La chronique Syrienne d’Interstices-Fajawat, 10 janvier 2025

CHRONIQUE REDIGEE EN COLLABORATION AVEC LE COLLECTIF/MEDIA « CONTRE ATTAQUE« 

Pour le premier jour de l’année 2025, le gouvernement de transition Syrien a effectué sa première sortie diplomatique à l’étranger pour rendre visite au gouvernement Saoudien, puis à ses voisins Qataris et Emiratis. HTS a ainsi envoyé un message clair et fort au monde entier, faisant de l’Arabie Saoudite et du Qatar, en plus de la Turquie, ses partenaires prioritaires dans la reconstruction du pays. Les moyens nécessaires au relèvement de la Syrie sont en effet estimés à près de 400 milliards de dollars. Dès les jours suivants, l’Arabie Saoudite a envoyé plusieurs cargaisons d’aide humanitaire par avion à Damas, puis un convoi de 60 camions d’aide est entré par la frontière Jordanienne le 5 janvier, tandis que le Qatar et la Turquie ont envoyé deux « powerships » vers la côte Syrienne (centrales électriques flottantes) pour fournir 800 MW d’électricité à la Syrie (+50%). La Jordanie se dite prête à fournir elle-aussi de l’énergie à son voisin. Le manque d’électricité et son rationnement par le régime d’Assad était en effet l’un des problèmes majeurs de la société Syrienne.

Après avoir annoncé la reconnexion de la Syrie à l’économie de marché, il faut s’attendre à ce que le gouvernement de transition applique des mesures ultra-libérales visant à réduire au maximum les dépenses du nouvel Etat et favoriser l’investissement privé. C’est ce qui explique peut-être le licenciement sans préavis de centaines d’employés du secteur public hospitalier à Tartous et Alep, ainsi que d’une fabrique nationalisée de chaussures à Suwayda ces derniers jours, entraînant des manifestations de colère spontanées dans les trois provinces.

Autant dire que la période qui s’ouvre s’annonce tendue, surtout que les opérations de sécurisation lancées à Tartous, Homs et à Damas au cours de la semaine passée n’ont pas été aussi consensuelles et tranquilles qu’on a pu le penser. L’observatoire Syrien des Droits Humains (SOHR) a recueilli les nombreuses preuves et témoignages de violences commises par les forces de HTS lors de leurs opérations coups de filet pour arrêter les officiers et agents du régime déchu : perquisitions agressives, brimades et violences physiques à l’encontre de centaines de résidents, ainsi que des personnes arrêtées. Pour l’opération à Homs qui a duré cinq jours, HTS a arrêté 1450 personnes, sans qu’on connaisse la réalité des charges portées contre elles. Surtout, ces opérations ont donné carte blanche à des groupes autoproclamés rebelles ou affiliés à HTS, pour persécuter et assassiner des civils. SOHR comptabilise ainsi 214 meurtres depuis le 8 décembre, comme celui de trois paysans à Jableh (Latakia) qui a entraîné une manifestation de plusieurs milliers de personnes demandant l’expulsion des combattants étrangers (ici des Tchétchènes et Pakistanais).

La société Syrienne a cruellement besoin de la mise en œuvre d’une justice transitionnelle, accompagnée de solides processus de réconciliation. Alors que quatorze fosses communes ont été découvertes, comptabilisant à ce jour 1582 corps identifiés, des mesures ont enfin été prises pour gardienner les prisons d’Assad et préserver leurs archives, suite à la demande insistante des familles de disparus. Mais désormais à ces familles s’ajoutent également des centaines d’autres, qui ont manifesté en nombre à Damas le 6 janvier pour exiger de connaître le sort de près de 9000 soldats de l’anciens régime arrêtés depuis sa chute, dont 2000 renvoyés en Syrie par les autorités iraqiennes après leur fuite. Si en effet plusieurs milliers de soldats d’Assad sont passés au cours des trois dernières semaines par les « Centres de réconciliation » pour rendre leurs armes, être répertoriés dans le cadre d’éventuelles poursuites judiciaires, avant d’être réincorporés dans la société civile (sous Assad, les soldats se voyaient confisquer leur carte d’identité civile, remplacée par une carte d’identité militaire), nombreux sont ceux qui restent détenus sans que le gouvernement de transition ne veuille donner leurs noms et lieux de détention. Enfin, et c’est sans doute la plus grande ironie de l’histoire, des familles de la région d’Idleb manifestent elles aussi pour demander la libération de leurs proches, emprisonnés par HTS avant la chute du régime pour leur appartenance à Hizb ut-Tahrir, un groupe salafiste reprochant à Joulani d’abandonner le projet de califat islamique (sic).

