crée par lui-même, l’important étant qu’il épouvante suffisamment n’importe quel quidam pour que ce dernier accepte sa mise à mort sans autre forme de procès. Ce monstre-là, c’est le terroriste musulman, qui dans l’imaginaire occidental ressemble à l’Arabe à la fois vil et brutal incarné par Mohammed Hassan aka Frank Lackteen dans les films américains des années 1930-40, mais aussi à 78% des personnages originaires du Proche et Moyen Orient apparaissant dans les séries télévisées étasuniennes[6].

Dès lors, dès qu’un Arabe ou un musulman lancera une attaque surprise ou fera sauter une bombe ici ou là, il faudra bien comprendre qu’il s’agit d’un acte spécifiquement odieux, qui n’a rien à voir avec les attaques à la bombe des résistant‧es de la seconde guerre mondiale, l’anéantissement de Nagasaki et Hiroshima en 1945, les actions de contre-insurrection appliquées par l’armée et la police françaises contre les populations civiles algériennes entre 1945 et 1962, le bombardement du groupe noir américain Move en pleine ville par la police de Philadelphie en 1985 ou encore les assassinats ciblés régulièrement effectués à l’aide de drones ou de missiles téléguidées par les armées des grandes démocraties[7]. Ce qui les distingue alors, c’est très précisément le prisme raciste par lequel on désigne les auteurs de ces violences. Les uns, qu’on pourra qualifier de méchants, sont par nature les agresseurs, tandis que les autres, évidemment gentils, agissent nécessairement en légitime défense. Les premiers tuent aveuglement pour terroriser et générer le chaos, tandis que les seconds « neutralisent des cibles » pour ramener la paix et la sécurité. Au-delà du caractère ironique de ces dernières phrases, il faut se rendre compte à quel point ces caricatures sont hélas proches des discours servis communément par les élites politiques et médiatiques du monde entier, et repris par le plus grand nombre sans réel soupçon critique. Il n’y a pas de bons terroristes, il n’y a que de mauvais Arabes et de mauvais Musulmans. Mais quand un Blanc massacre des dizaines d’enfants dans une école américaine ou poignarde des Arabes dans une ville de France[8], personne n’emploie le terme terroriste. C’est donc bien une appellation d’origine contrôlée.

Israël, incarnation du suprémacisme blanc et du racisme anti arabe

A Gaza, Israël commet des crimes, c’est établi. La seule chose qui ne fait pas consensus, c’est leur justification/légitimation. On doit donc s’intéresser ici à ce qu’on appelle en droit le « mobile du crime », ce qui nous ramène aux « faisceaux de présomption » évoqués plus haut. Cela nécessite d’analyser la relation organique entre Israël, l’Europe et l’Amérique du Nord. On ne tournera pas autour du pot : nous voulons aborder ici la proximité idéologique du sionisme et du nationalisme allemand, qui combinent tous deux projet colonial et suprémacisme racial/national. En plus de considérer la race ou la nation défendue comme supérieure ou choisie par la volonté divine (messianisme/millénarisme), les deux nationalismes s’accordent sur l’assujettissement ou l’anéantissement possible – et donc acceptable d’un point de vue moral – d’autres nations ou races jugées arriérées ou inférieures. Les versions les plus modérées de ces nationalismes[9] se contentent d’évoquer la nécessité d’apporter le progrès et le développement à des populations figées dans le passé, sous couvert de modernisme le plus souvent. C’est le cas du sionisme. Ce mouvement idéologique a été initié par le journaliste et écrivain austro-hongrois et ashkénaze Theodor Herzl (1860-1904) en 1897. A partir de là se sont tenus de nombreux congrès sionistes internationaux, qui ont mis en place des structures incitant la diaspora à accomplir son « aliyah » (l’ascension), à savoir son installation en Palestine, qui est alors sous domination ottomane (turque seldjoukide) depuis 1517, puis passe sous occupation britannique à partir de 1920. L’opinion personnelle de Herzl était profondément influencée par les théories suprémacistes allemandes et il voyait dans l’installation en Palestine un projet hygiéniste visant la civilisation des peuples orientaux, y compris les Juif‧ves autochtones. Ses détracteurs antisionistes, tels que Abraham Shalom Yehuda (1877-1951), Juif de Palestine, et Reuven Snir (né en 1953), Juif d’Irak, ont mentionné certains passages éloquents dans les mémoires de Herzl, publiées en 1960 : « C’est la volonté de Dieu que nous revenions sur la terre de nos pères, nous devrons ce faisant représenter la civilisation occidentale, et apporter l’hygiène, l’ordre et les coutumes pures de l’Occident dans ce bout d’Orient pestiféré et corrompu […] C’est avec les Juif‧ves, un élément de la culture allemande qui va aborder les rivages orientaux de la Méditerranée […]. Le retour des Juif‧ves semi-asiatiques sous la domination de personnes authentiquement modernes doit sans aucun doute signifier la restauration de la santé dans ce bout d’Orient négligé ». A ce titre, on peut tirer un parallèle très clair avec les pensées et écrits du géographe Friedrich Ratzel (1844-1904) et du philosophe Karl Haushofer (1869-1946), contemporains de Herzl, et notamment avec leur théorie du « Lebensraum » (espace vital) qui inspirera largement les théories suprémacistes développées par Hitler dans Mein Kampf, quand bien-même Ratzel imaginait plutôt une installation coloniale du peuple Allemand au cœur de l’Afrique (Mittelafrika), plutôt qu’en Europe Orientale comme le préconisaient les idéologues du nazisme. Quoi qu’il en soit, Ratzel comme Herzl plaçaient tous deux leurs ambitions coloniales et civilisatrices au-delà de la Méditerranée, ce qui les fait ressembler à beaucoup d’impérialistes occidentaux des 19ème et 20ème siècle.