D’autres événements agitent la nouvelle vie politique Syrienne, notamment dans les deux régions du Sud de la Syrie. A Deraa le leader de la 8eme Brigade, créée par la Russie à partir des groupes rebelles de la région dans le cadre d’accords de reddition signés en 2018, refuse de désarmer ses hommes et d’intégrer la nouvelle armée syrienne. A Suwayda deux des principales factions locales se sont alliées et ont également refusé, par la voie du sheikh spirituel de la province, de céder leurs armes et de rejoindre la nouvelle armée syrienne sans garanties d’une transition démocratique et laïque réelle à la fin de la période de transition. Si cette décision semble surprenante concernant les factions de Deraa, qui sont issues de la majorité sunnite, elle l’est beaucoup moins de la part de la minorité Druze de Suwayda, dont la survie a toujours dépendu de ses moyens d’autodéfense et de ses liens de solidarité avec les Druzes du Mont Hermon (occupé par Israel depuis le 8 décembre) et du Mont Liban (les libanais sont interdits d’entrée en Syrie depuis le 3 janvier). Les Druzes ne peuvent pas mettre en péril leur sécurité face à un appareil militaire entièrement entre les mains d’anciens (pas si anciens) jihadistes[1]. Leur défiance est donc totalement légitime.

Toujours dans le Sud du pays, Israel a saisi de nouveaux villages, ainsi que l’important barrage de Mantara dans la province de Quneitra, n’hésitant pas à détruire des maisons et infrastructures, tout en exerçant des violences contre les résidents. Un journaliste français, Sylvain Mercadier, et son fixeur Syrien ont été arrêtés le 8 janvier et violentés lors de leur détention, avant d’être libérés. Israel affirme vouloir se maintenir jusqu’à la fin de l’année 2025, mais tout indique que son intention est d’occuper durablement le territoire et de mener également une « guerre de l’eau » contre les Syriens. A l’heure où on rédige cette chronique, on apprend également la détention de cinq réfugiés Palestiniens par la branche syrienne du Fatah à Damas alors qu’ils prenaient part à une manifestation devant l’ambassade de Palestine pour protester contre le siège en cours à Jenine. Non contentes d’avoir collaboré avec le régime d’Assad, les factions politiques Palestiniennes semblent jouir d’une impunité favorisée par les silences de HTS concernant Israel.

Un autre obstacle à la volonté hégémonique de HTS est incarné par les Forces Démocratiques Syriennes et leurs alliées Kurdes autonomistes du Rojava. Depuis fin décembre, la ligne de front entre elles et les mercenaires jihadistes pro-Turquie de la SNA appuyés par l’aviation, l’artillerie et les drones Turcs, s’est cristallisée autour du barrage de Tishrin sur l’Euphrate et les combats ont causé la mort de 56 combattants des SDF et 199 de la SNA. Sans compter les nombreuses victimes civiles, dans les zones contrôlées par les jihadistes où les persécutions et exécutions arbitraires sont monnaie courante, mais aussi de l’autre côté de l’Euphrate du fait des bombardements quotidiens. Au-delà de la résistance acharnée des SDF, le facteur véritablement déterminant est et restera la position des Etats-Unis dans le conflit. Le 3 janvier, l’armée étasunienne a renforcé son contingent à Kobane et il est question d’une démilitarisation de la zone dans le cadre d’accords avec la France, impliquant la sécurisation de la frontière Turque par une force franco-américaine. Mais il est évident que cela ne suffira pas à mettre un terme au conflit tant que les régions au Nord d’Alep restent sous la coupe des fanatiques de la SNA. Du côté de HTS, les négociations sont toujours en cours pour une éventuelle conciliation, l’administration autonome du Nord-Est Syrien ayant réaffirmé sa volonté d’intégration au sein d’un Etat national unifié.

Au regard de ces rapports de forces, mais aussi de la diversité et des spécificités régionales qui caractérisent la société syrienne, seul un modèle de gouvernance décentralisée permettant une plus grande participation locale dans la prise de décision peut garantir la paix sociale. Faudrait-il encore que les sponsors étrangers de HTS l’acceptent…

[1] Rappelons que les jihadistes d’Al-Nosra avaient combattu le bataillon druse de l’armée syrienne libre en 2014, tandis que ceux de DAESH avaient massacré 258 résidents de Suwayda en 2018.

La chronique Syrienne d’Interstices-Fajawat, 2 janvier 2025

CHRONIQUE REDIGEE EN COLLABORATION AVEC LE COLLECTIF/MEDIA « CONTRE ATTAQUE« 

Notre chronique précédente était publiée alors même qu’une opération militaire d’envergure était lancée par HTS dans les régions de Homs et Tartus pour arrêter un certain nombre d’anciens officiers et hommes de main loyaux envers le régime déchu d’Assad. Ces miliciens réfugiés dans les régions côtières à majorité Alaouites (la minorité religieuse dont est issue le clan Assad) avaient en effet commencé à propager des menaces et à agiter la population sur fond de fake news, accusant HTS d’avoir délibérément incendié un lieu sacré pour les Alaouites à Alep. Si le lieu saint a en effet été attaqué le 5 décembre lors de l’offensive contre le régime, HTS avait immédiatement condamné l’action et promis de punir les responsables, ce qui est sensiblement différent de ce qu’affirment les nostalgiques d’Assad prétendant que HTS organisait l’épuration ethnique des Alaouites. Dans les faits, les images de violences qui ont circulé montraient des miliciens du régime déchu se faire maltraiter lors de leur arrestation, tandis que des responsables religieux et civils Alaouites ont rencontré les responsables de HTS et publié des communiqués pour invalider les rumeurs de persécutions.

Ces tensions sur fond de sectarisme nous font oublier que la majorité de la population Alaouite de Syrie souffrait elle aussi de la dictature d’Assad et qu’une tentative d’insurrection était même partie de la communauté Alaouite en août 2023 (Mouvement du 10 août*), aussitôt réprimée par le régime, avant de trouver un écho dans la région de Suwayda. Depuis deux semaines, des comptes occidentaux et/ou pro-Assad propagent également de la désinformation et des rumeurs concernant la persécution et le massacre des Chrétiens de Syrie, ce qui est tout simplement faux. Il semble qu’une partie du monde ne veut pas laisser les Syriens en paix et trouve un intérêt ou du plaisir à faire circuler des images d’atrocités, qui nient notre besoin de guérir de décennies de traumatismes. Nos cauchemars font leurs fantasmes. Cela ne nie pas le fait qu’il y ait des actes de vengeance et de violences isolés, ce qui n’est pas surprenant au sortir d’une dictature sanglante d’une demi-siècle. Pour démêler le vrai du faux et pour faire face aux rumeurs, nous invitons quiconque à suivre le compte @VeSyria / https://verify-sy.com/en

Sur le plan sécuritaire toujours, Al-Shara’a (aka Al-Joulani) a continué de récompenser ses lieutenants en leur confiant des responsabilités au sein du nouvel appareil militaire. Le Ministre de la Défense, ainsi que le Chef du renseignement ont été nommés, suivis d’une liste d’une cinquantaine de nominations au sein du nouveau Ministère de la Défense, tous d’anciens compagnons de route de HTS et d’Al-Qaeda avant lui, incluant au moins sept combattants étrangers, dont trois Ouïghours, un Turc, un Jordanien, un Egyptien et un Albanais.

Sur le plan politique, l’autorité de transition a nommé une première femme au gouvernement, Aisha Aldebs, en tant que chargée de la condition des Femmes. Ce qui apparaissait comme un signe encourageant a immédiatement été terni par ses premières déclarations, extrêmement conservatrices, qui suscitent depuis une semaine de fortes polémiques dans la société Syrienne, ainsi que des réactions virulentes dans les médias. Dans la foulée, Al-Shara’a semble avoir voulu ajuster le tir en nommant d’autres Femmes à des postes de responsabilité : Maysaa Sabrine, comme gouverneure de la Banque Centrale Syrienne, Diana Elias Al-Asmar (Chrétienne) comme Directrice de l’Hôpital Universitaire pour Enfants de Damas, et enfin Mohsena Al-Maithawi (Druze), comme gouverneure de la région de Suwayda, ce qui était une demande de la communauté Druze. En parallèle, le journaliste et compagnon de route de HTS Mohammed Al-Faisal a été nommé porte-parole du gouvernement de transition.

Al-Shara’a a également annoncé des délais pour la rédaction d’une nouvelle constitution et la tenue d’élections, déclarant qu’il faudrait entre 3 et 4 ans pour garantir l’application de la résolution 2254 de l’ONU pour une transition démocratique en Syrie. Au regard de l’état catastrophique de la société et des institutions syriennes, ces délais semblent réalistes, bien que l’inquiétude reste grande par rapport à la gestion des affaires publiques par le gouvernement transitoire sur cette longue période. Si d’un côté Shara’a a rejeté l’option fédéraliste et justifié son choix de ne nommer que des responsables proches de HTS, il rassure néanmoins ses interlocuteurs et détracteurs en promettant la dissolution à venir de HTS dans le cadre de la Conférence Nationale pour le Dialogue qui débutera le 5 janvier prochain. Une réunion préliminaire de la conférence s’est tenue le 28 décembre, mais elle a été vertement critiquée pour le faible nombre de Femmes (3 sur plus de 100 personnes) et de Jeunes parmi les participants, mais aussi pour la superficialité des échanges qui y ont eu lieu. La manière dont les participants sont choisis et invités reste vague. Le réseau Madaniyya, constitué de plus de 150 organisations de la société civile Syrienne attachées aux principes de la révolution de 2011 et qui a rencontré déjà nombre de délégations étrangères, attend par exemple d’être prise en considération par le gouvernement transitoire et la conférence nationale pour le dialogue.

Parmi les angles morts de cette transition se trouve donc toujours la condition des Femmes, ainsi que celle des milliers de disparus et de leur proches dans l’attente, qui ne se sont vus proposer aucun soutien concret ni aucune perspective de justice ou de réparation. Nombre d’associations et de groupes de défense des droits humains ont commencé à dénoncer le fait que les prisons et leurs archives n’ont pas été mises sous protection au cours des deux semaines passées, faisant l’objet de destructions et de vols. Cette négligence évidente interroge sur la réelle volonté du nouveau pouvoir de creuser en profondeur dans les secrets du régime déchu. Silence aussi sur le sort des communes Syriennes occupées par Israël et la Turquie, ainsi que sur celui de la communauté Druze de Suwayda qui bénéficie d’une autonomie de fait depuis quelques années. Silence encore sur les bases militaires russes, dont le retrait total n’est pas évoqué, alors que la Russie a passé les dix dernières années à participer au massacre des communautés Syriennes. Al-Shara’a a au contraire déclaré vouloir respecter les intérêts stratégiques russes dans la région, a priori au même titre que ceux de la Turquie, d’Israël et des Etats-Unis.