Ce que la fin du vingtième siècle a apporté de nouveau, c’est un renoncement à l’approche ouvertement racialiste de l’impérialisme occidental, et avec celui-ci, une certaine moralisation (toute relative) ou pondération des discours essentialistes relatifs aux populations du Sud à partir de la fin des années 1970. Pour autant, le tournant des années 1990 et l’émergence depuis deux décennies du terrorisme arabe[10] et islamiste ont renouvelé les discours suprémacistes occidentaux, qui à défaut d’afficher ouvertement leurs biais racistes, ont imposé l’idée que la défense de la démocratie occidentale ne pouvait passer que par la mise-au-pas des nationalismes arabes, toujours commodément assimilés aux fondamentalismes islamistes, quand bien même les deux le plus souvent s’opposent. L’idée de la citadelle assiégée et du rempart contre la barbarie venue d’Orient, qui trouve son origine dans la période prémédiévale, a trouvé un nouveau souffle : ce n’est plus l’Empire romain qui est en danger, mais la Démocratie occidentale dans son acception la plus large, ce qui implique que l’enjeu dépasse la seule sauvegarde des sociétés européennes et nord-américaines pour devenir la préservation de l’entièreté du « monde civilisé », dont les confins restent pourtant très flous.

Le Bien contre le Mal, ou la civilisation face au désert

Hannah Arendt (1906-1975), philosophe, politologue et journaliste allemande de renon, a analysé en profondeur les ressorts de la modernité et du totalitarisme, notamment à partir de l’expérience de l’horreur nazie. Là où beaucoup connaissent ou prétendent connaître ses travaux sur la banalité du mal, à savoir que les pires atrocités sont souvent permises ou commises par des gens ordinaires, voire insignifiants, peu en réalité accordent l’importance qu’il se doit à son analyse sur la complicité des victimes dans leur propre persécution, par lâcheté, naïveté ou attentisme. Arendt avait notamment révélé l’implication des Conseils Juifs (Judensräte en allemand) dans la déportation de Juif‧ves vers Auschwitz, provoquant une vive polémique qui lui a coûté certaines de ses amitiés[11]. Sans entrer dans le détail de la controverse, qui témoigne de l’incapacité du plus grand nombre à faire abstraction de son propre égo et à survivre à sa flétrissure[12] face à la révélation d’une vérité pénible à entendre ou de faits difficiles à admettre, ses écrits racontent l’impossibilité pour les sociétés occidentales de concevoir et d’accepter l’idée que la barbarie trouve en grande partie sa source au sein d’elles-mêmes. Il est intéressant de constater que l’avancée du désert[13] dont parlait également Hannah Arendt, et qui décrivait la montée des totalitarismes depuis l’intérieur des sociétés occidentales, puisse être le fait d’une population elle-même victime de ces totalitarismes. C’est à ce propos extrêmement révélateur qu’après avoir été persécutée pendant des millénaires en Occident, une part considérable de la communauté juive se soit persuadée qu’en s’installant au-delà des frontières de celui-ci, elle pourrait non seulement y trouver la paix et la sécurité, mais qu’en plus elle constituerait sur place un avant-poste de la démocratie face à la barbarie, aux limites mêmes entre la civilisation et le désert. Il s’agirait ni plus ni moins de civiliser l’Orient tout en recivilisant l’Occident. C’est en tout cas ainsi que le sionisme perçoit sa présence en Palestine et que les Etats-Unis justifient leur soutien inconditionnel à la colonisation israélienne : Israël serait le rempart de l’Occident moralisé (mais pourtant invivable pour les Juif‧ves) face à la violence débridée du Mordor[14] arabe (qui n’a pourtant pas participé à la Shoah). Il est confortable d’imaginer un ennemi extérieur dont on puisse se séparer à l’aide d’un simple mur, quand la réalité et l’expérience historique démontrent que le plus souvent l’ennemi est en nous ou parmi nous. Dans cette inversion de paradigme que constitue la colonisation de la Palestine par les sionistes, le désert dont parlait Arendt se retrouve incarné par ces colons venus d’Occident, tandis que le « désert » se situant face à eux est placé en position de subir son totalitarisme. Le paradoxe est tel que les sionistes, venus chercher herbe plus verte ailleurs, se retrouvent à brûler des oliviers centenaires pour planter partout des conifères[15] contribuant à l’appauvrissement de tout un écosystème auquel il‧elles sont totalement étranger‧es…

Les colons fanatiques qui étendent leur présence au cœur de la Cisjordanie sous autorité palestinien‧ne ne se cachent pas d’y installer toujours plus d’avant-postes – illégaux – dans le but de répondre à un impératif suprémaciste percevant les Arabes comme une population à expulser ou à éliminer au nom d’un combat métaphysique du Bien contre le Mal. L’expression de cette dualité prend alors la forme de discours violemment racistes qui n’ont rien à envier à ceux des théoriciens du nazisme envers les Juif‧ves. En 2009, Yitzhak Shapira et Yosef Elitzur, rabbins de la colonie de Yitzhar, située à cinq kilomètres au Sud de Naplouse, publiaient un livre intitulé « Torat HaMelech » dans lequel ils défendaient l’idée selon laquelle les Juif‧ves étaient autorisés par les édits religieux à tuer des non-Juif‧ves, y compris des enfants, dans certaines circonstances. Ces écrits aux relents génocidaires ont été soutenus par Dov Lior, rabbin d’Hébron et de Kiryat Arba, mais également leader charismatique de l’extrême-droite sioniste israélienne, qui a lui aussi justifié le meurtre de non-Juif‧ves à plusieurs reprises, inspirant par ses discours transpirant la haine toute une frange de la droite israélienne. Dans le même esprit, en 2012 le rabbin Eyal Karim, actuellement rabbin des forces armées israéliennes, avait justifié l’usage du viol par les soldats en temps de guerre, considérant la chose en ces termes : « Puisque notre priorité est le succès de la communauté dans la guerre, la Torah a permis [aux soldats] de satisfaire leurs mauvaises pulsions dans les conditions qu’elle a stipulées au nom du succès de la collectivité ». Les prêches « anti-goyim » et anti arabes de ces rabbins alimentent le racisme qui justifie la commission de crimes au nom de la survie du peuple Juif, et qui ont une immense influence sur des centaines de milliers d’israéliens. Depuis, les fondamentalistes religieux qui ont fait de la colonisation de la Palestine un enjeu messianique ont progressivement insufflé leurs idées suprémacistes et fascistes jusque dans les plus hautes instances de l’Etat israélien. Leur vision raciste et millénariste est parfaitement illustrée par le discours du premier ministre israélien Benyamin Netanhayu, prononcé le 26 octobre 2023 pour justifier sa dernière offensive militaire contre les Palestinien‧nes de Gaza : « Nous sommes les fils de la lumière, ils sont les fils des ténèbres, et la lumière va prévaloir sur les ténèbres […] Rappelez-vous ce qu’Amalek[16] vous a fait ». Lorsqu’il invoque l’extermination des « graines de Amalek », la référence n’est pas religieuse mais ethnique, dans la mesure où l’islam est postérieur à la période concernée par l’utilisation de cette notion pour désigner un peuple du Sinaï en conflit avec les Judéens, les Edomites (8 à 5ème siècle av. J.C.). Au-delà, il s’agit bel et bien d’une promesse de vengeance qui trouve son origine dans la mythologie nationale. Dans le même temps, nombre d’autres représentant‧es du gouvernement et du parlement israéliens ont enchaîné les déclarations racistes faisant l’apologie du meurtre de masse à l’encontre des Arabes palestinien‧nes, alors que l’armée israélienne a engagé l’opération militaire la plus meurtrière de l’histoire d’Israël, procédant à l’épuration ethnique des Palestinien‧nes de Gaza sans qu’aucune instance internationale ni aucun Etat ne se donne les moyens d’arrêter le massacre[17]. Mais ce n’est pas nouveau : depuis de