Pour conclure, l’un des principaux « nœuds Gordiens » de la Syrie post-Assad reste lié au sort des populations Kurdes, et plus particulièrement celui du projet autonomiste du Rojava. Les Forces Démocratiques Syriennes réussissent péniblement à contenir les assauts des milices pro-Turques sur les rives de l’Euphrate et les ont fait reculer vers la périphérie de Manbij, tandis que l’administration autonome du Nord-Est Syrien a entamé des négociations avec HTS, le président turc Erdogan permettant même à une délégation du parti turc pro-Kurde, le DEM, de rencontrer le leader kurde du PKK Adbullah Öcalan dans la prison d’Imrali où il est à l’isolement depuis 1999. Au cœur de la négociation se trouve l’éventuelle démilitarisation des forces kurdes, voire leur fusion avec la nouvelle armée nationale syrienne. Non pas sans garanties sérieuses de la part du nouveau pouvoir à Damas…

 

* https://en.majalla.com/node/297431/politics/alawite-protest-movement-emerging-syrias-coastal-areas ; https://syriadirect.org/where-does-latakia-stand-on-suwaydas-movement/

La chronique Syrienne de Interstices-Fajawat, 26 décembre 2024

CHRONIQUE REDIGEE EN COLLABORATION AVEC LE COLLECTIF/MEDIA « CONTRE ATTAQUE« 

Depuis que le régime d’Assad est tombé, tout va très vite.

Ahmed al-Shara’a (aka Al-Julani), le leader des rebelles de Hay’at Tahrir al-Shams (HTS) a nommé immédiatement un gouvernement transitoire formé à partir du Gouvernement de Salut Syrien qui préexistait à Idleb depuis 2017. Les ministres ne sont pas des militaires, mais des professionnels dans le domaine qui leur a été confié. Il ne s’agit clairement pas de progressistes, mais plutôt d’islamistes conservateurs. Pour autant, aucun changement constitutionnel ni aucune décision impliquant de grands changements de société sans la consultation et l’accord des Syriens n’a été prise à l’heure actuelle. A la fin de son mandat transitoire, le gouvernement intérimaire est en effet censé laisser la place à une conférence nationale représentative de toutes les factions et minorités Syriennes, pour la formation du futur nouvel Etat Syrien.

Shara’a a également nommé plusieurs chefs de guerre comme gouverneurs de province, ce qui n’est pas pour rassurer tout le monde, mais toutes les nominations ne sont pas faites et des réajustements sont en cours. A Suwayda, province du Sud habitée à plus de 90% par les Druzes, une minorité qu’on ne peut soupçonner de sympathies islamistes, un conseil régional représentant l’ensemble des factions locales a proposé l’investiture d’une femme au poste de gouverneur, ce qui est une première dans l’histoire du pays. Par ailleurs, une grande réunion des chefs de différentes factions armée s’est tenue à Damas en vue de s’accorder sur le désarmement de tous les groupes armés et l’intégration de leurs effectifs dans la future armée nationale, sur la base du volontariat. Shara’a a en effet annoncé la fin de la conscription obligatoire.

Au cours des deux dernières semaines, les réseaux sociaux ont déversé des informations contradictoires évoquant des actes de violence à l’encontre des minorités et des exécutions sommaires sur la côte à majorité Alaouite, mais rien de tout ça n’a eu lieu dans les zones libérées de l’ancien régime par les rebelles de HTS. A Tartus et Latakia, les Alaouites ont au contraire accueilli la chute du régime avec le même enthousiasme que partout ailleurs. Néanmoins, de nombreux comptes se présentant comme bien informés véhiculent quotidiennement de fausses informations et des images non datées et non sourcées pour légitimer et inciter des tensions inter-communautaires, alors que les autorités transitoires ont tout mis en œuvre pour qu’il n’y ait ni représailles ni actes de violence dirigées contre les minorités.

Des incidents ont eu lieu, et notamment l’incendie d’un sapin de Noël à Suqaylabiyah, dans la périphérie de Hama, acte dont les auteurs ont été arrêtés par HTS, qui s’est engagé à réparer les dégâts et a déclaré Noël fête officielle en Syrie. Les combattants étrangers, et notamment Ouïghurs, Tchétchènes et Kazakhs sont pointés du doigt et des manifestations se sont déroulées (sans incidents) pour demander leur désarmement et leur expulsion du pays. Ces manifestations interviennent une semaine après une manifestation au cœur de Damas en faveur de la laïcité, qui a rencontré une vague de critiques du fait que ses principaux organisateurs étaient des défenseurs du régime Assad avant sa chute, mais aussi du fait de l’absence criante de drapeaux de la révolution syrienne. La lutte nécessaire pour un nouveau régime qui garantisse la laïcité et la protection des minorités, y compris les athéistes, a été ainsi discréditée par cette récupération lamentable par des personnalités cherchant à se racheter auprès des Syriens. D’ailleurs, les polémiques autour de cette manifestation ont occulté une autre manifestation appelée à Homs par des groupes de femmes en faveur de la laïcité et de la protection des libertés.