nombreuses années, le courant sioniste révisionniste dont la plupart des membres du gouvernement Netanyahu se réclament, lui y compris, multiplie les déclarations publiques ciblant les Arabes. Bien avant le 7 octobre, la droite israélienne défilait dans les rues avec le slogan « mort aux Arabes », qui est apparu plus d’une fois au cours de la dernière décennie sur de larges banderoles portées par les manifestants. Par ailleurs, la pratique du « price tag attack » initiée depuis 2008 par les colons extrémistes proches de l’actuel ministre Itamar Ben Gvir inclue l’apposition de graffitis et la commission d’actes de vandalisme violemment anti Arabes. Ben Gvir, ainsi que Bezamel Smotrich et d’autres représentants du gouvernement israélien n’ont cessé d’appeler à la destruction des communautés arabes, employant une rhétorique ouvertement raciste qui n’a plus rien à voir avec la lutte contre l’islam radical ou le terrorisme[18]. Ce n’est pas l’islam qui est visé par leurs discours incendiaires, mais très clairement l’ethnicité arabe. La boîte de Pandore ouverte par les éminences religieuses et par les représentants politiques israéliens dont ils sont proches a légitimé le débridement de la parole publique en Israël, amenant un certain nombre de personnalités à exprimer des propos indubitablement racistes et suprémacistes sans subir aucun revers de baton. L’un des exemples les plus éloquents est la déclaration de la présentatrice TV Tzofit Grant à propos des Palestinien‧nes de Gaza lors d’un show télévisé en décembre 2023 : elle les a qualifié de « loosers dégoûtants et puants, qui marchent en claquette. Un peuple repoussant. » Tout est dit. Enfin, lorsque Yoav Gallant qualifie les Gazaouis d’ « animaux humains », le choix du lexique employé est là aussi socio-ethnique plus que religieux. Il n’est pas nécessaire de citer ici toutes les déclarations racistes émises publiquement par des personnalités d’influence israéliennes pour comprendre que le racisme anti Arabe est la motivation première des politiques israéliennes.

La situation en Palestine incarne parfaitement tous les paradoxes des sociétés du Nord (occidentales) dans leur relation aux sociétés arabes en particulier et des sociétés anciennement colonisées en général, parce que les Israéliens sont majoritairement issus de ces sociétés impérialistes du Nord. A ce titre, Ils sont allochtones et importent au Proche-Orient une manière de penser ultra-individualiste, ethnocentrique et néolibérale propre aux sociétés du Nord. Se considérant à la pointe de la civilisation et de la démocratie, la très grande majorité des Israéliens (les sionistes) ne conçoivent jamais le monde arabe comme leur égal, et nient la réalité même des cultures et du progressisme arabe : pour elles‧eux, les Arabes ne peuvent être ni modernes ni démocrates. Les Arabes ne sont qu’un obstacle à la modernité capitaliste, et à ce titre leur éradication seule devient la garantie de l’ordre social et de la paix. Avec le génocide en cours à Gaza depuis le 8 octobre 2023, l’extrême-droite européenne s’est massivement solidarisée avec l’Etat d’Israël, tant sa manière de procéder à l’égard des Arabes constitue un modèle en matière d’arabicide efficace. La haine des Arabes et des Musulmans a pris le pas sur leur antisémitisme historique et il‧elles semblent avoir subitement renoué avec la part juive de leur identité judéo-chrétienne, tout en niant la part sémite de l’identité arabe.

Depuis le 11 septembre 2001 et le lancement de la guerre contre le terrorisme (War on Terror) initiée par les Etats-Unis, la communauté internationale constituée des Etats les plus influents (ONU, OTAN, G7, G20) et de leurs Etats-clients, se sont rangés derrière les néo-conservateurs américains et leur croisade idéologique et militaire contre le monde musulman. Précisons que les Arabes ne sont pas majoritaires dans le monde musulman, plus de 60% des musulmans étant asiatiques (Indonésie, Inde, Pakistan, Bangladesh) et 15% subsahariens (Afrique). La croisade occidentale contre le « terrorisme » se concentre pourtant essentiellement sur le monde arabe et l’ancienne perse (Afghanistan, Pakistan, Iran). Quoi qu’il en soit, l’accusation de terrorisme suffit à elle-même pour légitimer toutes les formes de violences à l’encontre des personnes ou groupes visés : détentions administratives sans charges, assassinats extra-judiciaires, torture, sièges et coupure des vivres et ressources, expulsions et déportations, mais aussi « bombardements de saturation » (carpet bombings) de zones résidentielles accusées d’abriter ou de soutenir des groupes terroristes[19]. Les lois de la guerre ont été soumises à tant de dérogations qu’elles sont devenues caduques. Les crimes de guerre sont même légitimés par des doctrines militaires telles que la doctrine Dahiya esquissée par le chef d’état-major israélien Gadi Eizenkot en 2010 après avoir été appliquée par l’armée coloniale israélienne au Liban en 2006. Celle-ci autorise l’emploi asymétrique et disproportionnée de la force pour faire pression sur des régimes hostiles, notamment en détruisant de façon systématique les infrastructures civiles liées à l’ennemi, et y compris si ces bombardements impliquent le massacre de centaines de civils. Il ne fait aucun doute que la stratégie employée à Gaza depuis le 8 octobre 2023 est l’application stricte de cette doctrine, les villes de Gaza, Jabalia, Deir-el-Balah, Khan Younis, Rafah, ainsi que leurs périphéries (2,14 millions d’habitants sur 365 km², soit 5967 habitants/km²) ayant été bombardées intensivement, induisant le massacre assumé de 40 000 à 200 000 civils Palestinien‧nes n’ayant évidemment aucune responsabilité dans l’attaque du 7 octobre. La notion-même de « victime collatérale » qui était déjà assez insupportable n’est plus mise en avant, le gouvernement génocidaire israélien affirmant sans trembler que tous les habitant‧es de Gaza sont liés au Hamas et qu’il‧elles sont des « animaux »[20]. Il s’agit donc, au sens hébraïque du terme, d’un holocauste[21], et donc d’un génocide.