Sur le plan de la politique internationale, la chorégraphie des délégations étrangères qui viennent chaque jour s’entretenir avec le nouvel homme fort de Syrie donne le tournis. Chacun semble vouloir poser ses conditions, demander son dû ou obtenir des garanties, tandis que la Turquie apparaît comme la grande gagnante de ce changement de régime. Elle s’est d’ailleurs empressée d’investir dans l’économie Syrienne, annonçant la réouverture prochaine de la ligne aérienne entre les deux pays ou encore le rétablissement du chemin de fer abandonné depuis 2012. On ne doute pas que ce regain d’intérêt pour la Syrie des Etats étrangers est motivée par l’appât du gain, dans la mesure ou Shara’a a annoncé la reconnexion du pays avec l’économie de marché. L’Allemagne, en plus d’être clairement favorable au génocide des Palestiniens, a été parmi les premiers Etats à suspendre les demandes d’asile des Syriens et à accourir auprès d’Erdogan pour le congratuler et nous rappeler combien il a été un partenaire de premier plan en termes de gestion migratoire… Rapaces.

De son côté, Israël continue d’occuper militairement des villages dans les provinces de Dera’a, Quneitra et du Damas rural : actuellement, près d’une trentaine de localités ont été annexées, impactant près de 50 000 résidents Syriens. Les responsables Israéliens se réjouissent ainsi d’avoir pris possession du Mont Hermon, qui représente 30% des ressources en eau de la Syrie et 40% de celles de la Jordanie. Alors que Shara’a évite prudemment de critiquer Israel, la population n’a pas attendu pour manifester son hostilité envers l’armée Israélienne, qui a ouvert le feu et blessé plusieurs personnes avant de se retirer de la localité de Al-Suwaisa (Quneitra). Les résidents du village Druze de Hader ont également déclaré publiquement leur refus d’être annexé par Israel, répondant par-là aux rumeurs et fake news propagées de concert par des sionistes et des islamistes accusant à tort les Druzes d’être pro-Israel.

Enfin, la question Kurde sera également déterminante, dépendant des décisions américaines et de l’issue des négociations en cours entre Shara’a, les Forces Démocratiques Syriennes (FDS), soutenues par les Etats-Unis, et l’administration autonome du Rojava. Le 14 décembre, la trêve dans les régions de Kobane et Manbij décidée deux jours plus tôt a été immédiatement violée par la Turquie, engendrant la riposte des FDS contre les milices pro-Turques de l’Armée Nationale Syrienne (ANS). Rappelons que si la guerre n’est pas terminée, la faute en incombe largement aux aspirations coloniales et impérialistes de Erdogan, qui n’est ni le libérateur, ni l’ami des Syriens. Les FDS quant à elles, sont constituées à plus de 60% d’Arabes Syriens, ce qui n’en fait pas une force Kurde comme certains le prétendent. La simplification des rapports de pouvoir et des caractéristiques ethnoculturelles des régions situées à l’Est de l’Euphrate sont en partie responsables de l’indifférence de nombreux Syriens à l’égard de ce qui s’y déroule actuellement, et donc d’une forme de déni vis-à-vis des crimes commis par les forces pro-Turques.

La situation reste donc extrêmement incertaine, même si nous sommes globalement confiants sur les évolutions à venir, car nombre d’initiatives populaires progressistes, démocratiques et laïques ont déjà été lancées et démontrent que la société Syrienne ne se laissera pas imposer une nouvelle dictature militaire, ni religieuse. Quoi qu’il puisse arriver dans les prochaines semaines, ce qui se passe depuis deux semaines en Syrie constitue une démonstration de résilience collective sans précédent.

Appel à toutes les forces progressives Syriennes !

En dehors des complices du régime de Assad et des populations civiles toujours prises pour cible dans le Nord et à l’Est de la Syrie, l’unanimité des Syriens sont heureux de la libération de la Syrie grâce à l’offensive des rebelles Syriens et du soutien de nombreuses communautés Syriennes qui n’attendaient qu’un signal pour participer à la libération.

Après 58 années d’une des dictatures les plus féroces, et non 13 ou 24 années comme le suggèrent les médias occidentaux, les Syriens avaient besoin d’au moins 48 heures pour respirer et partager leur infini bonheur, leurs cris, leur joie, mais également leurs pleurs de soulagement et de peine trop longtemps contenus.

Beaucoup à l’étranger n’ont pas respecté ce besoin, continuant à infantiliser les Syriens et à mépriser leurs aspirations démocratiques et laïques, en ne cessant depuis le début de l’offensive des rebelles (que nous refusons de réduire à Hayat Tahrir al-Sham, parce que des centaines d’autres factions se sont jointes à l’opération) de brandir devant nos visages la menace islamiste.

Nous n’avions pas besoin qu’on nous le dise. Nous avons été parmi les premiers à subir cette menace, qui était présente en nous durant des années, mais nous savons aussi que les groupes criminels jihadistes ne sont pas nés tous seuls. Ils sont nés du chaos produit par des décennies de colonisation, d’invasions armées et de bombardements aveugles.

Après avoir fait la fête, les forces progressistes Syriennes doivent désormais agir vite et ne pas se détendre trop tôt. Les menaces d’un retour de bâton réactionnaire et fondamentaliste sont réelles.