Cette rhétorique raciste et génocidaire, implicitement approuvée par l’ensemble des alliés d’Israël, en tête desquels se trouvent toutes les anciennes puissances coloniales, fait écho aux discours racistes et islamophobes qu’on voit banalisées par l’ensemble de la classe politique européenne, de l’extrême-droite au centre-gauche, et désormais aussi par les sociaux-démocrates et libéraux qui se font encore appeler socialistes dans plusieurs pays. Au-delà, même la gauche radicale a depuis longtemps repris à son compte les poncifs contre le terrorisme, bien incapable d’apporter une critique sérieuse et intelligente de la notion, de l’emploi qui en est fait, mais aussi et surtout du glissement sécuritaire et fasciste que l’utilisation galvaudée de cette notion entraîne. L’ethnocentrisme des Blancs (appelons un chat un chat) implique qu’à chaque attaque armée contre les leurs, contre leurs intérêts ou sur leur territoire, une union sacrée déclare la patrie ou la démocratie menacée, quand bien-même depuis les années 1970 les principales victimes du terrorisme sont les Musulmans. Les pays les plus meurtris au cours des quinze dernières années sont en effet l’Afghanistan, l’Iraq, la Somalie, le Nigeria, le Burkina Faso, le Pakistan, la Syrie et le Yemen. En Iraq et en Syrie, les groupes islamistes liés à Al Qaeda et l’Etat islamique ont majoritairement tué des Musulmans[22]. Et lorsque la communauté internationale intervient militairement pour riposter au terrorisme, elle anéantit les sociétés civiles déjà prises pour cibles par les groupes armés et entretient par là le terreau désastreux sur lequel se développent la haine et le fondamentalisme. L’ironie de l’histoire, et c’est ce que les sociétés du Nord refusent de comprendre (ou nient consciemment), c’est que le « terrorisme » est en réalité un réflexe d’auto-défense de société ou d’individus écrasés par le capitalisme et l’impérialisme qui en découle.

Ce que cette réalité continue d’occulter avec succès, c’est que la motivation et l’objectif des guerres impérialistes ne sont jamais l’instauration de la paix et de la démocratie, mais plutôt le maintien d’un statu quo chaotique tout à fait compatible avec la prédation capitaliste et le pillage des ressources qu’elle implique. Aucun des pays où les Etats-Unis et ses alliés sont intervenus depuis les années 1960 n’a vu l’installation d’un régime démocratique durable, bien au contraire. Toute démocratie arabe, au contraire, menacerait l’économie occidentale parce qu’elle s’accompagnerait de l’auto-gestion de ses ressources et d’une remise en question probable de l’hégémonie économique des pays du Nord, tout en permettant à ses ressortissant‧es de revenir au pays et de voyager librement, sans continuer de constituer une main-d’œuvre exploitée exclusivement par les anciennes puissances coloniales. A contrario, plusieurs pays du Nord, mais aussi les pétromonarchies de la péninsule arabique, ont activement soutenu des groupes armés islamistes dans le centre et le Nord de la Syrie, dans l’espoir de déstabiliser le régime d’Assad et ses alliés russo-iraniens, tout en appuyant militairement les Kurdes afin de garder à l’abri les ressources en pétrole du Nord-Est de la Syrie, qui constituent 70% des ressources totales du pays. En 2019, le président des Etats-Unis Donald Trump déclarait ainsi : « Nous gardons le pétrole, ne l’oubliez pas. Nous voulons garder le pétrole. Quarante-cinq millions de dollars par mois. »

Les interventions occidentales s’inscrivent dans un continuum colonial dont les enjeux et objectifs n’ont jamais changé depuis le 19ème siècle. L’une des démonstrations éloquentes de cette affirmation est le désintérêt total de la communauté internationale pour la révolte démocratique et non-confessionnelle de la population du gouvernorat de Suwayda en Syrie, qui a débuté en août 2023 et se poursuit toujours plus d’un an plus tard. Le fait que la région soit à majorité Druze, une minorité qu’il est impossible d’associer à l’islamisme, et qu’elle n’ait sur son territoire aucune ressource d’importance, en fait un enjeu négligeable pour des régimes capitalistes habitués à mettre dos-à-dos les communautés ethniques et religieuses dans le but de tirer un profit économique du désordre engendré. Il ne peut y avoir de mouvement démocratique arabe qui suscite l’intérêt des démocraties occidentales. Pour elles, « Démocratie » et « Arabe » forment un oxymore. Israël, qui se présente en démocratie et qui occupe les villages Druzes du Golan depuis 1967, ne semble pas non plus intéressé à encourager l’émergence d’un mouvement démocratique et non-confessionnel parmi les Arabes druzes vivant à proximité. On peut légitimement penser que l’existence d’Israël est moins menacée par les attaques armées du Hamas et du Hezbollah que par l’instauration de régimes arabes véritablement démocratiques à ses frontières. En effet, une démocratie arabe véritable ne saurait souffrir de la présence de l’entité coloniale et n’aurait cesse de remettre en question son existence, a minima par solidarité avec les Palestinien‧nes soumis‧es à son régime violent d’apartheid. Celles‧ceux qui croient qu’Israël promeut la paix et la démocratie au Proche-Orient se fourvoient : la guerre lui est autrement plus bénéfique, et c’est la raison pour laquelle Israël a consciencieusement saboté les accords de paix engagés avec l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP), facilitant l’assassinat de ses artisans Yitzhak Rabin (en 1995) et Yasser Arafat (en 2004), avant de favoriser l’émergence du Hamas dans le but avéré de faire échec à ses opposants modérés et non confessionnels du Fatah, notamment du très populaire Marwan Barghouti, emprisonné depuis 2002 suite à deux tentatives d’assassinat échouées. Jusqu’à ce jour, Israël n’a jamais protégé la démocratie, mais au contraire promu le fascisme pour maintenir son existence illégitime, encouragée par ses parrains étasunien et britannique pour lesquels Israël constitue le meilleur avant-poste ou cheval de Troie au Proche-Orient qui puisse exister.