C’est pourquoi nous voulons partager quelques revendications essentielles avec vous, à diffuser largement au sein de TOUTES les communautés syriennes et à transmettre à ceux qui vont assurer la transition politique en Syrie.

Nous devons:

ARRET DES VIOLENCES

  • Mettre fin immédiatement à toute intervention militaire dans les zones d’Idleb, Alep, Raqqa, Deir Ez-Zor et Hasakeh et mettre en place des accords de cessez-le-feu entre les forces rebelles et les forces armées des YPG/SDF ;
  • Condamner et mettre fin définitivement aux bombardements d’Etats étrangers sur le sol Syrien;
  • Exiger la libération des territoires et des communautés civiles Syriennes otages des Etats voisins et de groupes armés servant leurs intérêts, et notamment d’Israel et de la Turquie dans les régions du Golan, de Quneitra, de l’Ouest de Damas, d’Idleb, d’Alep, de Raqqa et d’Hasakeh ;
  • Désarmer les combattants armés non-Syriens et leur demander de quitter le pays, de rentrer chez eux ou de faire une demande d’asile en Syrie, qui sera étudiée au regard d’enquêtes sérieuses réalisées sur les crimes commis par les groupes armés auxquels ils ont appartenu ;
  • Garantir l’accès au territoire Syrien aux ONG humanitaires et aux journalistes;

PROCESSUS DE JUSTICE REPARATRICE :

  • Archiver (et numériser) et analyser les archives des services de sécurité du régime Assad, puis les rendre consultables par les personnes concernées, afin de permettre le deuil et la réparation des crimes, ainsi que les poursuites à l’égard des auteurs de ces crimes ;
  • Protéger et permettre un plein accès aux listes de détenus et victimes du régime Assad aux familles de victimes à la recherche de personnes disparues ;
  • Lister les personnes complices de dénonciations calomnieuses et protéger leur identité afin d’empêcher la vengeance personnelle et garantir la mise en place de procédures judiciaires équitables, qui peuvent impliquer des modes de justice transformatrice et réparatrice, plutôt que punitive ;
  • Procéder à l’arrestation et au placement en détention dans des conditions humanitaires de tous les personnels de l’armée, de services de sécurité ou de milices armées soupçonnés d’avoir été impliqués directement dans la commission de crimes à l’égard de civils et de crimes de guerre ;
  • Empêcher toute humiliation ou exécution publique et engager des processus de justice qui respectent les conventions internationales contre la peine de mort ;
  • Permettre l’établissement de systèmes de règlement des conflits et de justice alternatifs, laissant le choix aux personnes justiciables de choisir sous quel système de justice ils souhaitent être jugés, tout en interdisant le recours à des peines impliquant des sévices corporels ou la peine de mort ;
  • Souscrire aux traités et conventions permettant la collaboration avec la Cour Internationale de Justice et le respect de ses décisions ;

TRANSITION POLITIQUE :

  • Empêcher la mise en place d’un régime politique fondé sur les appartenances religieuses ou ethniques, pour empêcher une division sectaire de la Syrie ;
  • Empêcher l’utilisation des symboles de groupes armés, ainsi que les drapeaux associés à Al-Qaeda et à l’Etat Islamique, ainsi que des autres groupes islamistes, dans les institutions publiques du nouveau régime politique ;
  • Organiser une transition politique vers un régime fédéral permettant la représentation égalitaire et non ségrégative des différentes communautés ethno-religieuses de la société Syrienne qui représentent au moins 1% de la société Syrienne : Arabes Sunnites, Arabes Chiites, Arabes Chrétiens, Druzes, Alaouites, Kurdes et Assyriens. Les communautés ethniques représentant moins de 1% de la population Syrienne doivent quant à elles bénéficier d’une représentation proportionnelle afin de faire respecter leurs identités spécifiques et les droits qui s’y rapportent : Turkmènes, Tcherkesses, Bédouins, Arméniens, Juifs Mizrahim, Yézides, Palestiniens, Romani, Araméens/Syriaques ;
  • Geler toute coopération avec un Etat voisin qui ne garantit pas la liberté totale aux populations appartenant à au moins l’une des communautés Syriennes citées précédemment ;
  • Rétablir pleinement et sans restriction les libertés politiques et religieuses, ainsi que la liberté d’association, la liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté de la presse ;
  • Garantir la liberté et la protection des droits des femmes et des minorités sexuelles ;

Sans l’application de toutes ces revendications, l’auto-détermination des Syriens n’est pas garantie et la résurgence de pouvoirs autoritaires est à craindre. Nous devons massivement nous mobiliser pour empêcher l’histoire de se répéter et les ambitions autocratiques ou réactionnaires de compromettre la révolution démocratique et laïque syrienne.

Aussi, nous devons annoncer haut et fort notre solidarité avec les peuples Palestiniens, Libanais et Kurdes face à l’oppression et aux violences injustifiées qu’ils subissent. Il ne s’agit pas de soutenir les groupes armés qui portent leur parole, mais d’envoyer un message clairs à nos peuples frères et aux civils qui ne méritent pas de subir les répercussions des guerres coloniales.

Nous ne voulons que la paix et la démocratie en Syrie et dans toute la région qui l’entoure.

Initiative Interstices-Fajawat

La situation en Syrie n’a jamais été noire ou blanche : Comment les intérêts étrangers convergent

Si vous pensez que les rebelles syriens ne sont qu’un outil d’Israël et des États-Unis,

Si vous pensez que la Russie et Israël sont des ennemis,

Si vous pensez qu’Assad et l’Iran étaient le courageux « axe de la résistance à Israël » et que vous ne pouvez pas soutenir le peuple palestinien ET le peuple syrien,

Si vous pensez que c’est une question de noir et blanc et de bloc contre bloc,

Si vous pensez que les Syriens ne s’unissaient pas tous ensemble pour renverser l’un des régimes les plus horribles et les plus génocidaires du monde,

LISEZ NOTRE ANALYSE SUIVANTE :

  1. TURQUIE

Erdogan voulait occuper et expulser les Kurdes de tout le territoire syrien au-dessus de la route M4, et continuer à fournir à Israël 30% de son pétrole via l’oléoduc BTC.

Nous pensons que la Turquie avait besoin d’une force armée, l’Armée nationale syrienne (ANS) composée d’islamistes dociles et de mercenaires étrangers pour mener à bien ses plans de colonisation et de nettoyage ethnique au nord de la route M4, tandis qu’une autre force armée composée de rebelles syriens motivés par la libération de leur pays, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), faisait diversion au sud.

Nous pensons également que la Turquie n’était pas particulièrement intéressée par ce que les rebelles syriens allaient faire au sud d’Alep, et qu’elle a été potentiellement surprise par la faiblesse et la déroute de l’armée syrienne, la rapidité avec laquelle les rebelles ont reconquis l’ouest et le sud de la Syrie, mais aussi le soutien massif à l’offensive de la part des rebelles de Suwayda et de Deraa.

Après le troisième jour de l’offensive, Erdogan a appelé Assad et les rebelles à trouver un accord.

  1. ISRAËL

Netanyahou avait besoin que la Turquie continue à lui fournir 30% de son pétrole pour poursuivre le génocide des Palestiniens.

Israël voulait également chasser le Hezbollah et les milices pro-iraniennes de toute la Syrie et protéger ses frontières nord, c’est-à-dire les terres volées du Golan syrien, en établissant une zone tampon sur le sol syrien.

Nous pensons qu’Israël n’a aucun intérêt à mener une guerre en Syrie et qu’il n’obtiendra aucun soutien pour cela. En outre, Israël est confronté à une énorme crise économique, sociale et politique qui ne serait pas facilitée par l’ouverture d’un nouveau front de guerre.

Le fait qu’Israël ait ciblé toutes les zones militaires syriennes et les dépôts d’armes immédiatement après la chute d’Assad démontre qu’Israël ne se sentait pas menacé par le régime d’Assad : Israël n’avait jamais bombardé l’armée syrienne auparavant, mais seulement les responsables du Hezbollah en Syrie.

Les officiers de renseignement israéliens ont déclaré la semaine dernière qu’ils avaient besoin d’Assad pour maintenir le statu quo garantissant la sécurité d’Israël.

  1. RUSSIE

En 2016, Poutine et Assad ont conclu des accords avec Israël pour garantir la sécurité de la frontière nord d’Israël et en éloigner le Hezbollah. En 2018, les Russes ont pris le contrôle de la région de Deraa en intégrant d’anciens rebelles dans leur 5e « corps d’armée » (8e bataillon Awda).

La Russie et les États-Unis avaient conclu des accords en 2015 dans le cadre de la « ligne de déconfliction » leur permettant à tous deux d’utiliser le ciel syrien pour mener leurs attaques contre ISIS sans que leurs avions n’entrent en collision.

La Russie a été considérablement affaiblie par la guerre en Ukraine depuis 2022 et avait considérablement réduit sa présence en Syrie. Le bombardement incessant de la zone rebelle d’Idleb et les énergies déployées pour maintenir en place le régime incapable d’Assad depuis 2015 n’en valaient plus la peine.

La Russie s’est engagée activement avec la Turquie et l’ONU dans les accords d’Astana pour sortir de Syrie sans être humiliée.

  1. LES ÉTATS-UNIS

Après la révolution de 2011 et la prise de contrôle d’ISIS en 2013, les États-Unis voulaient prendre et conserver le contrôle des régions situées à l’est de l’Euphrate (Deir ez-Zor et Al-Hasakeh) où se trouvent 75% des réserves de pétrole de la Syrie, sans engager de troupes américaines sur le sol syrien et sans soutenir les socialistes kurdes YPG/PYD affiliés au PKK.

Ainsi, les États-Unis ont soutenu et entraîné les Forces démocratiques syriennes (FDS) pour repousser ISIS et maintenir l’est de la Syrie hors du contrôle d’Assad ou de l’Iran.

Les États-Unis ont également conservé une base militaire sur le sol syrien (al-Tanf) qui n’a jamais été menacée par Assad, et qui n’a jamais été une menace pour Assad. Les Américains n’ont JAMAIS attaqué l’armée syrienne.