Les guerres incessantes au Proche-Orient, mais également les politiques mises en place en Europe et aux Etats-Unis, s’accompagnent ainsi d’un arabicide physique et culturel permanent sous prétexte de combattre le terrorisme, de protéger la démocratie et de défendre les « valeurs occidentales ». Israël se place dans le continuum logique de cette approche suprémaciste/impérialiste.


NOTES :

[1] Nombre de ces colonies sont des kibboutz, ce qui ne leur enlève pas leur statut de colonie.

[2] Voir la carte établie par « October 7th Geo-visualization Project » : https://oct7map.com/

[3] Au 3 septembre 2024, 117 otages ont été libérés, dont 100 à l’issue de négociations avec le Hamas. 97 otages sont toujours à Gaza, dont 33 sont présumés morts.

[4] Ces fake news ont été debunkée par plusieurs media, dont le media israélien Haaretz : les mensonges s’appuyaient sur les fausses déclarations de l’ONG sioniste Zaka, qui identifie des victimes du terrorisme, des accidents de la route et autres catastrophes en Israël et partout dans le monde. Il est utile de rappeler que son fondateur Yehuda Meshi-Zahav a été poursuivi pour une série de viols et violences sexuelles commis sur plusieurs années, ainsi que des détournements de fonds, avant de décéder dans le coma en 2022 suite à une tentative de suicide.

[5] La première croisade de 1095-1096 s’en prend également aux Juif‧ves.

[6] D’après les résultats d’une étude menée en 2015-2016 par le MENA Arts Advocacy Coalition (MAAC) : https://www.menaartsadvocacy.com/

[7] Ces exemples ont été pris de manière totalement arbitraire, mais évidemment la liste est bien plus longue.

[8] Le 1er février 2024 deux militants fascistes Lyonnais du groupe Les Remparts, Pierre-Louis Perrier et Sinisha Milinov, ont poignardé de douze coups de couteaux trois personnes arabes à la sortie d’une boîte de nuit.

[9] J’inclue le « sionisme de gauche » des kibboutzim dans la catégorie du nationalisme modéré.

[10] Le « terrorisme » au nom du nationalisme arabe a été initié dès les années 1970 par les organisations palestiniennes Septembre Noir, fondée en 1970 par des membres du Fatah, et Fatah-Conseil Révolutionnaire (Fatah-CR), fondée en 1974 par Sabri al-Banna (« Abu Nidal ») sous l’impulsion de Saddam Hussein. La première est connue pour l’assassinat du premier ministre jordanien Wasfi Tall le 28 novembre 1971 et la prise d’otage et l’exécution de 11 athlètes israéliens lors des JO de Munich les 5 et 6 septembre 1972. La seconde est tenue pour responsable d’attentats et d’assassinats ciblés ayant conduit à la mort de plus de 300 personnes entre 1972 et 1997.

[11] Voir le film « Hannah Arendt » de Margarethe von Trotta, 2012.

[12] L’une des principales critiques qui a été faite à Hannah Arendt est de ne pas « aimer les Juifs ». En hébreux, cet amour spécifique porte un nom, Ahavat Israël.