La Russie et les États-Unis avaient conclu des accords dès 2015 dans le cadre de la « ligne de déconfliction » leur permettant à tous deux d’utiliser le ciel syrien pour mener leurs attaques contre l’État islamique sans que leurs avions n’entrent en collision. Le centre de commandement américain est situé à Al-Ubaid au Qatar.

Par ailleurs, après que les États-Unis ont donné carte blanche à la Turquie pour bombarder les Kurdes en 2019, les FDS ont commencé à se tourner vers la Russie…

  1. L’IRAN

L’Iran est l’allié de la Syrie depuis la guerre du Liban (1982) et avait besoin du territoire syrien pour approvisionner en armes et en argent sa milice du Hezbollah. L’Iran contrôlait l’ensemble du réseau routier reliant l’Irak au Liban, et en particulier les points de passage de Boukamal et d’Al-Qusair, ainsi que la zone clé de Palmyre et la rive droite de l’Euphrate.

En échange du soutien de l’Iran et de ses milices libanaises, irakiennes, pakistanaises et afghanes, Assad a permis à l’Iran de construire des liens commerciaux à l’intérieur de la Syrie, transformant celle-ci en une gigantesque usine de captagon et le régime syrien en un narco-État, dirigé par son frère Maher.

Après qu’Israël a détruit l’infrastructure du Hezbollah et épuisé ses forces en Syrie, l’Iran n’avait plus aucun intérêt à soutenir le régime d’Assad et à risquer la destruction de ses milices irakiennes dans une confrontation avec les rebelles syriens. Il a donc préféré se rabattre sur le contrôle de l’Irak. Par ailleurs, l’Iran est également impliqué dans le processus d’Astana avec la Turquie et la Russie.

  1. LES GROUPES ARMÉS D’OPPOSITION NON ÉTATIQUES SYRIENS

Les HTS ont clairement entamé des négociations avec les YPG/SDF à la périphérie d’Alep dès les premiers jours de l’offensive, et les quartiers de Sheikh Maqsood et d’Ashrafiye sont toujours sous le contrôle des YPG/SDF. De plus, leur volonté de protéger les minorités religieuses n’est pas une simple déclaration : aucun rapport ne fait état de persécutions de civils par les HTS depuis le 27 novembre, et les communautés syriennes accueillent favorablement l’offensive, même si de nombreuses personnes s’inquiètent également des semaines à venir. HTS a immédiatement ouvert les prisons et rétabli les services d’eau et d’électricité qui avaient été coupés et rationnés pendant des années par le régime, permettant aux journalistes étrangers d’entrer dans le pays pour la première fois depuis des décennies. En outre, le chef du HTS, Al Joulani, qui a rompu ses liens avec Al-Qaïda et qui est en conflit avec le SNA depuis plusieurs années, a déclaré avant la fin de l’offensive qu’il prévoyait de dissoudre le HTS et de laisser la gouvernance de la Syrie à une autorité de transition composée d’une coalition de groupes représentant la diversité de la société syrienne.

En ce qui concerne les FDS, nous pensons que leurs compromis avec les États-Unis d’une part et avec le régime Assad et la Russie d’autre part, mais aussi leur manque de respect pour les coutumes et les demandes des communautés arabes à bien des égards (à Manbij, à Deir ez-Zor et dans d’autres parties de la région de Jazira/Rojava) les ont rendus trop impopulaires pour gagner la sympathie des autres Syriens. Malgré cela, il n’est pas juste de les considérer comme des alliés du régime Assad, leurs principales préoccupations depuis 2015 ayant été de se protéger contre les risques sérieux de génocide représentés par ISIS et de défendre leur autonomie, elle-même considérée comme un moyen de se séparer et de se protéger du pouvoir central dictatorial d’Assad. Ainsi, les FDS et les communautés kurdes devraient entamer des négociations avec l’autorité syrienne de transition pour conserver leur autonomie, tout en proposant d’être intégrées dans un nouveau système de type fédéral leur permettant de bénéficier des mêmes droits et garanties que les autres Syriens.

Il existe de nombreux autres groupes rebelles qui ont participé à l’offensive de HTS mais qui ne sont pas affiliés à HTS. C’est notamment le cas des Druzes de Rijal al-Karami du district de Suwayda, qui résistent au pouvoir central depuis 2011 et ont massivement entravé le recrutement de 50 000 jeunes Druzes par l’armée du régime, refusant d’aller tuer d’autres Syriens. Depuis quelques années, Rijal al-Karami mène une lutte acharnée contre les bandes criminelles affiliées à la 4e division blindée de Maher al-Assad et au Hezbollah, qui ont développé dans la région de Suwayda de nombreux trafics permettant au régime de renflouer ses caisses, notamment celle du captagon.

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Si, après avoir lu cette analyse, vous pensez toujours que les Syriens étaient incapables de se libérer par eux-mêmes et sans intervention étrangère, et que vous soutenez Assad et le Hezbollah parce que vous les croyez solidaires des Palestiniens, lisez notre article adressé à la gauche campagnarde occidentale en suivant ce lien : https://interstices-fajawat.org/fr/camarades-gauchistes-occidentaux-vous-avez-perdu-vos-camarades-arabes/