[13] Le désert est entendu ici comme le lieu où disparaît ce qui constitue « le monde », c’est-à-dire ce qui relie les humains, à savoir l’ensemble des relations sociales où naît le politique.

[14] Dans le roman fantastique de J.R.R. Tolkien Le Seigneur des Anneaux, le Mordor est une région qui se situe à l’extrême Orient de la Terre du Milieu et qui constitue le fief du Seigneur des Ténèbres et des forces du mal.

[15] Le Fond National Juif a pris en charge la plantation de 240 millions d’arbres, majoritairement des pins considérés comme invasifs par les naturalistes, qui leur reprochent d’appauvrir les sols et d’empêcher à d’autres espèces végétales de se développer, tout en constituant un facteur majeur d’incendies.

[16] Le discours de Netanyahu fait référence ici aux écrits du Deutéronome 25 :17 de l’Ancien Testament qui mentionnent l’attaque des Hébreux par les Amalécites, descendants d’Amalek, lors de leur exode depuis l’Egypte. Les Amalécites incarnent dans le judaïsme l’ennemi archétypal des Juifs‧ives, sans que leur existence en tant que groupe ethnique ou social n’aie jamais pu être établie par les historiens et archéologues. Et si tel était le cas, il est improbable que ceux-ci aient un lien quelconque ni avec les Philistins, ni avec les Arabes de Palestine.

[17] Au moment où ces lignes sont écrites, soit cent jours exactement après le déclenchement de la guerre, on décompte 40861 morts Gazaouis, dont 16164 enfants et 10399 femmes, auxquels s’ajoutent plus de 94100 blessés et 10000 disparus. 220 employés de l’ONU, 172 journalistes, 523 professionnels de santé et 76 membres de la défense civile ont été tués. Près de 2 millions de Gazaouis ont été déplacés de force et à plusieurs reprises dans la partie Sud de la bande de Gaza, sans possibilité de quitter le territoire. 516 500 habitations ont été détruites, ainsi que 439 écoles, 763 lieux de culte et 19 hôpitaux.

[18] Il est nécessaire de se rappeler que le 26 février 2023, des centaines de colons israéliens aidés par l’armée d’Israël avaient attaqué le village de Huwwara, se livrant à des incendies et violences volontaires d’une telle ampleur que la presse internationale avait qualifié l’attaque de pogrom. Le ministre des finances israélien, Bezamel Smotrich, avait alors exprimé son souhait que le village Palestinien soit « rasé ». Ce n’était alors qu’un avant-goût de la violence raciste et suprémaciste qui s’est déployée à l’occasion de l’offensive sur Gaza quelques huit mois plus tard.

[19] Les premiers exemples de « tapis de bombes » sont le bombardement de Guernica et Barcelone par les fascistes en 1937-1938 ou celui de Chongqing (Chine) par le Japon en 1938, avant que cette pratique soit banalisée autant par les Nazis (Varsovie, Rotterdam, Londres, Coventry) que par les Alliés (Hambourg, Dresden, Tokyo) durant la seconde guerre mondiale, puis par l’aviation américaine au Vietnam en 1964-1965.

[20] Propos du ministre de la Défense israélien Yoav Gallant le 9 octobre 2023 : “We are imposing a complete siege on Gaza. There will be no electricity, no food, no water, no fuel. Everything will be closed. We are fighting human animals and we act accordingly”

[21] Le dictionnaire Larousse indique en effet : « Holocauste (bas latin holocaustum, du grec holokaustos, de holos, entier, et kaustos, brûlé) : Dans l’ancien Israël, sacrifice religieux où la victime, un animal, était entièrement consumée par le feu ; la victime ainsi sacrifiée »

[22] Mon propos n’est pas ici de nier les nombreuses victimes Yézidies, Kurdes, Druzes, Chrétiennes ou appartenant à d’autres minorités prises pour cible par les islamistes, mais de confronter les chiffres totaux en termes de proportions. Les huit principaux groupes djihadistes (ISIL, Taliban, Boko Haram, Al-Shabaab, Tehrik-i-Taliban Pakistan, islamistes peuls, Al-Qaeda en Iraq et Al-Qaeda) ont fait près de 100 000 victimes depuis 2000.